Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LE CAFÉ DE FLEURUS
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

La rue de Fleurus ne s'arrêtait autrefois qu'au jardin du Luxembourg, les maisons de la rue Madame possédaient toutes une entrée sur ce parc merveilleux. Naturellement, les locataires ne pouvaient à volonté ouvrir les petites grilles qui formaient la ligne de séparation des immeubles et du jardin. Tout le monde eût abusé de la permission pour aller se promener durant les belles nuits d'été sous les grands arbres, dans la pépinière, et respirer les parfums des fleurs au milieu des parterres, en écoutant le joyeux murmure de l'eau des les bassins.

Malgré tout, la situation des logements ayant vue sur le Luxembourg était charmante, la nuit, à la clarté des étoiles, le poète et l'amoureux pouvaient rêver en contemplant le ciel où brillaient les constellations, la terre où les arbres avaient des proportions fantastiques. Une ombre épaisse cachait le sol, l'horizon était borné par les dômes du Panthéon, du Val-de-Grâce, de l'Observatoire, qui semblaient supporter le ciel.

Les bruits de Paris n'arrivaient à l'oreille que comme le grondement sourd du tonnerre qui s'éloigne.

Depuis, tout a été changé. Le jardin du Luxembourg est isolé, la rue Bonaparte prolongée lui sert de limite, les véhicules de toutes sortes montent et descendent cette voie qui date de la fin de l'Empire, le théâtre BobinoBobinche dans le langage imagé des étudiants – a disparu, une maison de rapport l'a remplacé. Combien de jeunes auteurs ont débuté à Bobino ? Les revues de Saint-Agnan-Choler y avaient du succès. Puis le tout se passait à la bonne franquette. Le public causait tout haut, les étudiantes mangeaient des oranges et riaient à se pâmer lorsqu'elles avaient compris un des mots à double sens souligné par l'artiste en scène.

Le vertueux bourgeois du Marais qui se serait aventuré dans ces parages éloignés, se trouvant tout à coup en plein Bobino, eût perdu la raison en voyant les types installés à l'orchestre ou se pavanant aux amphithéâtres. Bérets rouges, bleus, noirs ou blancs, ornés de glands retombant sur les épaules, cheveux longs, barbes en pointe, vestons de velours, telle était la partie masculine du public. Quant aux femmes, elles avaient toutes des toilettes voyantes, le chignon de travers, le nez au vent. Tout ce monde était gai et s'amusait. L'habitant de la place Royale se serait cru dans un monde à part – c'eût été la vérité – et, en sortant, aurait juré de ne pas conduire sa dame et ses demoiselles dans cet antre de perdition.

Près du théâtre, se trouvait le café de Bobino, où les artistes venaient causer avec leurs admirateurs. Mademoiselle Georgette Olivier a fréquenté le café de Bobino.

En face de cet établissement, il y en avait un autre du même genre, mais plus sérieux, qui a survécu aux bouleversements du quartier et est encore fréquenté par un public d'artistes ; c'est le café de Fleurus. La terrasse, qui longeait autrefois le jardin, s'étend le long de la rue du Luxembourg ; ce changement lui a retiré beaucoup de son charme primitif.

Beaucoup d'artistes ayant conquis la célébrité ont fréquenté le café de Fleurus. C'étaient Corot, Gérôme, Nazon, Toulmouche, Français, Jules Breton, Achard, Harpignies, Baudry, Picot, Charles Garnier, architecte ; le sculpteur Falguière ; parmi les littérateurs, Henri Miirger, Edmond About, qui, sous l'Empire, n'était pas en odeur de sainteté au quartier Latin ; André Theuriet ; Albert Collignon qui, vers 1861, fonda une revue hebdomadaire ; cet organe mourut faute d'abonnés. En 1877, il créa un autre journal, La Vie Littéraire, qui disparut pour la même cause ; Deschamps, l'administrateur de la Revue des Deux-Mondes, dont la figure s'illumine à la fin de chaque mois, les abonnements arrivant nombreux, ont fréquenté aussi le café de Fleurus.

 


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