Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LES COSTUMES, LES SALONS, LA SOCIÉTÉ
SOUS LA RESTAURATION
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Mme Ancelot a écrit et a obtenu des succès populaires ; dans son salon

exclusivement lettré, elle excellait à débrouiller le jeu des caractères et l'intérêt des actions ; elle était charmante dans l'intimité, pleine de douceur, d'abandon, de bon sens et de gaieté ; les peintres Gérard, Guérin, Gros, Giroclet, les quatre G comme on les nommait, venaient fréquemment à ses réunions littéraires ; Laplace et Cuvier représentèrent parfois les sciences dans cette notable et incomparable assemblée.

La sœur du poète Vigée, Mme Lebrun, dont le talent considérable n'a fait que grandir avec la perspective du temps, et qui, malgré ses soixante-quatre ans, paraissait jeune en 1816, était revenue se fixer définitivement à Paris, après ses innombrables pérégrinations en Europe, et avait ouvert un salon qui se trouvait fréquenté par la société parisienne la plus choisie dans le monde des arts et des lettres. L'ancienne amie de Rivarol, de Champcenetz et de Grimod de la Reynière peignait encore de lumineux portraits, et, passionnée pour la musique, faisait entendre chez elle les meilleurs virtuoses de tout Paris. Ses réunions avaient lieu chaque samedi, dans son grand appartement de la rue Saint-Lazare ou à Louveciennes, l'été, dans la délicieuse maison qu'elle y avait acquise. – On rencontrait chez Mme Lebrun tous les débris de l'ancienne cour, des survivants des derniers beaux jours de Versailles et quelques étrangers de distinction.

On essayait de faire revivre dans cette société bien disante les amusements d'autrefois : on jouait des proverbes, des charades, on s'égayait même aux petits jeux innocents ; mais l'atmosphère de la nouvelle époque, l'esprit philosophique et sentimental de la Restauration se prêtaient malaisément à ces plaisirs nets et délassants. Les habitués les plus constants de ce salon étaient : le jeune marquis de Custine, le comte de Laugeron et le comte de Saint-Priest, retour de Russie, où ils avaient pris du service pendant l'émigration ; le baron Gérard, le comte de Vaudreuil et le marquis de Rivière, la belle Mme Grassini, déjà sur le retour, mais

dont la voix de contralto superbe avait conservé toute sa fraîcheur ; le comte de la Tour du Pin de la Charce, qui conservait l'urbanité et les belles manières du siècle dernier, le type même du grand seigneur élégant, et enfin le vieux marquis de Boufflers alors conservateur adjoint à la bibliothèque Mazarine, gros, court, podagre, mal vêtu et qui ne rappelait en rien le sémillant poète-chevalier du XVIIIe siècle, le galant auteur d'Aline, le passionné et tendre amoureux de Mme de Sabran.

Le salon du baron Gérard, qui possédait rue Bonaparte, en face de l'église Saint-Germain des Prés, une modeste petite maison, bâtie sur ses indications, était généralement très animé. Quatre petites pièces composaient l'appartement de réception : Mlle Godefroy, élève du grand artiste et femme déjà âgée, faisait les honneurs en compagnie de Mme Gérard. A minuit, selon la mode italienne, on arrivait chez le peintre du Sacre de Charles X. Le thé était servi et l'on passait quelques menus gâteaux. Gérard causait avec cette verve spirituelle que tous ses contemporains se sont plu à lui reconnaître, sa femme s'attablait à une féroce partie de whist, et l'intimité commençait entre le premier peintre du Roi et ses nombreux invités. Le mercredi de chaque semaine, on était presque assuré de rencontrer dans le salon de la rue Bonaparte, Mlle Mars, Talma, Mme Ancelot, Mlle Delphine Gay, Mérimée, Jacquemont, le comte Lowoenhielm, le paradoxal Henry Beyle, Eugène Delacroix et quelquefois Humboldt, et l'abbé de Pradt, le comte de Forbin et Pozzo di Borgo, le comte de Saint-Aignan et le baron Desnoyers, Cuvier, M. Heim et divers personnages aujourd'hui oubliés.

