Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LES COSTUMES, LES SALONS, LA SOCIÉTÉ
SOUS LA RESTAURATION
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Au Marais, on trouve un vieil hôtel orné de sérieuses et antiques dorures

intérieures ; de jolis meubles anciens, des peintures de maîtres, une grande sévérité d'ornementation dans les tapisseries, tout un mobilier qui repousse l'idée d'une fortune nouvelle ; un grand feu sous une vaste cheminée, des candélabres à sept branches, point de lampes. – De vieux serviteurs en livrée introduisent les invités, tous hommes de politesse scrupuleuse et de grande affabilité. Dans les salons, on a disposé trois bostons, un piquet, une table d'écarté pour les jeunes gens de la maison. Les personnes âgées causeront près de l'âtre, sur l'indemnité des émigrés, sur M. de Villèle et son trois pour cent, sur le général Foy et l'Empereur Alexandre, sur Bonaparte, Sainte-Hélène et les Bourbons, sur M. de Chateaubriand et Benjamin Constant ; en un mot, sur les nombreuses questions et événements à l'ordre du jour.

Dans les salons de la petite bourgeoisie, on se réunit sans façons, on sert le thé et les meringues à la crème et l'on se groupe autour d'une vaste table pour jouer au Schniff, au Chat qui dort, au trottain, à la peur, à l'as qui court et autres petits jeux « bons enfants » qu'égayent les lazzis des joyeux compères attablés.

Un écrivain qui signe l'Indécis a laissé dans le Journal des dames et des modes de 1817 un frais pastel de la jeune Parisienne de ce temps :

« Elle a de beaux cheveux blonds relevés en nattes sur la tête ; un petit kachemire est jeté négligemment sur ses épaules, son cou est d'une blancheur éblouissante et ses yeux tour à tour brillent d'un feu vif qui vous pénètre, ou bien sont d'une langueur qui vous enchaîne.

Elle est svelte et légère, sa taille est souple et voluptueuse ; quand elle est à sa

harpe, elle se balance en préludant avec un art qui vous transporte ; c'est Sapho, c'est Corinne ! ... Quel nom ai-je prononcé : Corinne ! Ah ! mes yeux se remplissent de larmes et ces accords mélancoliques, ces jours harmonieux, cette voix ravissante ont porté le trouble en mes sens... On sonne, on vient ; c'est une marchande élégante, chargée de fleurs et de collerettes. Mille essences parfument sa corbeille. Les garnitures sont jetées sur la harpe, sur les chaises, sur le parquet. On essaye une jolie capote, on fait quelques pas devant la glace, on boude, on s'examine, on rit, on gronde, on renvoie tout cela, tout cela est affreux ! On s'étend sur le canapé, on prend un livre, on lit, ou plutôt je crois qu'on ne lit pas, on me regarde, je m'approche, on se lève furieuse, on m'ordonne de sortir, on a la migraine, on s'appuie sur moi ; on souffre ; on est malheureuse..., excessivement malheureuse.

Justine entre discrètement, apportant une lettre à sa maîtresse ; elle l'ouvre avec inquiétude, je veux la voir, elle la déchire, il faut répondre, elle tire de son sein un petit livret dont elle déchire un feuillet ; elle écrit au crayon deux mots, deux chiffres, deux signes symboliques ; je me fâche à mon tour de ces mystères, je veux savoir... Je veux savoir ! Voilà bien un mot de mari. On se moque de ma colère, on se met à son métier, on veut être calme, on brode sur le coin d'un mouchoir une guirlande de myrte et de roses, l'amour est à l'autre coin avec ses ailes et son carquois. Les jeux et les ris sont aux angles opposés c'est un dessin tout à fit anacréontique, et les sujets sont pris dans les vignettes du petit Almanach des Dames.


M
ais déjà le mouchoir et le métier sont bien loin ; on fait avancer la calèche, on s'élance sur le trône roulant ; dans cet élan rapide toutes les formes sont dessinées ; l'œil attentif aperçoit au haut d'une jambe divine une jarretière historiée et à rébus. Entraîné, attiré, étourdi, ébloui, je monte aussi dans la calèche : on va aux montagnes Beaujon, aux Champs-Élysées, aux Tuileries, au Combat des Montagnes, chez Tortoni, au boulevard de Gand. Je me perdrais dans le tourbillon sans le bel astre qui me conduit et qui m'éclaire. »

Tel est le croquis aimable et encore très fraîchement conservé d'une demi-journée de mondaine en l'an de grâce 1817.

