Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUES SAINT-BENOÎT,
RUE TARANNE (supprimée par le Bd. Saint-Germain)
VIe arrondissement de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. La formation d'une grande place a depuis lors, raccourci le côté gauche de la rue Saint-Benoît, en y supprimant le passage du même, nom, suppléé un peu plus bas par le prolongement de la rite de l'Abbaye. Commençant : rue Jacob, 31. Finissant : boulevard Saint-germain, 170. Historique. Ouverte sur l'emplacement d'un ancien fossé de l'enceinte de l'Abbaye de Saint-Germain des Prés ; elle fut dénommée rue de l'Egout ou rue des Egouts (1640), rue des Fossés Saint-Germain (1740) et rue Saint-Benoît (1742). Origine du nom : voisinage de l'abbaye Saint-Germain des Prés, a pris le nom du fondateur de l'ordre des Bénédictins, religieux de Saint-Germain des Prés.

La Prévôté de l'Hôtel-du-Roi. – L'Hôtel de Bernis. – L'Eau de Mélisse. – Le Baron d'Holbach. – Xavier de Maistre. – Les Taranne. – Diderot. – L'Hôtel Bourbon. – Un Conférencier sous Louis XIV. – Maisons diverses.

Le marquis de Sinety, ancien colonel de cavalerie, est propriétaire du 25 de la rue Taranne, comme légataire universel d'un grand-oncle, M. de Brancas-Villars, duc de Céreste, ancien pair de France, lequel y eut pour locataire le savant M. Brunet de Presle. Le duc de Céreste tenait la propriété, également à titre de legs, du lieutenant général marquis d'Avesne, allié aux Brancas, acquéreur en l'an XIII du jurisconsulte Berryer, père du célèbre orateur. Nous y verrions, en remontant encore, la Prévôté de l'hôtel-du-roi, établie là en vertu d'un long bail fait en 1752 par Oré, entrepreneur des bâtiments du roi, au marquis de Sourches, grand prévôt de France, gouverneur de Berghes, qui avait de même à Versailles une résidence, siège de la compagnie militaire de la Prévôté. Son hôtel de Paris avait été, à l'origine, le trésor général des finances de Mademoiselle, souveraine de Dombes, Duchemin de Bisseaux étant trésorier de la princesse, puis Edme Robert.

D'un partage réalisé entre les deux filles de Robert date la séparation du 25 avec le 27, habité en 1745 par le marquis de Marivaux, tenu ensuite pour hôtel de Bernis. Le 21 et le 23 eux-mêmes ne firent qu'un, dans le principe l'abbé Viennet, curé de Saint-Merri, y présidait, sous le règne de Louis XVI, aux expériences d'aérostation de Blanchard.

Les frères de l'hospice de la Charité édifièrent, du côté opposé, deux maisons l'une des deux conserve une croix dans la ferrure qui domine sa porte. Le débit de l'eau de mélisse. des Carmes a lieu, depuis 1630, rue Taranne l'enseigne du n° 14 le dit aux yeux, en promettant des adoucissements aux maux de cœur, et ne prétend-on pas aussi que cette eau prévient l'apoplexie ?

Les dîners du baron d'Holbach prédisposaient à ce genre d'attaques les philosophes, ses convives, qui pouvaient heureusement faire provision d'eau de mélisse en se rendant chez lui, n°12. Ce ne sont pas ses derniers jours que d'Holbach passa rue Taranne : l'obligation de pourvoir ses quatre enfants avait fini par le pousser à des économies, qui portaient sur ses réceptions. Le comte de Polignac était propriétaire du 12, avant la mort de cet amphytrion du XVIIIe siècle, que Jean-Jacques, dans ses Confessions, au livre VIII, avait jugé de la façon suivante : « C'était un fils de parvenu, qui jouissait d'une grande fortune dont il usait noblement, recevant chez lui des gens de lettres, et par son savoir et ses connaissances tenant bien sa place au milieu d'eux. » La communauté des saint-simoniens commençait à se former quand leurs réunions avaient lieu, sous la Restauration, dans l'ancienne salle à manger de l'Encyclopédie.

A l'abbé Desessart, contemporain de d'Holbach, était le 105 dont Catherine Pront, veuve de Jean Desessart, avait donné 92, 000 livres, en 1726, à Jean Hailé, qui dans le cours de la même année l'avait payé 20, 000 livres de plus. Un appartement y a été habité par Xavier de Maistre, né en Savoie, et qui a rendu plus facile l'incorporation de sa patrie dans la nôtre, par ses écrits tout pleins d'idées françaises. N'avons-nous pas couché nous-même. dans une chambre qui a pu être celle de Xavier de Maistre ? Mais pour sûr ce n'était pas là qu'il avait écrit son Voyage autour de ma Chambre.

