Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Costumes, Mode
CLIQUEZ ICI


LES PARISIENNES DE 1830
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Usages et raffinements des Élégantes de l'Âge Romantique

Le type féminin le plus cherché, le plus à la mode vers 1830 est, à n'en point


Un Dimanche aux Tuileries 1831
douter, celui d'une de ces femmes de trente ans, chantées par Balzac et dont la beauté rayonne et s'épanouit dans tout l'éclat de son été parfumé. – De nature froide en apparence et uniquement amoureuse de soi-même, cette souveraine veut se réchauffer aux hommages du monde, et elle dresse ses vanités en espalier, afin de recevoir de toutes parts les caresses enivrantes du faux soleil de la flatterie.

Ce qu'elle cherche, ce sont des émotions et des jouissances de coquette ; pour conserver cette place de femme à la mode dans un temps où la gloire est si capricieuse, il lui a fallu autant d'habileté que de bonheur, autant d'adresse que de beauté, autant de calculs que de chances favorables, elle a dû faire abstraction de ses caprices, de ses fantaisies, presque de son cœur. Pour maintenir ce pouvoir envié et attaqué de grande première coquette, chaque jour remis en question comme le pouvoir d'un premier ministre, il lui a fallu équilibrer sa vie avec sûreté, et aussi avec quelle prudence et quelle politique !

Pénétrons, si vous le voulez bien, chez une femme à la mode vers 1830 dès l'heure tardive de son petit lever : De légers nuages, d'une vapeur parfumée, s'élèvent d'une corbeille de fleurs soutenue par un trépied doré, et le flambeau d'un petit amour, tout façonné d'émaux et de pierreries, répand dans la chambre


Aux Champs-Elysées (1832)
de la jeune endormie l'incertaine clarté d'une veilleuse. Cette douce lueur, tantôt reflétée dans les glaces, tantôt se balançant sur des draperies azurées, pénètre le mystère d'une mousseline transparente et éclaire un piquant désordre, vestige de plaisirs, d'élégance, de coquetterie, de sentiment peut-être, de tout ce qui révèle enfin le joli nid d'une femme heureuse.

Des kachemires suspendus aux patères, vingt nuances de gazes et de rubans qui attendent un choix ; des livres et des plumes, des fleurs et des pierreries ; des extraits d'ouvrages et de manuscrits commencés ; une broderie sur laquelle une aiguille s'est arrêtée ; un album rempli de croquis et de ressemblances inachevés ; puis les meubles qualifiés alors de somptueux, les ornements gothiques, les peintures aux fraîches et douces images, et la pendule emblématique qui sonne onze heures du matin et vient porter le réveil dans cette alcôve où repose tout ce que la jeunesse et la grâce peuvent réunir de séduisant sous les traits d'une femme à la mode.

La belle s'éveille lentement, ses yeux errent incertains dans le demi-jour de la chambre, elle s'étire langoureusement dans la chaleur moite des draps : elle passe, comme une caresse, sa main sur son front brûlant encore des
fatigues de la veille ; ses lèvres s'entr'ouvrent pour donner place à un léger et nonchalant soupir. Elle sonne enfin ses femmes de chambre pour procéder à son premier négligé, composé d'un peignoir en jaconas blanc, ayant une toute petite


broderie en tête de l'ourlet, une chemisette en batiste à collet rabattu, garnie de valenciennes, et des manchettes ornées de même.

Elle ajoute à cela un petit tablier en gros de Naples, nuance cendrée, brodé tout autour d'une guirlande en couleurs très vives ; un fichu de dentelle noué en marmotte sous le menton, puis des demi-gants couleur paille, brodés en noir.

Elle chausse enfin des pantoufles en petits points, entourées d'une faveur plissée à petits tuyaux, comme les portait Mme de Pompadour, et ainsi vêtue, elle se rend à la salle à manger où le déjeuner est servi : un déjeuner mignon, léger, qu'on dirait composé d'œufs de colibri ; un doigt de vin de Rancio pour mouiller ses lèvres..., ce sera tout.

