Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LES PARISIENNES DE 1830
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Les concerts du Jardin Turc, au Marais, rassemblaient autour de l'orchestre de

Revue militaire sur l'Esplanade des Invalides (1835)
Tolbecque une aimable assemblée parmi le monde de la bourgeoisie et du commerce. Le Jardin Turc formait un tableau pittoresque digne du pinceau d'un Debucourt, avec ses ombrages touffus, ses gloriettes de verdure, où circulaient la bière mousseuse et la bonne gaieté des braves gens ; dans ses allées, les époux du Marais montraient sans en rougir leur bonheur et leur cordialité matrimoniale ; de bonnes mamans, mises en joli guingamp rose et ayant leur schall attaché par deux épingles à leurs épaules, venaient voir s'ébattre et s'égayer leur petite famille ; plusieurs Jeunes-France, échappés de l'île Saint-Louis, s'asseyaient près d'une table, en bonne fortune, auprès de quelque fraîche grisette à l'œil rieur, à la bouche incarnadine, dont les cheveux folâtres voletaient à l'aventure sous un chapeau Paillasson. Des beaux-fils du quartier, en quête de passions ou de mariage, apparaissaient solitaires, satisfaits d'euxmêmes, empesés dans leur cravate et le glacé de leurs gants queue de serin, exhalant de leur chevelure apprêtée un fort parfum de bergamote.

L'été, tout le boulevard de Gand était en liesse ; c'était entre une triple rangée de fashionables lorgneurs que des calèches remplies de jolies femmes se croisaient et s'entrecroisaient comme des corbeilles de fleurs, tandis que des

Au bal de l'Opéra (1835)
cavalcades de dandys faisaient jaillir sur de pacifiques piétons des nuages de poussière. C'était bien le promenoir de la cité parisienne, un rendez-vous d'élégance et de plaisir qui atteignait alors son apogée. Le boulevard de Gand marqua l'heure des suprêmes fantaisies de l'esprit et de la rare distinction des Brummel de 1830, l'heure du dandysme, de « l'orgie échevelée » et de la bohème à outrance, qui avait grandement aussi son caractère de gloire, sa philosophie de costume, son originalité de belle allure, car, en fuyant toute dictature en fait de toilettes et d'idées, la bohème, sous la monarchie de Juillet, fut comme la conservatrice de l'intégrité et de l'indépendance de l'art.

L'hiver à Paris était non moins bruyant que les beaux jours ; les fêtes s'y répétaient de toutes parts avec une nouvelle élégance, une activité, un charme, qui en faisaient vraiment des réunions de plaisir et non des réceptions d'apparat et de cérémonie. Les salons étaient ouverts dans tous les mondes, noblesse et haute bourgeoisie ; les bals de la Cour avaient un prestige de luxe et de grande élégance. Au milieu de ces réunions immenses, dans les splendides salons des Tuileries, les femmes et les diamants luttaient d'éclat.

L'aspect des soupers qui terminaient ces galas était surtout éblouissant ; autour d'une table immense, resplendissante d'or, de cristaux et de mets délicats, on voyait comme un brasillement de femmes et de pierreries. Les hommes, pour

jouir de ce coup d'œil, se plaçaient volontiers dans les loges qui entouraient la salle de spectacle, où le souper était donné.

De là, ils admiraient à loisir cette chaîne de jeunes et jolis bras nus, ces robes de satin broché, pékin, gourgouran ou Pompadour, ces gazes et ces tissus légers qui faisaient valoir la splendeur des épaules... ; ils comprenaient que lord Byron avait tort de jeter l'anathème aux femmes qui mangent, et que la plupart ont encore beaucoup d'attrait en portant une jolie friandise ou un verre de cristal à leurs lèvres. Aux soupers des dames succédait celui des messieurs, puis l'on retournait à la danse ou bien plutôt l'on se retirait par groupes peu à peu avant que l'aube éclairât entièrement la cour du Carrousel.

On recevait beaucoup chez Mme d'Apony, dont les fêtes étaient superbes, et qui excellait dans le talent de faire gracieusement les honneurs d'une soirée. Elle aimait donner l'élan du plaisir et la société lui devait non moins de reconnaissance que d'hommages. Le jeune duc d'Orléans ne manquait jamais à ses bals ; il y portait, sous son uniforme, la grâce de ses vingt ans et ses manières polies, douces et respectueuses près des femmes. Chez Mme d'Apony venait l'élite de la fashionability et de la littérature ; Lamartine, Alfred de Musset,

Eugène Sue, Balzac se rencontraient dans ces salons princiers, au milieu des diamants, des gorges resplendissantes de pierreries et de guirlandes de perles roses.

On dansait aussi chez les duchesses Decazes, de Raguse, de Liancourt, de Maillé, d'Albuféra, de Guise, d'Otrante et de Noailles, chez Mmes de Flahaut, de Massa, de Matry, chez les princesses de Léon, de Beauffremont, chez les comtesses de Lariboisière et de Chfitenay. Les bals se succédaient avec une incroyable profusion. Dans le centre de la ville, clans les faubourgs, ce n'étaient que fêtes, que divertissements : Paris n'avait plus de repos ; la nuit, tout était illumination brillante, bruit de voitures et d'orchestres assourdis ; on ne semblait craindre qu'une disette : celle des musiciens.

Durant le carnaval, l'élite de la capitale venait assister aux nuits de l'Opéra, dans cette belle salle éclairée par soixante lustres chargés de bougies qui se reflétaient clans le cristal qui leur servait de réseau. Les loges, les galeries décorées de festons, de gaze, d'or et d'argent, les murs couverts de glaces offraient aux

spectateurs un tableau mouvant, une fête fantastique pleine de couleur et d'originalité. On y montrait des danseurs espagnols qui exécutaient le bolero, le zapateado avec une vigueur et à la fois une morbidesse surprenantes. Par opposition, on donnait les danses gracieuses de Cendrillon, exécutées par les dames de l'Opéra ; puis on fournissait le signal du fameux quadrille des modes françaises depuis François Ier jusqu'à l'heure présente.

C'était un piquant coup d'oeil que cette réunion de costumes qui se sont succédé en France depuis plus de trois siècles ;... la mode de 1833 ne paraissait pas trop disgracieuse à côté de celle de François Ier, qu'elle rappelait par plus d'un point ; tout ce défilé, ce panorama vivant du passé s'évanouissait enfin ; le bal commençait ; la salle et la scène ne faisaient plus qu'un. C'était alors le raout général au milieu duquel intrigues, conversations mystérieuses se succédaient sans interruptions jusqu'aux premières lueurs du jour.

 


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