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LES CATACOMBES
(D'après Paris,
450 dessins inédits d'après nature,
paru en 1890)
On donne ce nom, en souvenir des catacombes de Rome, le berceau de l'art chrétien, aux carrières du sud, d'où sont sorties pendant dix-sept siècles les pierres employées à construire les maisons de Paris. Ces carrières s'étendent depuis le Jardin des Plantes jusqu'à l'ancienne barrière de Vaugirard, sous les
La première, à découvert, qui enlève la superficie du terrain jusqu'à la profondeur de neuf à douze pieds ; la seconde, dite à bouche, qui se pratique par des ouvertures ou tunnels où les voitures peuvent entrer, ne présentaient aucun danger pour la sécurité de la ville. Les deux autres ont été plus généralement employées, à mesure que les besoins de construction devenaient plus urgents, et ce sont les plus dangereuses, parce qu'elles agissent au centre de la terre, à des profondeurs de soixante à quatre-vingts pieds. L'une, dite à trucs et à piliers à bras, consiste à étayer le plafond de la carrière avec des piliers construits sur place ; la seconde, dite à piliers tournés, consiste à réserver les piliers dans la masse exploitée, et ces piliers naturels, qui peuvent contenir des vides ou des crevasses, sont loin de présenter la solidité des piliers maçonnés. De nombreux éboulements survenus dans le cours du XVIIIe siècle signalaient le danger ; l'écroulement du 17 décembre 1774, qui renversa une partie du pavé et des alentours du quartier Saint-Michel, obligea l'autorité à prendre un parti décisif. Pendant que les habitants de la rive méridionale craignaient chaque jour de voir leurs maisons s'effondrer dans l'abîme d'où elles étaient sorties, les Parisiens du centre se débattaient contre les miasmes pestilentiels du cimetière des Innocents, avec son charnier où l'accumulation des corps en décomposition dépassait de huit pieds le niveau des rues avoisinantes. M. Lenoir, alors lieutenant de police, un de ces grands magistrats à qui la ville de Paris doit une éternelle reconnaissance, conçut le vaste plan de lier les deux opérations : consolidation des carrières du sud, suppression du cimetière des Innocents. Les carrières furent examinées, reconnues topographiquement, consolidées par d'immenses travaux, et enfin pourvues d'un mur d'enceinte déterminant l'étendue de la nouvelle nécropole. On y amenait les ossements retirés par charretées du cimetière des Innocents, au fur et à mesure de
On pénètre aujourd'hui dans les catacombes par soixante-dix escaliers ; mais les principaux et pour ainsi dire les seuls usités pour les visites des curieux sont ceux du pavillon de la barrière d'Enfer, de la Tombe-Issoire, du Val-de-Grâce et de Montsouris. On n'y descend que trois ou quatre fois par an, aux époques indiquées par l'ingénieur en chef chargé de ce service, et en compagnies suffisamment nombreuses. C'est ordinairement à la barrière d'Enfer qu'est indiqué le rendez-vous. On fait l'appel à la descente, et on le recommence à la sortie. L'escalier aboutit, à 60 mètres de profondeur, à une galerie qui se dirige vers l'ossuaire qui s'ouvre sous le parc de Montsouris. Cette promenade sépulcrale n'offre aucun des aspects grandioses dont l'imagination se plaît à la revêtir. Il semble qu'on parcourt une cave, entre d'innombrables casiers qui, au lieu de bouteilles, renferment des os et des crânes symétriquement rangés. Chaque ruelle correspond à la rue de Paris qui passe au-dessus de sa voûte, et dont elle porte le nom. Le numéro même de chaque maison est très exactement raccordé entre le dessus et le dessous, pour assurer la rapidité des secours en cas d'accident. On évalue aujourd'hui à quatre millions le nombre des morts dont les restes gisent pêle-mêle dans l'ossuaire. Cette population souterraine a été fournie successivement par le cimetière des Innocents, de 1786 à 1809 ; par les cimetières de Saint-Eustache et de Saint-Étienne des Grès en 1787 ; par les combattants des émeutes de la place de Grève et de la rue Meslay en 1738, de l'affaire Réveillon en 1789 ; par ceux des Tuileries au 1er août 1792 ; par les cimetières de Saint-Landry et de Saint-Julien des Ménétriers, la même année ; par ceux des Bernardines et de Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie en 1793 ; de Saint-André des Arts en 1794 ; de Saint-Lazare, Saint-Laurent, des Capucins de la rue Saint-Honoré, de Saint-Jean-en-Grève, des Blancs-Manteaux, de Saint-Nicolas des Champs, de Saint-Esprit et du Petit-Saint-Antoine, en 1804 ; du petit cimetière de l'île Saint-Louis en 1811 ; de la Trinité et des Carmes de la place Maubert en 1814 ; du cloître et de l'église Saint-Benoît en 1817 ; de Saint-Jean du faubourg Montmartre, de Saint-Jacques du Haut-Pas, du Saint-Laurent, de Vaugirard, de la Madeleine, de la Ville-l'Évêque, de Saint-Jacques-la-Boucherie et de la rue de Douai en 1859 ; les derniers venus sont les ossements de quelques tombes de l'église Saint-Laurent, violées par les fédérés de la Commune, le 17 avril 1871. On rencontre cent soixante inscriptions dans le labyrinthe des catacombes, y
On montre dans les catacombes la fontaine de la Samaritaine, où vécurent longtemps des dorades chinoises qu'on y avait déposées en 1813 ; le sol de cette fontaine est à 48m,4 au-dessus du niveau de la mer et à 5m,4 au-dessus du pont de la Tournelle. La galerie renferme en outre une collection géologique où l'on a rassemblé les spécimens de tous les terrains dont les assises superposées composent le bassin de Paris. Nous revoyons le jour par le pavillon de la place d'Enfer sous lequel nous étions descendus. La rue d'Enfer nous reconduira vers l'ancien Paris, du moins jusqu'au point d'intersection du boulevard d'Enfer et du boulevard Arago ; à gauche, l'hospice des Enfants-Assistés, suivi de près par le couvent de la Visitation ; à droite, le couvent du Bon-Pasteur, derrière lequel on aperçoit les tourelles et la coupole de l'Observatoire.
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