Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LE PALAIS DES THERMES ET L'HÔTEL DE CLUNY
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

En achevant cette promenade à travers l'Université, pour revenir à la Sorbonne,

Palais des Thermes, rue du Sommerard
notre point de départ, nous rencontrons encore deux monuments de premier ordre, tant elle est riche, cette vieille terre de la rive gauche, le berceau de la civilisation parisienne ! Ces deux monuments, à vrai dire, n'en forment qu'un, conformément aux lois de leur développement ; une seule grille les entoure et les isole sur leurs quatre limites, qui sont : à l'ouest le boulevard Saint-Michel, au nord le boulevard Saint-Germain, à l'est la rue de Cluny, au midi, rue du Sommerard. Celle-ci va du boulevard Saint -Michel à la rue des Carmes, où elle aboutit en face du marché des Carmes, au-dessus de la place Maubert et au-dessous du collège des Lombards.

Ces deux monuments sont le palais des Thermes et l'hôtel de Cluny, celui-ci bâti aux dépens du premier ; la Lutèce romaine et le Paris du moyen âge, tout est là.

En se plaçant devant la grille du boulevard Saint-Michel, une masse imposante de ruines dessine une vaste cour encadrée à gauche par un mur d'enceinte, à droite par une aile fermée et d'apparence claustrale, au fond par un mur percé de trois portes à plein cintre et d'une grande fenêtre de même forme ; sur les chaînes horizontales de briques, disposées en petit appareil carré, qui, soutenues par des blocs de pierre et agglomérées par la poussière des siècles, ont pris l'aspect de rochers gris, des touffes de lierre, plantées avec un art qui reproduit la nature, projettent leur feuillage vert. Les ruines sont celles du palais impérial des Thermes ; elles comptent seize siècles d'existence, et cependant,

Hôtel de Cluny, 1829
transformées en musée, elles renferment des monuments parisiens encore plus anciens qu'elles.

Le palais des Thermes ou bains chauds, qui servait en même temps de citadelle, fut bâti, selon toute probabilité, au temps de l'empereur Constance Chlore, le césar des Gaules, le conquérant de l'Angleterre, qui habita Lutèce de 287 à 292 après Jésus-Christ. En l'an 360, le césar Julien dit l'Apostat fut dans ce même palais proclamé auguste, c'est-à-dire empereur, par l'armée et le peuple et il y attacha sa renommée, car on l'appelle communément les Thermes de Julien. On lui devait bien cet honneur en reconnaissance de l'attachement particulier qu'il avait pour « sa chère Lutèce ». Après lui, les empereurs Valentinien et Gratien y passèrent l'hiver de 365.

Adossé à deux voies romaines : la grande route du Midi, dont le tracé est indiqué aujourd'hui par la rue et le faubourg Saint-Jacques, et une autre dont les substructions ont été découvertes en 1839 sous le sol de la rue de la Harpe, aujourd'hui représentée par le côté oriental du boulevard Saint-Michel, le palais impérial devait présenter au midi sa principale façade, devant laquelle s'étendait jusqu'à la rue Soufflot le campus ou place d'armes. Du côté de l'ouest, il dominait d'immenses jardins prolongés jusqu'à l'emplacement actuel de Saint-Germain des Prés, et jusqu'à la Seine du côté nord.

Le roi mérovingien Childebert l'habitait encore et le poète Fortunat en chantait la magnificence au commencement du VIIe siècle. Les empereurs carlovingiens, qui résidèrent habituellement à Aix-la-Chapelle, abandonnèrent le palais de Paris ; l'Anglais Alcuin, qui fut comme le ministre de Charlemagne pour le développement de l'instruction publique, y établit, dit-on, une école ou plutôt un atelier de manuscrits et de miniatures. On ne sait rien du palais des Thermes

Palais des Thermes, réutilisé en cave par un tonnelier,
avant son appropriation au musée
pendant les quatre siècles suivants qui, sans doute, consommèrent sa ruine.