Dès le mois d'août 1815, le Boulevard de Gand était devenu le rendez-vous ordinaire de la classe opulente ; il attirait non seulement la foule, mais la cohue la plus impénétrable que l'on puisse imaginer ; on s'y donnait rendez-vous sans pouvoir s'y joindre. Cette partie du boulevard, cette allée, comme on disait alors, présentait aux regards des curieux le double spectacle de la beauté parée de tous ses charmes et de la coquetterie déployant publiquement jusqu'à ses moindres ressources.

La petite-maîtresse venait là pour faire l'essai de sa toilette et montrer tour à tour sa robe brodée à jour, son chapeau de gros de Naples, ombragé de marabouts fixés par une rose à cent feuilles, son pardessus écossais et ses cothurnes de satin ; l'homme à bonne fortune, le vainqueur des salons y racontait ses conquêtes passées et ses projets futurs ; le banquier y marchandait l'emploi

Intérieur du Panorama de Boulogne (1824)
de quelques heures de sa journée, et la petite bourgeoise ambitieuse s'y glissait à la dérobée pour épier les secrets de la mode, afin de retourner gaiement chez elle exploiter la faiblesse conjugale et prélever tendrement un impôt sur les revenus incertains de son époux. – Toute femme sortait foulée, chiffonnée de cet encombrement du boulevard, trop heureuse encore si la moitié d'une garniture de robe n'était pas enlevée au passage par l'éperon d'acier que le bon genre mettait aux talons de tous les jeunes élégants, qu'ils fussent cavaliers ou non.

Du boulevard de Gand on se rendait chez Tortoni qu'on venait de remettre à neuf et dont les salons brillaient d'éclat sous leurs lambris blancs et or. Les femmes étaient accoutumées à entrer clans ce café qui semblait leur être réservé ; on y voyait toute la jeunesse aimable de la capitale, et il était d'usage de passer là une heure à déguster lentement le punch ou les sorbets en grignotant des gaufrettes.

On déjeunait chez Tortoni mieux qu'au café Anglais, ou que chez Hardy, Gobillard et Véfour. On prenait des riens, des misères, des papillotes de levraut ou des escalopes de saumon ; mais tout cela était touché par la main d'un chef délicat. Les habitués de Tortoni se divisaient en deux classes bien distinctes : les boursiers et les fashionables, dont la plupart appartenaient à la race des béotiens. Les premiers arrivaient sur les dix heures ; ils déjeunaient légèrement, puis commençaient le jeu avec fureur : J'ai quinze cents ! – Je les prends fin courant à soixante-cinq quarante. – J'offre des Cortes à dix et demi ! ... – Qui veut des ducats à soixante-seize cinquante ? Et ainsi, de onze heures à une heure ; on criait, comme chez Plutus ; les paroles se croisaient, l'agio allait son train ; il se trafiquait aussi à Tortoni une masse énorme de rentes sur parole.


Le Théâtre de Madame (1827)
A
l'étage au-dessus, le clan des gants jaunes se réunissait ; on ne voyait là que bottes pointues garnies d'éperons, fracs anglais, pantalons à guêtres et badines à la main. On causait chiens, chevaux, voitures, sellerie, courses, chasses, c'était le salon des Centaures.

Vers l'après-midi, centaures et financiers se retrouvaient parfois, le cigare aux lèvres, sur la balustrade de bois, en forme de perron, qui séparait le café du Boulevard, à l'heure de l'affluence et des équipages, quand il semblait de bon ton de citer le nom de toutes les femmes qui descendaient de voiture à la porte du glacier-restaurant.

Sur la fin de l'été 1816, on se portait, après l'heure de Tortoni, sur le quai Voltaire afin de voir fonctionner le premier bateau à vapeur destiné au service de Rouen. Les petites dames et les gandins descendaient de leur cabriolet ou de leur tilbury et se faisaient conduire dans un canot jusqu'à la machine d'invention nouvelle ; là, ils faisaient mille questions d'un air d'indolence et d'indifférence sur le mécanisme et, sans attendre de réponse, ils regardaient couler l'eau et lorgnaient les femmes sur les ponts, dans la direction des bains Vigier, qui étaient encore en grande vogue ; puis ils remontaient dans leurs voitures pour se rendre au bout du boulevard du Roule, sur l'ancienne route de Neuilly, au Jardin des Montagnes russes.


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