Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LES PARISIENNES DE 1830
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Ainsi se succédaient les conversations dans ces visites de femmes à salons, sans

compter qu'on y torturait l'esprit, qu'on y exploitait la médisance, qu'on y minaudait sans fin, qu'on y vantait de vieilles gloires de la fashion sans pouvoir se décider à ériger de jeunes triomphes. Aucun naturel dans le débit, mais beaucoup d'afféterie et de dissimulation habile. Les phrases à la mode ont cours forcé.

Avez-vous vu le dey d'Alger ? Dom Pedro ? La jeune Impératrice du Brésil ? telles sont les questions du jour et, à moins d'être sauvage, il faut répondre qu'on a vu ce dey détrôné, qui s'intitule sur ses cartes de visite Hussein, ex-dey d'Alger, qui dîne de deux poules cuites à l'eau et qui enferme ses femmes comme des billets de banque ; il faut encore insinuer que Dom Pedro a l'air noble, froid, quelque peu mélancolique et que sa tournure élégante se dessine à ravir dans son habit militaire. On ajoute, pour n'être point taxée de provinciale, que sa jeune et jolie femme a le front radieux de grâce et de jeunesse et qu'elle n'avait point besoin, pour briller, de l'éclat d'un diadème.

Notre élégante à la mode, ses visites faites, trouvait la possibilité de se rendre à

l'exposition des tableaux pour y observer les efforts de notre jeune école. Son isolement ne l'arrêtait pas, car le temps n'était plus où une femme redoutait de se rendre seule dans une institution publique. Elle était assurée d'y rencontrer quelques jeunes dandys, la fleur des pois des salons parisiens, pour papillonner autour d'elle et analyser le coloris des peintures en sa compagnie.

Au salon de peinture, Horace Vernet, Delaroche, Decamps, Couture, Ingres, Delacroix, Scheffer, Dubufe, sont les noms qui résonnent cent fois à son oreille, alors qu'elle parcourt les longues salles garnies des tableaux de l'année : la Marguerite de Scheffer la retient un instant et elle se mêle aux groupes qui discutent sur le mysticisme de coloris que le peintre emprunte à Gœthe, et sur le charme étrange et vaporeux de cette composition. Paul Delaroche fixe également son attention avec sa Jeanne Gray, dramatique comme un cinquième acte de tragédie. Le bourreau excite son enthousiasme, elle apprécie surtout l'expression indéfinissable et touchante de la pauvre Jeanne.


A
utour d'elle, on raconte que le modèle dont le peintre se serait servi pour mettre en relief la charmante suppliciée n'est autre que Mlle Anaïs, la belle sociétaire de la Comédie-Française et, pour être au fait de toutes choses, elle donne aussitôt aux amis de rencontre l'anecdote pour véritable et comme la tenant de l'artiste même.

La coquette étourdie, grisée, rentre enfin chez elle, se fait déshabiller et livre sa tête à son coiffeur, artiste en renom qui est à la fois physionomiste, chimiste, dessinateur et géomètre. Celui-ci autre bourreau s'empare de la tête, en examine attentivement toutes les formes ; le compas à la main, il trace des contours, des angles, des triangles ; il observe des distances entre les angles du front, s'assure des proportions de la face et s'applique à bien saisir les rapports entre les deux côtés du front et les deux côtés de la face, qui commencent sa chute et se terminent au-dessous des oreilles.

Il imagine alors un genre de coiffure qui tempère ce que la physionomie de la belle a de trop piquant, il crée un retroussé à la chinoise, qui lisse les cheveux sur la tempe et laisse au front tout son éclat et sa pureté de dessin. Parfois aussi, selon sa fantaisie, il tresse des nattes, des coques étourdissantes et pyramidales qu'il étage savamment sur le sommet de la tête, laissant sur les côtés deux

masses de petits bandeaux semblables à des grappes qu'il frise et bouillonne avec un art charmant.

Aux questions de sa cliente, le coiffeur répond d'un ton doux et respectueux ; il n'attend pas toujours qu'on l'interroge et, il raconte volontiers les anecdotes qui sont venues à sa connaissance ou qu'il a apprises par la lecture des journaux. Le coiffeur de 1830 est essentiellement romantique, mais il a l'art de se montrer selon les milieux, ou ministériel, ou libéral, ou royaliste ; il cite indistinctement la Quotidienne, le Drapeau blanc ou le Journal des Débats. Lorsqu'il a disposé avec goût, sur l'édifice qu'il vient d'élever si délicatement, des fleurs, des plumes, une aigrette, des épingles à pierres fines ou un diadème, notre Figaro se retire, et la belle élégante passe alors une robe d'organdi peint, à manches courtes, avec corsage décolleté à la vierge ; elle prend discrètement quelques diamants, boucles d'oreilles et collier, et daigne alors se faire annoncer que Madame est servie.

Le dîner d'une femme du romantisme n'est pas loup ; la gastronomie n'est pas un plaisir qui convienne à ses goûts ; le positif de la vie en est devenu l'accessoire : elle aime à penser, elle veut une existence tout intellectuelle, des

Un coin du Boulevard des Italiens (1833)
jouissances qui répondent aux progrès de son imagination affinée.

Ce qui fait palpiter ses sens, ce ne sont pas les soupers fins, les mets recherchés ; en ce temps de byronisme, la mode n'est plus là ; il est de suprême bon ton de mourir de faim et de boire la rosée du ciel. Il lui faut les débordements de la politique et ses frémissantes émotions, les exagérations de la poésie féroce, les invraisemblances amoureuses de la scène, les poignantes sensations des drames sanguinaires. Elle se plait dans ce délire d'actions et de pensées, dans les extravagances du rêve ; elle ne se déclare satisfaite de l'existence qu'autant qu'elle se trouve être saccadée, échevelée, surmenée par les plus terrifiantes impressions.

Le soir, notre coquette mondaine se rend au théâtre, avant le bal ; elle va de préférence à la Comédie ou à la Renaissance se saturer des tableaux de l'école des outranciers ; elle ressent toutes les passions des héros du romantisme ; elle partage leurs ivresses et leur agonie. Ces crimes, ces étreintes amoureuses, ces larmes, ces supplices, ces voluptés, ces bizarreries, ces tortures apportent à son cœur délices profondes et angoisses féroces à la fois.

 


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