Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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NOTRE DAME DE PARIS
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Le tympan de la porte Sainte-Anne se partage dans sa hauteur en trois zones, comme le tympan des deux autres portes. Par suite des additions qu'elle a subies au XIIIe siècle, il s'y est introduit une certaine confusion entre l'histoire de sainte Anne et celle de sa fille la sainte Vierge. Mais, dans l'ensemble, c'est bien à sainte Anne que cette porte est consacrée. Les pentures de la porte, en tout semblables à celles qui décorent la porte de la Vierge, paraissent cependant avoir été forgées les premières, ce qui achève de prouver l'antériorité de la porte Sainte-Anne sur le reste de l'édifice.

Si l'on veut faire le tour de l'édifice, dans l'ordre des temps, il faut commencer par le côté méridional, c'est-à-dire par le quai de l'Archevêché, à droite de la porte Sainte-Anne. Les deux côtés sont à peu près semblables, ayant été conçus et exécutés par l'architecte Jean de Chelles, qui prit son nom du village ou sans doute il était né, dans la banlieue de Paris. Cette façade, dédiée à saint Marcel, offre à l'extrémité du transept un magnifique portail, au pied duquel se lit une inscription taillée en relief dans la pierre, et qui constate en ces termes

Pentures en fer forgé de la porte de la Vierge
l'antériorité de la façade Saint-Marcel : « ANNO DOMINI M° CC° LVII° MENSE FEBRUARIO, IDUS SECUNDO, HOC FUIT INCEPTUM CRISTI GENITRICIS HONORE ; KALLENSI LATHOMO VIVENTE JOHANNE MAGISTRO. »

La façade méridionale, moins chargée que la grande façade du Parvis, est hérissée, comme celle du nord, d'une forêt de piliers, se terminant presque tous en obélisques fleuronnés. Elle est décorée, en outre, d'un grand nombre d'arcatures, parmi lesquelles s'élèvent cinq pignons de grandeurs diverses, ornés de roses, de trèfles et de mascarons. Le stylobate des niches est décoré de fleurs de lis en relief dans des médaillons creux. Les archivoltes des niches sont séparées par des touffes de feuillages, des oiseaux, des animaux, une sirène ; parmi les statues se remarquent celles de Moïse, d'Aaron et de saint Marcel. Aux deux extrémités du mur de face, on distingue un nombre incroyable de bas-reliefs et de petits personnages, les uns courant, jouant, s'amusant avec des animaux, d'autres paraissant se livrer à l'étude ; on assiste à des examens passés par des professeurs en habit ecclésiastique, à des scènes d'exil et même de supplices.

Or le père Du Breul nous apprend que le chapitre de Notre-Dame avait une échelle de justice qu'on voyait encore sous Henri IV à l'entrée de l'église ; il est donc permis de supposer que ces bas-reliefs, demeurés inexpliqués ou controversés, représentent par tableaux l'histoire du bon et du mauvais écolier, encouragement pour les uns, avertissement pour les autres, c'est-à-dire un sujet populaire dans les temps modernes et varié à toutes sauces par l'imagerie d'Épinal.

Au milieu de la façade, et servant d'issue au bras méridional du transept, s'élève un délicieux portail nommé portail Saint-Marcel, qui s'était appelé autrefois porte des Martyrs, parce que les niches de ses ébrasements contiennent les statues de saint Denis et de ses compagnons, le prêtre Rustique et le diacre Éleuthère. Ces statues anciennes, jetée, bas en 1793, furent retrouvées au bout de quarante ans dans la rue de la Santé, au faubourg Saint-Jacques, où elles servaient de bornes. L'une d'elles, celle de saint Denis, était reconnaissable à une particularité inoubliable : le sculpteur avait laissé la tête de saint Denis sur ses épaules, et le saint portait symboliquement son crâne dans ses mains. Ces précieux débris appartiennent aujourd'hui au musée de Cluny.

Le tympan du portail Saint-Marcel est occupé par des bas-reliefs qui représentent le martyre de saint Etienne. La triple voussure de la porte est remplie par vingt et un martyrs, auxquels des anges tendent des couronnes. On retrouve là saint Denis sans tête, saint Laurent avec son gril, saint Clément avec sa meule, saint Vincent, saint Maurice, saint Georges, saint Eustache, et d'autres dont l'identité n'a pu être clairement établie. A la pointe supérieure de la voussure, la tête du Père Éternel apparaît entre deux dais.

Continuant sa route, le visiteur incline au nord, en laissant à sa droite le square Notre-Dame, et fait le tour de l'abside, dont la courbe est aussi imposante que belle. C'est peut-être le joyau le plus exquis dans cet amoncellement de merveilles architecturales. Trois galeries extérieures forment comme des terrasses superposées, que relient une multitude de pinacles, de clochetons et de pyramides. Sur la galerie supérieure, enroulée autour des combles, on peut faire extérieurement le tour de la cathédrale. C'est de là que partent les conduites pour l'écoulement des eaux pluviales, qui se divisent entre les innombrables gouttières ou gargouilles qui allongent au-dessus de chaque arc-boutant leurs têtes grimaçantes de chimères, de tarasques et de magots. La muraille ovale de l'abside est soutenue par un grand nombre de contreforts, d'une extrême

Sacristies de Notre-Dame de Paris

élégance et d'une incroyable hardiesse. Ceux qui correspondent aux travées de la haute voûte, qu'ils contre-buttent, ont en quelques endroits plus de treize mètres de portée.

