Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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PARIS – LES RUES
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Paris n'est pas seulement la plus belle ville du monde, la plus attrayante, la plus policée, la plus riche en monuments, et, sans contredit, la capitale intellectuelle du monde civilisé, telles que le furent Athènes et Rome aux temps antiques ; c'est une ville bien faite, harmonieusement distribuée, où le promeneur se reconnaît aisément, où la circulation est facile en toutes directions. Cet avantage, elle le doit d'abord à sa situation véritablement unique, ensuite à la méthode historique de ses agrandissements. Paris, dès ses premiers âges, s'accrut par enceintes successives, exactement comme l'arbre de haute futaie grossit par couches concentriques ; et cela par un phénomène aussi naturel, aussi nécessaire que la croissance des arbres.

La ville primitive, étant renfermée dans une île, avait le fleuve pour enceinte ; lorsqu'elle déborda sur les deux rives de la Seine, elle se construisit un fossé au nord et un fossé au sud, reproduisant à peu près les contours de l'île natale, et

Rue de Rivoli
affectant en conséquence la forme d'un arc double s'appuyant au fleuve par ses quatre extrémités, deux en amont, deux en aval. Les élargissements successifs des enceintes, depuis Philippe-Auguste jusqu'à Napoléon III, se sont accomplis en vertu du même principe, chaque circonvallation nouvelle enveloppant, à une distance de plus en plus grande, celle qui l'avait précédée.

Les deux plus récentes, celle de Louis XIV et celle de Louis XVI, incluses dans l'enceinte fortifiée actuellement existante, subsistent comme voies publiques, la première partiellement, la seconde totalement, et dessinent en dedans du mur des fortifications deux lignes d'admirables promenades. L'une, celle de Louis XIV, qu'on appelle les boulevards, prend naissance vers l'orient au cours supérieur de la Seine, forme un demi-cercle au nord de la ville, et vient aboutir vers l'occident au cours inférieur du fleuve.

La seconde enceinte, celle de Louis XVI, que bâtirent les fermiers généraux pour assurer la perception des droits d'entrée, laissa libre, en s'écroulant sous la pioche des démolisseurs, une double ligne, l'une intérieure, qui s'appelait le chemin de ronde, l'autre qualifiée de boulevards extérieurs, qui, réunis aujourd'hui, forment un boulevard intérieur d'une largeur considérable, par lequel on peut faire le tour entier de la ville sans discontinuité.

La Seine, qui traverse Paris dans sa plus grande largeur, de l'est à l'ouest, donne un point de repère de premier ordre pour la direction de la viabilité. Comme on accédait à l'île natale ou à la ville insulaire par deux ponts, celui du Nord et celui du Midi, deux voies principales y aboutissaient, qui dessinèrent, dès

Obélisque de Louqsor.

les premiers âges, le réseau perpendiculaire à la Seine. Ce furent, vers le Nord, la rue Saint-Martin, continuant le Grand-Pont ou pont au Change, et, sur la rive gauche, la rue Saint-Jacques continuant le Petit-Pont vers le Midi.

Chaque fois qu'une enceinte nouvelle et plus ample remplaçait une enceinte ancienne et plus étroite, elle annexait à la ville des surfaces comprises entre les deux ; beaucoup de ces espaces étaient peu habités, déserts même, et en état de cultures, qui ne tardaient pas à être loties, défrichées et bâties. C'est ainsi, pour n'alléguer que des exemples restreints, mais connus, que la suppression de l'enceinte dite de Charles V, depuis le bord de la Seine, près du Louvre, jusqu'à la porte Saint-Denis, à travers le jardin actuel du Palais-Royal, dès la première moitié du règne de Louis XIII, fit entrer dans la ville les terrains de culture appelés les Petits Champs, qui s'étendaient entre le mur occidental de la ville et le territoire d'un gros bourg nommé la Ville-l'Évêque, en même temps que la partie méridionale du fief de la Grange-Batelière, occupée par des maraîchers. Dans la même extension fut englobée l'ancienne butte aux Gravois, entre la rue Poissonnière et la rue Saint-Denis. Les nouveaux quartiers qui surgirent de ces régions, quartiers Richelieu, des Petits-Champs et Bonne-Nouvelle, furent édifiés d'après un plan d'ensemble, comme l'avaient été déjà sous Henri IV les quartiers du Marais et du Pré-aux-Clercs, reliés dès le premier jour à l'ancienne ville : Toute une ville entière avec pompe bâtie Semble d'un vieux fossé par miracle sortie, écrivait le grand Corneille en 1642.

