Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LE PALAIS DES THERMES ET L'HÔTEL DE CLUNY
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Du côté de la rue du Sommerard (ancienne rue des Mathurins), une solide muraille, couronnée de larges et pacifiques créneaux, ferme la cour intérieure,

Entrée de l'Hôtel de Cluny, rue du Sommerard
dans laquelle on pénètre par une porte en arc surbaissé, dont la voussure est sculptée de pampres chargés de grappes avec des anges qui déroulent des banderoles. La façade de l'hôtel abbatial se compose d'un grand corps de logis flanqué de deux ailes, et divisé dans sa ligne médiane par une grande tourelle à pans coupés.

La façade et la tourelle sont surmontées d'une galerie à jour derrière laquelle s'élèvent de hautes lucarnes richement sculptées, et dont les tympans représentent les écussons, les insignes et les devises de la famille d'Amboise. L'aile gauche, en entrant dans la cour, est percée de quatre arcades ogivales qui donnent accès dans une salle communiquant au palais des Thermes.

Les murs sont ceux d'une construction romaine, dont l'antique couverture n'a été remaniée qu'en 1737. On l'a remplacée dans les dernières années. L'aile droite renfermait autrefois les cuisines et les offices. Le puits, situé dans l'angle de la cour, a conservé son ancienne et artistique ferrure. Dans l'angle opposé, rejoignant la façade principale, se trouve l'entrée du musée et de ses collections.

Autour des bâtiments, du côté de la rue de Cluny et sur la grande façade septentrionale que longe le boulevard Saint-Germain, un jardin verdoyant répand sa fraîcheur et son ombre sur les monuments de pierre, statues, colonnes, pilastres, bas-reliefs, inscriptions, autels et pierres tombales qui doublent les collections intérieures d'un musée en plein air. C'est là qu'on a réédifié le portail de l'église Saint-Benoît, retrouvé sous la façade postiche du théâtre du Panthéon, démoli par le passage de la rue des Écoles.

Les deux façades sont inégalement ornées, celle de la cour plus richement, celle du jardin plus sobrement, de pierres découpées en feuillages, où nichent une multitude de petits animaux s'ébattant chacun à sa manière : chiens qui se mordent les oreilles, écureuils grimpants, lapins broutant, couleuvres rampantes, limaces glissantes, lionceaux, marmousets et chimères. Les gargouilles saillantes,

Lucarne de l'hôtel de Cluny
qui servent à l'écoulement des eaux, s'animent également de bêtes demi-fantastiques, lions, aigles et griffons.

C'est dans ce délicieux logis que les nobles abbés de Cluny se faisaient honneur et gloire d'héberger les têtes couronnées ; ce fut d'abord Marie d'Angleterre, sœur d'Henri VIII et veuve de Louis XII ; elle a laissé son nom à la chambre de la reine blanche, pour rappeler que les veuves des rois de France portaient le deuil en blanc ; puis Jacques, roi d'Écosse, qui y célébra son mariage avec Madeleine de France, fille de François Ier, puis les princes de Guise, les nonces du pape, etc.

Devenu propriété nationale en 1790, l'hôtel de Cluny fut vendu par les administrateurs du département de la Seine au docteur Baudot, « ex-législateur », puis à M. Leprieur, un grand libraire de Paris, qui y installa ses magasins. En 1833, apparut M. du Sommerard, figure originale et spirituelle, à qui la ville de Paris, la France et les arts doivent une reconnaissance éternelle. Fils d'un riche financier, soldat de la Vendée et de la monarchie, on vit Alexandre du Sommerard, devenu membre de la Cour des comptes, donner un libre cours à son amour éclairé des arts qui avaient tant souffert pendant la période révolutionnaire. Les autels renversés, les églises démolies, les monuments et les statues mutilés, les os de sainte Geneviève brûlés en place de Grève, pendant qu'un prétendu garde des archives mettait le feu aux documents les plus précieux de notre histoire de France, les toiles de Raphaël crevées, et tant d'autres méfaits barbares excitèrent chez lui une profonde indignation, qui lui ouvrit une carrière nouvelle. « Les Vandales du va siècle, disait-il, n'ont jamais brisé tant de chefs-d'œuvre. » Sa vocation était née.