En achevant de tourner au nord, laissant derrière soi les quais et la Seine, on atteint la façade septentrionale, qui donne sur la rue du Cloître, et l'on aperçoit la porte Rouge, ainsi nommée à cause de la peinture de ses vantaux, et qui est réservée aux chanoines et au clergé de la cathédrale. Ce petit monument, qui remonte à 1257, consiste en une baie de style ogival, surmontée d'un pignon à jour qui laisse pénétrer la lumière jusqu'à la fenêtre de la troisième chapelle du chœur, sous laquelle elle s'ouvre. On y accède par cinq degrés, réparés avec des fragments de pierres tombales. Elle est délicatement ornée d'aiguilles, de croisettes, de fleurons, comme aussi d'une ménagerie de pélicans, griffons, dragons, autruche, âne, chèvre, porc, singes, lièvres, lapins, éléphants, bœufs, sirènes, etc.

La voussure renferme six groupes, dont le principal représente la Vierge et le Christ assis l'un à côté de l'autre ; un ange vient de déposer une couronne sur la tête voilée de la Vierge ; le Christ porte la couronne royale et tient dans sa main gauche le livre de la Loi, tandis que de la droite levée il bénit sa mère. La Mère et le Fils sont placés entre deux personnages royaux et couronnés, agenouillés et les adorant les mains jointes. On reconnaît dans ces deux suppliants, revêtus de robes longues et de manteaux, le roi Saint-Louis et sa femme Marguerite de Provence.

Les deux élévations latérales ou bas côtés extérieurs de l'église sont à peu près pareilles, tandis que le dessin de chaque porte présente un caractère particulier. Entre la porte Rouge et la suivante, qui s'appelle la porte du Cloître, on aperçoit, à deux mètres de hauteur du sol, une suite de sept bas-reliefs, incrustés dans le soubassement des cinquième, sixième et septième chapelles, qui représentent la vie de Notre-Dame.

La porte du Cloître s'ouvrait sur la rue intérieure des plaisons canonicales, que défendait autrefois une porte de pierre joignant la tour septentrionale de l'église. On accède à cette porte, dont la baie dessine une grande ogive encadrée de feuillages et crochets, par quatre degrés inscrits dans l'ébrasement. Elle correspond au croisillon septentrional du transept. Un trumeau qui la partage en deux supporte une statue de la Vierge tenant son divin fils entre ses deux mains élevées et foulant aux pieds le dragon ; cette statue est célèbre par l'expression gracieuse de la tête et la fierté maternelle de l'attitude. Les six niches de l'ébrasement sont occupées par six autres statues : à droite de la Vierge, les trois rois mages apportant leurs trésors ; à sa gauche, les trois vertus théologales désignées par leurs attributs ; sous le linteau, quatre anges balancent des encensoirs.

Le tympan présente trois rangs superposés de sujets. Comme ceux de la grande façade, c'est encore un poème sculpté en l'honneur de la Vierge. Au premier rang, la Vierge à demi couchée, Jésus dans sa crèche, le bœuf et l'âne, saint Joseph, Hérode assis et transmettant à un garde les ordres que lui suggère un petit démon placé derrière son oreille gauche, le massacre des Innocents, la fuite en Égypte. Ces sculptures se recommandent par une extrême finesse et par une justesse d'expression que ne présente pas toujours l'art du XIIIe siècle. La légende connue du diacre Théophile, que la Vierge délia du pacte qu'il avait fait avec le démon (caria Theophili, ces mots sont gravés sur la pierre), occupe les quatre sujets de second rang.

Au-dessus du tympan, trois cordons de voussures contiennent quarante-deux personnages, douze anges, quatorze saintes et seize docteurs, représentant la « divine liturgie s de l'iconographie byzantine. Enfin, au-dessus de la triple voussure, la composition architecturale se termine par un pignon, percé de compartiments à jour.

Plus haut encore, au milieu d'ogives appliquées à la muraille, s'ouvre la rose septentrionale, d'un diamètre d'environ vingt mètres, inscrite dans un carré dont les angles inférieurs sont évidés. Aux côtés de la rose, en haut des contreforts dont elle est accompagnée, deux niches contiennent chacune la statue d'un ange colossal sonnant de la trompette ; elles échappèrent aux mutilations révolutionnaires, grâce à la hauteur ou elles sont placées, et se trouvent, malgré leur antiquité, dans un parfait état de conservation.

Cette description purement extérieure de Notre-Dame de Paris peut paraître longue ; mais nul autre monument parisien n'excite un intérêt aussi puissant et n'approche, par son étendue et par son harmonieuse beauté, de la vénérable cathédrale de Paris.