Le même phénomène se reproduisit lorsque l'enceinte des fermiers généraux remplaça celle de Louis XIV, et l'enceinte fortifiée celle des fermiers généraux. C'est ainsi que les quartiers des Champs-Élysées, de Chaillot, de Passy, de Neuilly, de Grenelle, du Gros-Caillou, de la plaine Monceaux et vingt autres sont sortis de terre alignés, percés et raccordés de toutes parts avec ceux qui les avaient précédés.

On peut considérer, d'une manière générale, que les quartiers nouveaux étaient divisés en îlots quadrilatères, formés par les rues primitives, régulièrement parallèles ou perpendiculaires à la Seine, et se coupant à angles droits. Plus tard, notamment pendant la période comprise entre l'année 1852 et l'époque actuelle, l'édilité conçut d'immenses travaux dans le but de dégager le centre de la vieille ville, d'y verser l'air et la lumière, et de raccourcir les distances par de larges percements rectilignes à travers les ruelles étroites et tortueuses du vieux Paris. De même que la rue Rambuteau, tracée sous le règne de Louis-Philippe, la rue de Rivoli prolongée est parallèle à la Seine ; de même les boulevards de Strasbourg, de Sébastopol et Saint-Michel sont perpendiculaires au fleuve. En
poussant leur trouée à travers les ruelles et les masures, les voies nouvelles ne modifiaient pas le sens général du réseau de la ville.

Il n'en fut pas de même pour les percements transversaux qui vinrent ensuite, le boulevard Haussmann, la rue de Turbigo, la rue Réaumur, le boulevard du Prince-Eugène, la rue de Rennes, le boulevard Saint-Germain, la rue Monge, etc., qui, prenant l'ancien Paris par le travers ou en écharpe, y découpèrent des triangles de pierres, dont les angles aigus sont amortis où masqués par des rotondes terminales.

De ces créations modernes, entreprises sur une échelle colossale, est sortie une

La vieille rue Hautefeuille.
ville nouvelle, qui se superpose à l'ancienne comme deux échiquiers dont l'un serait placé de droit fil et l'autre en biais. Le résultat pratique de cette combinaison est excellent, sinon très artistique ; il permet de circuler dans tous les sens, c'est-à-dire du nord au sud et de l'est à l'ouest en suivant les anciennes rues, du nord-ouest au sud-est et du sud-ouest au nord-est en parcourant les nouvelles voies transversales.

En 1300, on comptait à Paris 310 rues ; 515 rues en 1636 ; 810 en 1642, auxquelles il fallait ajouter 88 culs-de-sac. Aucune inscription ne désignait les voies publiques, on ne pouvait s'y reconnaître que par la force de l'habitude ou sur les indications orales des passants. C'est pour faciliter la connaissance de ce labyrinthe de rues et de ruelles qu'un magistrat intelligent, M. Hérault, lieutenant général de police de la ville de Paris, y introduisit un usage pratiqué dès longtemps dans la plupart des grandes villes d'Italie, où les noms des rues étaient marqués en gros caractères sur les maisons d'encoignure, à l'entrée et à la sortie de chacune d'elles.

Le 16 janvier 1728, on plaça les premières inscriptions parisiennes ; ce travail fut achevé dans le courant du mois de mars suivant. Elles étaient en caractères noirs sur des feuilles de fer-blanc ; mais elles s'effaçaient sous la pluie, la neige ou le soleil, et l'on décida que les inscriptions peintes seraient remplacées par des inscriptions gravées. Les ordonnances de police des 30 juillet 1729 et 3 juin 1730 imposèrent aux propriétaires l'obligation, en cas de reconstruction des encoignures, de remplacer les plaques de fer-blanc par des tables en pierre de liais, dans lesquelles seraient gravés en creux les noms des rues. Cette obligation éventuelle ne s'imposa pas à toutes les parties de la ville, et le travail d'ensemble était loin de toucher à son terme à l'époque de la Révolution.


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