Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LES PONTS DE LA CITÉ
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Voici à droite le pont d'Arcole, qui sert de trait d'union entre l'île de la Cité et la place de Grève ou de l'Hôtel-de-Ville. Ce pont, créé en vertu d'une ordonnance royale du 6 décembre 1827, fut livré à la circulation le 21 décembre 1828 sous le nom de pont de la Grève. La révolution de juillet 1830 l'en fit changer. Le 28

Le Pont d'Arcole
juillet 1830, les combattants du peuple, occupant le pont qui était alors suspendu, et s'abritant derrière l'espèce d'arc de triomphe qui supportait par le milieu les fils de suspension, dirigeaient un feu meurtrier vers les soldats de la garde royale et de la garde suisse massés sur la place de Grève. « Un jeune homme, bravant le feu des Suisses et des gardes royaux réunis, monte sur l'arc du pont, et, au milieu des balles qui sifflaient autour de lui, plante le drapeau tricolore, dont la vue redouble le zèle des combattants. » Tel est le récit authentique, rédigé au lendemain des événements, pour l'illustration des Scènes mémorables des journées de juillet, dessinées par Charlet.

On s'empressa d'ajouter à ce récit une légende dont Charlet ne dit pas un seul mot. Le jeune homme au drapeau, frappé mortellement, serait tombé en s'écriant : « Je m'appelle Arcole ! Vengez-moi ! » Si la chose est vraie, on peut croire, et elle n'y perdrait ni en poésie ni en héroïsme, que le jeune héros se serait souvenu du drapeau porté par Bonaparte au pont d'Arcole pour entraîner ses soldats, refaisant ainsi sur le mode épique le mot plaisant de l'inconnu qui, devant le prince de Condé, après la levée du siège de Lérida, s'écria en échappant aux mains des sergents qui l'arrêtaient : « Je suis Lérida, on ne me prend pas, moi ! » Quoi qu'il en soit, le pont de Grève prit dès lors le nom de pont d'Arcole. Démoli en vertu d'un décret impérial du 31 août 1854, il fut reconstruit en une seule arche de fer de 20 mètres de largeur, d'après le système de l'ingénieur Oudry.

La longue façade de l'Hôtel-Dieu sur le quai aux Fleurs s'étend entre le pont d'Arcole et le pont Notre-Dame. Ce dernier, totalement reconstruit en 1853, sur les plans de MM. de la Galliserie et Darcel, avait une histoire beaucoup plus mouvementée encore que celle du pont Rouge et beaucoup plus ancienne. On ne sait rien de positif sur ses origines, sinon qu'il existait probablement dès le XIVe siècle, à l'état rudimentaire, sous le nom de pont des Planches de mi-bray (c'est-à-dire au milieu de la boue), et que le 31 mai 1413 le roi Charles VI le baptisa pont Notre-Dame. La ville de Paris le reconstruisit en 1421 ; il était chargé de soixante maisons d'architecture uniforme, trente en amont, trente en aval, qui s'abattirent d'un seul bloc dans la rivière, le 25 octobre 1499. Jean Joconde, l'illustre architecte de l'ancienne Cour des comptes, qui avait déjà présidé à la reconstruction du Petit Pont, fut chargé des travaux du pont Notre-Dame, qu'il bâtit en pierres et qu'il acheva en 1512.

Soixante-dix maisons, dix de plus qu'à l'ancien, chargèrent le nouveau pont Notre-Dame ; elles étaient démolies depuis 1786, en vertu de lettres patentes du 22 avril 1769, lorsque la

Le Pont Notre-Dame
Révolution fit de la cathédrale le temple de la Raison, nom que le pont de Joconde dut partager avec son église patronale.

Aux quatre maisons qui formaient les extrémités du pont Notre-Dame, on avait construit des niches où l'on avait placé d'un côté les statues de Louis XIII et d'Henri IV, de l'autre celles de saint Louis et de Louis XlV. On les retrouve presque intactes au musée du Louvre, dans les salles consacrées à la sculpture de la Renaissance. Au milieu du pont s'élevait un bâtiment, renfermant deux pompes servant à élever l'eau de la rivière, et dont le front était décoré d'un médaillon de Louis XIV, de deux autres figures et d'une inscription latine composée par Santeul. Ces ouvrages, édifiés en 1670, n'ont été supprimés qu'en 1855. Les pompes, en aspirant l'eau de la Seine sous la maîtresse arche, y déterminaient un courant torrentiel aussi pittoresque pour la vue qu'assourdissant pour les oreilles, et qui rendait la navigation du fleuve aussi périlleuse à la montée qu'à la descente. Cependant on ne les a fait disparaître qu'après les avoir suppléées dans le service des eaux de Paris par d'autres machines élévatoires installées dans le cours supérieur de la Seine.

Laissant successivement à gauche la place du Marché-aux-Fleurs et le palais du Tribunal de commerce, on rencontre à droite le pont au Change, qui, continuant sur la Seine le boulevard du Palais et le réunissant à la place du Châtelet sur la rive droite, est l'une des voies les plus fréquentées et les plus animées de Paris. Entièrement reconstruit en 1858, le pont au Change repose sur trois arches elliptiques de 3m,60 d'ouverture, et sa largeur, qui n'est pas moindre de 30 mètres, suffit à la circulation la plus active. Le pont au Change prit ce nom en 1141, lorsque Louis VII ordonna aux changeurs de s'y établir. Les changeurs de ce temps-là étaient de véritables banquiers, qui faisaient commerce de numéraire et de lettres de change. Avant de s'appeler le pont aux Changeurs, le pont au Change ou le pont de la Marchandise, on le désignait sous le nom du Grand Pont, parce qu'il traversais le grand bras de la Seine, et, de même que le Petit Pont, assis sur le petit bras, il remontait à la domination romaine. Pendant des siècles, Lutèce n'en eut pas d'autres. L'histoire anecdotique des temps passés montre que le pont au Change, avec ses rangs de boutiques où brillaient l'or, l'argent et les pierres précieuses, était la galerie favorite des Parisiens, comme le devint plus

Le Pont au Change
tard le portique couvert du Palais-Royal.

Les jours de carnaval, on dressait le long du pont au Change des tables sur lesquelles il était permis de jouer aux dés. Cet usage, fort ancien, fut aboli en 1604. Il n'y avait pas que des changeurs et des orfèvres sur le pont au Change : on y vendait des oiseaux les fêtes et dimanches ; cette permission avait été concédée aux oiseliers sous la condition de donner la volée à deux cents douzaines d'oiseaux lorsque les rois et les reines, faisant leur entrée solennelle dans Paris, passeraient sur le pont au Change. Le marché aux oiseaux ne s'est pas beaucoup éloigné de son emplacement primitif ; c'est toujours le dimanche qu'il se tient, non plus sur le pont, mais à son extrémité, sur la place réservée pendant la semaine pour le marché aux fleurs.

 


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