Entrons maintenant dans Notre-Dame : Le premier aspect est encore plus saisissant que celui de la façade elle-même. En général, les églises de Paris comportent une nef centrale accostée de droite et de gauche d'une autre nef, moins haute que la nef centrale. Ces bas côtés s'appellent collatéraux. A Notre-Dame, les collatéraux sont doubles sur une longueur de huit travées. Par conséquent, le visiteur qui, les portes franchies, s'arrête à l'entrée de la grande nef, embrasse d'un coup d'œil cette nef elle-même et quatre collatéraux, ensemble cinq nefs énormes dont le coup d'œil est superbement imposant.

L'entrée de chacun de ces doubles bas côtés forme, au rez-de-chaussée des tours, une vaste salle carrée ou porche, limitée par les deux premières travées

Porte rouge
de la nef centrale. A la suite de ce porche, chaque bas côté double est divisé parallèlement à la nef, par une file conséquent, le centrale de sept colonnes en deux galeries, dont les deux points extrêmes sont marqués par des piliers. Dans cette file, les colonnes monostyles alternent avec des groupes de colonnes entourées de douze colonnettes détachées du fût central. Les sept colonnes ou groupes de colonnes correspondent à quatorze chapelles, dont sept au nord et sept au midi.

Aux quatre angles de la partie centrale du transept, en avant du chœur, de robustes piliers, revêtus, les uns de pilastres réunis, les autres de colonnes en faisceaux, montent depuis le sol jusqu'aux voûtes. L'extrémité de chaque croisillon ou bras du transept, au nord et au midi, est marquée par une arcature qui se répète au dehors, et que surmontent les roses des vitraux. La voûte du croisillon méridional et sa rose correspondent extérieurement à la porte Saint-Marcel ; elles furent réparées de 1723 à 1726 par Boffrand, architecte du roi, aux frais du cardinal de Noailles.

Le chœur a ses collatéraux comme la grande nef. On y accède par trois marches. Nous avons déjà dit que l'abside est une des parties les plus anciennes de Notre-Dame ; c'est pourquoi l'on y remarque, comme à la tour du Sud, quelques détails appartenant encore au style roman. Quatre piliers et dix-sept colonnes partageant en deux galeries le collatéral du transept, formant vingt travées.

Une des beautés les plus éclatantes de Notre-Dame, c'est la tribune qui domine tout le pourtour de la nef, au-dessus des arcs inférieurs. Elle est toute voûtée en pierre, et d'une largeur à peu près égale à celle du premier collatéral. Sur chacune des travées de la nef et sur deux travées en retour dans le transept, la tribune est ornée par un trèfle ogival inscrit dans un grand arc également ogival. La baie médiane de chaque travée et celles qui l'accompagnent ont pour appui deux colonnes légères taillées chacune dans un seul bloc, et deux pilastres engagés ; colonnes et pilastres se couronnent de chapiteaux à crochets, Ces diverses ouvertures, contemplées du sol de la nef, ouvrent des perspectives infinies dans cette ville de pierre.

Lorsque l'antique cathédrale brillait dans la splendeur de son intégrité artistique, le chœur était clos par une muraille à soubassement historié, qui, commençant à l'est, c'est-à-dire au point correspondant au sommet de l'abside, se poursuivait vers le nord, et, arrivée à la rencontre du transept, se continuait et se relevait sur un jubé qui traversait le chœur et redescendait de l'autre côté, à l'angle du croisillon méridional, pour achever de ceindre le Chœur en remontant jusqu'à l'est. Cette œuvre inestimable fut lamentablement mutilée par l'amputation de sa partie orientale d'abord, et ensuite de sa partie occidentale lorsqu'on détruisit le jubé. Elle ne subsiste donc plus qu'à titre de clôture latérale, au nord et au midi, s'adossant aux stalles des chanoines. Dans l'état actuel, le soubassement dont elle se compose est divisé au nord, qui est la partie la plus ancienne (XIIIe siècle) et la plus belle, en dix-neuf ogives trilobées, qui reposent sur des faisceaux de trois colonnettes, et sont sculptées d'un bas-relief continu, divisé en treize sujets du Nouveau Testament.

Les intervalles des archivoltes sont remplis par des feuillages, des animaux fantastiques et quelques petits personnages. On y trouve, en marchant de l'est au nord : 1° la visitation ; 2° l'annonce aux bergers ; 3° la naissance du Christ ; 4° l'adoration des Mages ; 5° Hérode conseillé par le démon (comme à la porte du Cloître) ; 6° la fuite en Égypte ; 7° la présentation ; 8° Marie retrouvant l'enfant Jésus qui dispute avec deux docteurs ; 9° Jésus debout dans l'eau du Jourdain ; 10° les noces de Cana ; 11 ° l'entrée à Jérusalem ; 12° la cène ; 13° le Christ lavant les pieds à saint Pierre ; 14° le jardin des Oliviers.


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