La construction de l'enceinte de Philippe-Auguste, en faisant entrer dans la ville les vastes jardins du palais, qu'on appelait le Clos de Laas, c'est-à-dire de la citadelle (en latin arx, en vieux français li ars), en détermina le lotissement et le morcellement. Les quartiers Saint-André-des-Arts, jusqu'à la rue Hautefeuille et la rue de l'École-de-Médecine, sont formés aux dépens des anciens jardins du vieux palais. Ce fut alors que Philippe-Auguste, par une charte de 1218, fit don à son chambellan Henri du palais lui-même, réduit à l'état de domaine rural, car il contenait un pressoir. Nouvelle lacune d'un siècle et demi, après laquelle, en 1340, Pierre de Chaslus, abbé de Cluny, se rendit acquéreur, au nom de son ordre, du domaine, des ruines, du pressoir et du terrain.

Autre lacune pareille, c'est-à-dire de cent cinquante ans. A ce moment, où les successeurs de Pierre de Chaslus entreprirent de construire un hôtel sur le fonds du terrain, jouxtant le couvent des Mathurins, dont la limite est indiquée aujourd'hui par la rue de Cluny, il ne restait plus de l'immense palais que les ruines telles qu'on les voit aujourd'hui, et qu'on ne les voyait pas alors, car, pour comble de disgrâce, pendant que les abbés de Cluny employaient les vieilles murailles romaines pour édifier leur résidence, des maisons de produit s'élevaient le long de la rue de la Harpe, en façade des ruines et les enclavant de manière à les soustraire aux regards. Jusqu'en 1819, pour visiter les ruines des Thermes, il fallait se faire ouvrir la porte d'une maison fort laide, qui portait sur la rue de la Harpe le n° 63 et l'enseigne de la Croix de fer, en face de l'ancien hôtel du Bœuf couronné. Au fond d'une cour étroite s'ouvrait la salle principale, qui servait de magasin à un tonnelier. La voûte romaine portait sans fléchir un jardin divisé en parterre et en potager, où les pommiers fleurissaient dans une épaisse couche de terre végétale. On y accédait par une des salles du second étage de l'hôtel de Cluny.

Après avoir laissé trop longtemps ces ruines précieuses dans un inexplicable abandon, l'ancien gouvernement parut enfin s'en émouvoir ; plusieurs projets se trouvaient en présence à la veille de la Révolution ; le baron de Breteuil, l'un des ministres de Louis XVI, avait chargé l'architecte Verniquet, l'auteur du premier plan géométrique de la ville de Paris, de relever le plan du palais des Thermes ;

Lucarne de l'hôtel de Cluny
on se proposait dès lors d'en faire un musée d'architecture et de construction.

Ce ne fut cependant qu'en 1819 que le roi Louis XVIII donna l'ordre précis de dégager les Thermes. Le préfet de la Seine acheta la maison de la Croix de fer, qui fut aussitôt démolie ; de nouvelles constructions et substructions parurent au jour ou furent reconnues ; une grille de fer laissa voir sans obstacle les restes de l'antique monument ; enfin lorsque l'État se rendit acquéreur, à la mort de M. du Sommerard, de l'admirable collection formée par cet antiquaire dans l'hôtel de Cluny, la ville de Paris offrit en pur don les ruines du palais des Thermes, et le nouveau musée fut constitué par la loi du 24 juillet 1843 sous le nom de musée des Thermes et de l'hôtel Cluny.

Ce dernier édifice, commencé en 1485 par Jean de Bourbon, abbé de Cluny, continué en 1490 par son successeur Jacques d'Amboise, s'acheva en 1514. Il présente aux regards charmés l'un des monuments les plus élégants qu'ait produits l'art gothique à la veille de sa prochaine évolution sous les inspirations de la Renaissance.

 


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