Vie quotidienne a Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de la vie quotidienne d'autrefois à Paris, consignant les activités, moeurs, coutumes des Parisiens d'antan, leurs habitudes, leurs occupations, leurs activités dont certaines ont aujourd'hui disparu. Pour mieux connaître le Paris d'autrefois dans sa quotidienneté.
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LE GUET
(D'après Tableau de Paris, par Louis-Sébastien Mercier, paru en 1782)

La sûreté de Paris, pendant la nuit, est l'ouvrage du guet et de deux ou trois cents mouchards, qui battent le pavé, qui reconnaissent et qui suivent les gens suspects ; c'est pendant la nuit que se font tous les enlèvement de police. Les falots répandus çà et là, ne laissent pas que d'intimider les brigands ; de sorte que les rues de Paris sont sûres la nuit comme le jour, à quelques accidents près : accidents inévitables, quand on songe à la foule des hommes désespérés, qui n'ont plus rien à perdre. On rassoit autrefois le guet, et c'était même un amusement que se procuraient les jeunes gens de famille et les mousquetaires ; on cassait les lanternes, on frappait aux portes, on faisait tapage dans les mauvais lieux ; on enlevait le souper qui sortait du four, et l'on claquait la servante ; on déchirait ensuite la robe du commissaire.

On a réprimé ces excès avec tant de sévérité, qu'il n'est plus question de pareils jeux : la jeunesse n'est plus réputée indisciplinable, et rien n'excuserait aujourd'hui la violente incartade d'une tête écervelée. Ce n'est pas là un des petits avantages de la capitale. L'âge mûr n'a rien à craindre de l'âge bouillant. Un magistrat a dit, qu'il voulait que le pavé de Paris fût respecté comme le sanctuaire et le tabernacle. Il a raison, et il a bien dit. La civilisation est presque perfectionnée de ce côté-là ; on n'a rien à craindre de l'insolence et de l'ivresse, parce que la main-forte n'est pas éloignée. On l'appelle à son secours ; et on obtient ordinairement prompte justice. Pierre le cruel, qui passe pour avoir aimé la justice, en a donné une bonne preuve, à ce qu'a dit un historien espagnol. Il se plaisait à courir les rues la nuit. Une fois qu'il faisait tapage, un garde de nuit croyant rencontrer un particulier, le battit vigoureusement ; le roi le tua.

La justice le lendemain fit des perquisitions contre l'auteur du meurtre. Une bonne femme qui avait reconnu le roi, l'accusa. Les magistrats en corps allèrent lui porter des plaintes : le roi, pour satisfaire la justice, fit couper la tête à son effigie. On voit encore cette statue tronquée au coin de la rue où le meurtre fut commis. Cartouche a fait trembler la ville de Paris pendant un assez long espace de temps ; un pareil chef de voleurs, eût-il encore plus d'audace et de ressources, n'aurait pas de nos jours un tel avantage. Une correspondance non interrompue entre le magistrat et ses préposés, opère la connaissance suivie de tout ce qui se passe ; et l'on prévient des désordres autant qu'on en punit. Les recherches, informations et vérifications aboutissent à un centre où se réunit tout ce qui intéresse la sûreté publique. Indépendamment de ces soins, les lanternes et réverbères, les différents corps de garde distribués, et, comme je l'ai déjà dit, les falots errants de tous côtés, ont prévenu une infinité d'accidents. On ne saurait trop multiplier les précautions, surtout à l'entrée des hivers.

La machine est bien montée depuis cinquante ans ; mais cette machine, comme toute autre, a ses moments de langueur. Si elle venait à s'arrêter, Paris serait en proie aux horreurs d'une ville prise d'assaut. La garde monte à près de quinze cents hommes ; on peut s'enrôler et vieillir dans ce corps, sans craindre les blessures : on peut y pousser sa carrière aussi loin qu'un moine qui boit, mange et digère ; on en est quitte pour dormir le jour, au lieu de reposer la nuit. Quelquefois les soldats du guet maltraitent sans sujet ceux qu'ils arrêtent, et leur mettent les menottes d'une manière cruelle ; on doit réprimer sévèrement de pareils abus, et empêcher que les gardiens de la sûreté publique n'attentent impitoyablement au moindre citoyen, qui doit être respecté jusqu'à ce que les lois aient prononcé ; car il peut être innocent, avec toutes les apparences d'un homme coupable.


 

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