La propriété attenante fut un hôtel Labriffe, Bauffremontet Tarantie. Seulement la dernière de ces qualifications se rapportait surtout, dans le XVIIe siècle, à une maison sise en face, dont la porte principale, rue de l'Égout, devint celle d'une académie d'équitation, puis de la coin actuelle du Dragon. Un corps de ce logis a été rétabli, n° 41, pour M. d’Argouges-Fleuri, lieutenant civil au Châtelet. Denis Thiéry acquit, en 1698, de la succession vacante de Gomare, ledit hôtel Taranne, tenant à l'héritage Conté d'une part et de l'autre à deux autres maisons dépendant de la même succession, au bout par-derrière aux murs du manège de l'académie du sieur de Longpré.

Or Jean-Christophe, Charles et Simon Taranne avaient été argentiers de Charles VI, de Charles VII et de Louis XI. La terre de Vanves, qui appartenait à cette famille, fut confisquée par les Anglais et donnée à l'archevêque de Rouen. Simon Taranne, échevin en 1417 sous la prévôté de Guillaume. Kiriasse, et Jean-Christophe Taranne avaient laissé leur nom patronymique à la grande et à la petite rues Taranne, ouvertes dès le milieu du siècle précédent, parce qu'ils les avaient habitées : la grande avait porté aussi les dénominations de Forestier, des Vaches et de la Courtine. La petite rue Taranne s'appelle actuellement rue Bernard Palissy.

Au coin de la rue de l'Égout demeurait personnellement M. de Longpré, en 1691, et la famille de Listenois plus tard. Mais quel hôte plus illustre y a gardé vingt ans un logement au quatrième étage ? Diderot, que les Mémoires de Mme l’Epinay surnomment si volontiers le philosophe de la rue Taranne. Comme ces fortes têtes de l'Encyclopédie avaient l'oreille des têtes couronnées !

Les grandes cours étrangères faisaient tout leur possible pour attirer les écrivains hardis, si peu persécutés en France qu'ils y avaient eux-mêmes, fussent-ils sans naissance, pour courtisans des grands seigneurs. Rome, par ses contradictions, par ses influences répressives, qui avaient tant de raison d'être, stimulait plus encore un esprit novateur que Berlin et que Londres par leurs encouragements.

Les livres supprimaient la distance, bien avant les chemins de fer les idées auront toujours peine à se réduire, en télégrammes, comme un ordre pour l'agent de change, ou une commande au tailleur. Est-ce que Catherine II en fut moins la première à apprendre que Diderot, pour éteindre quelques dettes, voulait vendre sa bibliothèque ? L'impératrice acheta tous ses livres, mais à la condition expresse qu'il en restât le conservateur, avec un traitement à vie.

Les fenêtres de Diderot avaient en perspective un prolongement de la rue de l'Égout, qui en avait porté la dénomination, mais qui s'appelait Saint-Benoît depuis l'aliénation de l'hôtel Bourbon, dont l'ancienne porte servait de nouvelle entrée à l'abbaye Saint-Germain, où était en vigueur la règle de saint Benoît. Cette ouverture, au-dessous de laquelle se reconnaissent d'anciennes écuries de l'abbaye, est devenue le passage Saint-Benoît.

Un jardin de l'abbaye donnait encore, du temps de Diderot, près de ces écuries, sur la rue Saint-Benoît. Les escaliers à petits piliers de chêne ne font pas faute aux plus anciennes constructions de cette rue i l'ancien hôtel Bourbon en revendiquerait.

Mais c'est du côté opposé que demeurait le chevalier Chassebras du Bréau, au beau milieu du règne de Louis XIV ; tous les samedis, chez ce savant, il se tenait régulièrement une conférence sur l'histoire et les sciences.

Dans la même rangée, une façade était ornée d'une niche, que le vide aujourd'hui réduit à l'état de brèche. Un petit hôtel, y a servi de bureau et de demeure à Laurent de Mézières, secrétaire des finances de Monsieur, comte de Provence, en payant loyer à la famille Orry on y trouve aujourd'hui le bureau de la Revue des Deux-Mondes. M. de la Rouvrelle et l'abbé de Cornouailles ont disposé au même temps du 16 et du 14 ; Mme de Chavigny, des maisons formant angle sur la rue des Deux-Anges, dont il survit une impasse grillée ; Mme d'Anspach enfin, d'une propriété à grande façade, mais dépourvue de profondeur, laquelle fait retour rue Jacob.



 

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