Maître d'une fortune considérable, il recherche et réunit les vieux chefs-d'œuvre, armes, costumes, manuscrits, faïences, statues, peintures, étoffes et joyaux. C'est pour installer sa précieuse collection, logée trop à l'étroit dans son hôtel de la rue de Ménars, qu'il loua pour sa vie l'hôtel de Cluny. A sa mort, l'hôtel, appartenant toujours à M. Leprieur, et la collection, à 14Ima veuve du Sommerard, furent achetés par l'État. M. du Sommerard fils, digne collaborateur et continuateur de l'œuvre de son père, est mort après avoir exercé jusqu'à son dernier jour les fonctions de conservateur du musée national de Cluny.

On ne saurait donner ici l'aperçu, même succinct, des richesses qui s'y trouvent accumulées et que toutes les nations de l'Europe nous envient, même l'Angleterre avec son musée de Kensington. Le dernier catalogue du musée de Cluny contient plus de dix mille numéros.

Au rez-de-chaussée, une suite de galeries est consacrée aux meubles, sculptures, étoffes, broderies, etc., de l'antiquité, du moyen âge et de la Renaissance. Les deux dernières salles, voisines du palais des Thermes, ainsi que la galerie des carrosses, qui prend jour sur le jardin de la rue du Sommerard, sont de construction récente et remplacent d'anciennes dépendances du palais, dont les murs étaient encore debout.

L'escalier en bois qui conduit aux galeries du premier étage, et qui porte les armes de France et de Navarre, avec les chiffres couronnés d'Henri IV et deMarie de Médicis, provient de l'ancienne Chambre des comptes de Paris ; il avait été emmagasiné dans les caveaux du palais de Justice, où il avait échappé aux démolitions comme aux incendies. Le premier étage comprend douze galeries contenant des meubles précieux, des armes, des peintures, des ivoires, des émaux, les verreries, les faïences et la grande pièce d'orfèvrerie, tels que l'autel d'or de Bâle et les couronnes des rois goths ; celles-ci comptent parmi les plus extraordinaires raretés de ce musée cependant si riche. Les neuf couronnes

La porte de la tourelle centrale
exposées ici ne sont pas remarquables seulement par le poids de l'or massif, mais aussi par les saphirs orientaux, les perles fines et les pierreries de toutes sortes qui en rehaussent l'éclat.

Les galeries de droite sont consacrées aux faïences de Lindos, provenant de l'île de Rhodes, et à l'inestimable collection des faïences italiennes. La chambre de la reine blanche contient des peintures du XVIe siècle, œuvre de décorateurs italiens. La chapelle contiguë à cette chambre conserve également ses voûtes à fines nervures, retombant en faisceaux sur un pilier central. Dans l'angle de la chapelle s'ouvre un escalier en spirale élégamment ajourée, qui conduit à une salle basse, formant le rez-de-chaussée de la chapelle. Un pilier central, soutenant celui du premier étage, supporte une voûte aux arcades ogivales ; il est surmonté d'un chapiteau portant le K (Karolus) couronné du roi Charles VIII, et les armes de la famille d'Amboise ; on le considère, suivant l'expression de M. E. du Sommerard, comme la pierre de consécration de l'édifice.

De cette salle basse on pénètre dans la grande salle des Thermes, dont l'aspect majestueux frappe comme le symbole de la grandeur romaine. Sa hauteur est d'environ 18 mètres au-dessus du sol, sa largeur de 12 mètres et sa longueur de 20. Une voûte d'arête, que n'ont pu fléchir ni le poids du temps ni les sévices des hommes, projette ses voussures hardies dont les retombées ont pour consoles des poupes de navires. Le pourtour des murailles est garni d'arcades et de niches aux gracieuses archivoltes, composées de briques et de pierres, finement découpées en claveaux alternés.

Les murs sont construits de moellons et de briques disposés par bandes, genre de construction d'une légèreté égale à sa solidité ; ils furent originairement revêtus d'une couche de stuc, épaisse de 8 à 14 centimètres, qui paraît avoir été arrachée par la main des hommes plutôt que détruite par la vétusté.


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