On se réunissait souvent encore chez la duchesse d'Abrantès, veuve de Junot,

chez le savant Charles Nodier qui ouvrait son salon comme une arène aux romantiques et aux classiques ; on allait s'égayer chez le vicomte d'Arlincourt ou chez M. de Montyon, qui paraissait un vert galant, étant resté fidèle à la poudre et aux costumes d'antan ; on politiquait chez Mme de Boigne, qui recevait deux fois la semaine, rue de Lille, une assemblée triée sur le volet du faubourg Saint-Germain.

D'autre part, on s'égarait parfois dans la société littéraire de Mme de Chastenay, où le vicomte Alexis de Saint-Priest déclamait sans pitié pour l'auditoire des tragédies sans fin et des comédies sans commencement ; on faisait visite à Mme de Flahaut dans son hôtel des Champs-Elysées, mais la plupart de ces derniers salons inauguraient, à vrai dire, le règne de Louis-Philippe, plutôt qu'ils ne terminaient celui de Charles X. L'Histoire de la Société sous la Restauration est encore à faire et le sujet serait attrayant. Aussi bien en politique et en art qu'en littérature, on y verrait naître, dans différents groupes, toutes les sommités de ce XIXe siècle, qui vit se former la plupart de ses grands esprits dans les foyers brillants de cette belle période si fertile en hommes de haute valeur.

La Société parisienne sous la Restauration était divisée par classes distinctes ; dont chacune était cantonnée, confinée, pour ainsi dire, en ses quartiers. – Il y

avait la bonne compagnie du Marais, celle de la Chaussée-d'Antin et celle du noble faubourg, sans compter les sociétés libres d'artistes et de rapins qui demeuraient fermement les intransigeants de la République des convenances. Entrons à la suite d'un contemporain, M. Antoine Caillot, dans un salon du faubourg Saint-Germain :

« Devant un grand feu sont assis en demi-cercle, sur de larges fauteuils de tapisserie ou de damas cramoisi, à pieds, et à contours dorés, deux pairs de France, deux députés du côté droit, un officier général, un évêque, un abbé décoré, deux douairières.

Ces graves personnages s'entretiennent du temps passé en le comparant avec celui qui court. Les deux vieilles duchesses ou marquises ne trouvent rien d'aussi ridicule que les pantalons ou les cheveux à la Titus, et cependant les deux pairs, les cieux députés et le lieutenant général des armées du Roi portent des pantalons et ont les cheveux coupés. L'une de nos douairières ne se rappelle plus qu'au temps jadis elle ne pouvait entendre prononcer le nom de culotte, et qu'elle criait fi donc ! en détournant la tête lorsque ses regards étaient tombés sur des hauts-de-chausses trop étroits.

Nous passons dans une salle voisine et nous y trouvons cieux vieillards, chevaliers de Saint-Louis, de l'ordre de Malte et de la Légion d'honneur, qui

s'escriment au tric-trac ;à six pas d'eux, un garde du corps et un lieutenant de la Garde Royale jouent à l'écarté avec deux jeunes comtesses ou baronnes. La maîtresse de la maison fait gravement si partie de piquet avec un aumônier du Roi. Il arrive de temps en temps que de ce salon s'échappe une nouvelle, vraie ou fausse, qui, les jours suivants, donnera de la tablature aux habitués de la Bourse et aux journalistes. »

De l'aristocratie nobiliaire si nous sautons à l'aristocratie financière, si du monde où l'on s'ennuie nous arrivons au monde où l'on agiote, nous trouvons trois pièces de plain-pied, un billard dans l'une, deux écartés dans l'autre, dans la troisième des hommes qui s'entretiennent de finances, de politique, des femmes qui babillent sur les modes et les spectacles ; des meubles de Jacob, des bronzes de Ravrio, des colifichets du Petit Dunkerque, le grand magasin qui tient la vogue, des profusions de glaces, de petites pâtisseries et de rafraîchissements. Un bon ton cherché, voulu, trop maniéré, règne parmi ces riches manufacturiers, agents de change et banquiers ; quelques artistes fourvoyés chez ces Plutus s'y sentent mal à l'aise, des pique-assiettes et des spéculateurs font la courbette auprès des dames ; on jase plutôt qu'on ne cause, disait-on alors, dans un salon de la Chaussée-d'Antin.

 


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