Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LES COSTUMES, LES SALONS, LA SOCIÉTÉ
SOUS LA RESTAURATION
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Ces montagnes aériennes étaient la grande folie du jour ; chaque quartier de

Paris eut peu à peu ses Montagnes qui étaient offertes avec orgueil à l'affluence des amateurs. On en éleva au faubourg Poissonnière, à la barrière des Trois-Couronnes, aux Champs-Élysées, sur le boulevard Montparnasse. Partout, la foule se portait avec un empressement qui justifiait les calculs des entrepreneurs. Le goût des Montagnes gagnait jusqu'aux dernières classes de la société ; l'artisan et la grisette dégringolaient en espérance tout le long de la semaine, et s'en dédommageaient le dimanche par la réalité. On imita les Montagnes russes, on fit les Montagnes suisses.

La vogue suivit longtemps les entrepreneurs, et les auteurs dramatiques portèrent sur la scène cette fureur du jour qui ne disparut guère qu'aux approches de 1835. On joua, on chanta, on mangea même les Montagnes russes ; elles inspirèrent des couplets fort gais au chansonnier Oury et un tableau curieux pour le théâtre du Vaudeville ; enfin elles baptisèrent un bonbon nouveau, d'un goût exquis, qui fit la fortune de deux confiseurs dont la renommée, on peut le dire, vo'a de bouche en bouche.

Tout le beau monde se rendait aux Montagnes du jardin Beaujon ; on allait y faire admirer sa toilette et y étaler ses grâces, en glissant dans le chariot, debout, agitant un schall au-dessus de sa tête comme une nymphe de la danse. On montait en chariot par couple, mari et femme, amant et maîtresse ; puis on

se laissait dégringoler avec fracas, dans un tourbillon, serrant de près son cavalier, le plus souvent poussant de petits cris d'effroi qui divertissaient les spectateurs ; on applaudissait aux courageuses et parfois imprudentes entreprises de femmes sveltes et hardies qui descendaient les montagnes aériennes comme des sylphides, mais on riait d'autre part, on se pâmait de joie ironique lorsque quelque grosse dame obèse et minaudière s'ingéniait à vouloir monter en char et à rouler effarée dans les spirales et les courbes de ces précipices avec le bruit de tonnerre de sa lourde avalanche.

A côté des Montagnes du Jardin Beaujon était un restaurateur qui faisait chair délicate. Le riche banquier, le prodigue marquis, le lord puissant, la coquette légère y trouvaient d'élégants cabinets préparés à leur intention, où ils goûtaient la joie indicible de jeter avec folie l'argent par les fenêtres. – C'était la grande fête des viveurs de 1820.

Les plaisirs sous la Restauration étaient assez nombreux ; à l'extrémité du grand carré des Champs-Elysées, le jeu de paume avait repris ses droits ; on jouait aux boules et aux quilles avec passion, ce dernier amusement se nommait aussi le Jeu de Siam ; l'industrie parisienne avait encore inventé la balançoire du jeu de bague. De tous côtés, ceux que n'abrutissaient pas les tripots du Palais-Royal se livraient aux exercices physiques, à la natation, à l'équitation, à la course et contribuaient à préparer cette naissante et solide génération de 1830, qui peut être considérée à bon droit et à différents titres comme la plus glorieuse de ce

L'entrée de la Comédie-française (1828)
siècle étonnant.

La Restauration avait surtout apporté une nouvelle forme d'équitation ; le long séjour en Angleterre d'un grand nombre d'émigrés leur avait fait adopter, entre autres modes du Royaume-Uni, celle de se tenir d'une certaine manière sur un coursier et d'en diriger l'allure. Aussi, tout – dans les cavalcades et la plupart des équipages de la Cour – fut bientôt à l'anglaise. L'art français d'équitation fut exclu un instant des manèges, et dans les promenades publiques, sur les boulevards, au Bois de Boulogne, on ne vit que des cavaliers qui, d'après les principes imposés, obéissaient à tous les mouvements de leur cheval ; on n'aperçut que des jockeys, en culotte de peau, montant des coursiers anglais. L'équitation s'était tellement développée qu'on put former un régiment complet de la garde nationale à cheval, exclusivement composé de gentlemen et dont le costume était on ne peut plus gracieux.

La Restauration, en favorisant les exercices du corps dans la jeunesse parisienne, rendait en même temps un service réel à la morale publique. La débauche était moins forte que sons l'Empire, partout une réaction heureuse s'opérait. La plupart des bals en permanence, qui n'étaient qu'un prétexte à la prostitution, étaient abandonnés ou fermés ; la censure théâtrale, en veillant à ce que les bonnes mœurs ne fussent plus outragées, avait arrêté les obscénités que

Promenade d'Hiver au Luxembourg (1830)
les saltimbanques débitaient sur des tréteaux, en public, et qui, aussi bien par les gestes que par les chansons, ne donnaient que de trop tristes leçons de débauche au bas peuple qui s'assemblait pour les applaudir et s'en égayer.

Au milieu de tous les plaisirs et des différentes fêtes qui donnèrent de l'éclat aux règnes de Louis XVIII et de Charles X, les femmes apportèrent un fond de tristesse, de désabusement, de mélancolie qui leur faisait décrier partout les vains plaisirs du monde. A entendre leurs gémissements, leurs phrases sentimentales et philosophiques sur le bonheur de l'indépendance et de la tranquillité sédentaire, on les eût prises pour d'infortunées victimes des conventions sociales. Toutes rêvaient en apparence une vie simple, champêtre, solitaire, un bonheur intime à cieux, dans un désert qu'on peuplerait d'amour et de tendresse. Elles se donnaient pour sacrifiées aux exigences du monde, à la situation de leur mari, à l'avenir de leurs filles qu'il fallait cependant conduire au bal ; cette vie fiévreuse, tissée de banalités, faite de mensonges et de fadeurs, cette existence assujettissante où elles gaspillaient leur âme et leur esprit était, – d'après leur dire, – contraire à toutes leurs aspirations élevées et à leurs sentiments les plus intimes.

Que de soupirs, que de larmes discrètes ! Et leurs discours ! « La société de Mme

X*** était mourante. Elles étaient excédées de dîners et de bals. Quelle nécessité de se parer, de passer journellement quatre heures à sa toilette ! »
Elles déclaraient trouver la Comédie-Française insipide, l'Opéra ennuyeux, Brunet et Potier pitoyables, Monrose navrant, Perlet flegmatique et énervant, Bobêche de mauvais ton, et, cependant, elles se ruinaient en schalls, en habits, en chiffons ; elles demandaient avec ardeur des présentations et des billets ; elles intriguaient pour être de toutes les fêtes, elles se prodiguaient autant que possible dans tous les festins, concerts, spectacles et raouts de rencontre.

C'est que, à vrai dire, la femme de la Restauration, – ainsi que la femme de tous les temps, – était curieuse d'inconnu, assoiffée d'étrange, amoureuse d'imprévu ; elle allait partout avec ennui à la recherche d'une sensation forte, d'une commotion subite, et elle n'ignorait pas que, pour trouver l'amour, il fallait en tous lieux déployer la coquetterie. Mais, en vérité, de 1815 à 1820, la Française semble perdre de ses grâces. Sombre, prude, pessimiste, très engoncée au moral comme au physique, elle n'a plus les attirances de la coquette impériale et ne laisse pas encore pressentir les charmes pénétrants des élégantes de l'âge romantique.


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