L'après-midi, l'élégante à la mode revêtira, aux premiers jours de printemps, une robe en chaly semée de bouquets ou de petites guirlandes formant colonnes ; le corsage drapé ou à schall, en dedans un canezou à longues manches en mousseline brodée. Elle prendra une écharpe en gaze unie, une ceinture et des bracelets en rubans chinés ; sur sa tête elle jettera coquettement un chapeau de paille de riz orné d'un simple bouquet de plumes, et chaussée de bottines en gros de Naples couleur claire, elle descendra se blottir dans un brillant équipage pour parcourir la ville et faire quelques visites à diverses coquettes en renom, dont le jour de réception est marqué sur son petit agenda d'ivoire.


D
ans ces visites on parle de toutes choses, on demande quelle grâce nouvelle la mode va donner aux fleurs et aux rubans, on écoute la lecture de quelque pamphlet du jour ou d'un poème aux vaporeuses fictions ; on parle peinture, musique ; on discute les doctrines, on inédit de son siècle et on fait passer sur ses lèvres de roses tous les discours d'un machiavélisme à la mode ; cela posément, correctement, en ménageant ses gestes, en faisant valoir le chiffonné de sa jupe, la petitesse de son pied, la fine cambrure de sa taille, l'élégance de sa main gantée ; on parle surtout chiffons et théâtres. Ah ! les chiffons ! quelle fureur !

« Marquise, avez-vous lu le Bon Ton de ce matin ?
– Non, chère baronne, et cependant j'y suis abonnée, ainsi qu'à la Gazette des Salons et au Journal des Dames et des Modes...
– On y donne une mode nouvelle dont je n'ai encore vu qu'un modèle au thé de mylord S... Qui a pu donner cette description au journaliste ?... Figurez-vous, chère belle, une robe en velours ponceau, avec un corsage à la grecque entouré d'une petite broderie d'or ; sous les plis de ce corsage parfaitement soutenu et formant godets comme dans les costumes antiques, se voyait un corsage de satin blanc, entouré aussi d'une petite broderie d'or qui servait de tête à une blonde haute de quelques lignes seulement et posée à plat. Une double draperie en velours, relevée et pincée sur l'épaule par une agrafe d'or façonnée, retombait sur une manche de


blonde à dessins de colonne et froncée au poignet...
– Mais c'est purement délicieux, baronne !
– Attendez, ce n'est pas tout ; pour compléter ce costume d'un genre tout odalisque et enrichi encore par de superbes diamants, on avait ajouté un turban, gaze blanche et or, orné de deux membranes d'oiseau de paradis, dont l'une était attachée contre le front, l'autre sur la tête en sens inverse.
– Dieu ! la divine toilette !
– Aussi bien, marquise, suis-je encore dans l'indécision si je l'adopterai, quoique je sois de petite taille et qu'elle ne convienne qu'à ces colosses de femmes de l'Empire, qui ont toutes les finasseries possibles à côté de leur coquetterie.
– Baronne, étiez-vous à l'Opéra avant-hier ?
– Mais assurément, on donnait Robert, dont je raffole ; ces flots de pénétrante et ravissante harmonie me grisent le cœur ; je trouve Mme Damoreau faible cependant, et Nourrit exagéré et je regrette Levasseur et Mllelle Drus.
– Pour moi, je me réserve, baronne, au plaisir de voir la Taglioni dans la Sylphide ; il paraît qu'elle y exerce une irrésistible attraction et que les soirs où elle paraît, il y a foule.
– Comment, ma chère petite, vous ne l'avez point vue encore... ; mais c'est insensé ! hâtez-vous vite... »


PAGES 1/6 | 2/63/64/65/6 6/6

:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Costumes, Mode
CLIQUEZ ICI