Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE LA BAROUILLERE,
aujourd'hui rue Saint-Jean-Baptiste De La Salle
VI arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1857. Origine: ouverte par le Sieur de La Barouillère à la suite d'une vente consentie par l'abbé de Saint-Germain des Prés, le 8 octobre 1644.

N° 3, 8, 14, et 16 :
Clarke, duc de Feltre, n'était-il pas un des plus brillants personnages et des plus beaux hommes de l'Empire ? Quel ambassadeur, quel ministre porta mieux le manteau de cour, avec la toque de velours à marabouts ! En général, les merveilleux de la première cour impériale étaient beaucoup plus beaux de figure et de buste que ceux de la seconde : David et Gros en faisaient leur profit ; mais c'est à travers le prisme des vives couleurs d'Eugène Delacroix qu'il eût fallu faire passer leur teint, dont les nuances variées gardaient confusément l'impression de différents climats, et leurs costumes de gala qui, vus de près et frôlés, paraissaient convenir encore mieux à des chiens savants. Le plus souvent ils avaient de l'embonpoint : fut-on jamais plus gourmand que sous l'Empire ! D'ailleurs les hommes les plus favorisés de la nature, pour peu qu'ils eussent couru le monde à la suite de Napoléon, dégénéraient toujours, comme modèles, dans la partie inférieure de leur corps, quand bien même la mitraille eût respecté leurs jambes, que l'excès de la fatigue avait, bien assez déformées. Il aurait fallu ne voir qu'à table les personnages marquants de cette époque de propagation à main armée pour la suprématie de la cuisine française ; et c'était difficile, mais les grands dîners ne manquaient pas.

Les factionnaires portaient moins les armes aux insignes des officiers et commandeurs de la Légion D'Honneur qu'à l'estomac rebondi qui, le plus souvent, les décorait aussi. Là finissait le sujet, au point de vue de l'art. Les blessures de la jambe, ses rhumatismes articulaires, ses tiraillements goutteux et ses tics nerveux avaient leur coté honorable, puisqu'à ce prix elle avait fait son chemin ; mais elle n'avait été moins torse et plus alerte qu'à la poursuite de la fortune. La fine jambe, signe de race, n'avait-elle pas émigré à la chute de l'ancien régime ? Cette fugitive, que rappelaient en, vain maints parvenus de l'ère impériale, reprochait à leurs culottes courtes de ne pas être légitimes. L'enfant chéri des dames n'osait reparaître que chaussé de bottes à l'écuyère, et le débotté de la danse lui était défavorable. La valse l'emportait déjà pour cela même, quoique d'importation étrangère, sur la contre danse nationale, et ce n'était qu'un haut-le-corps prompt et gracieux, pivotant sur lui-même, tandis que le quadrille en ce temps-là exigeait moins de bonds et de pas, plus de finesse, au contraire, dans les extrémités, qui cessaient de raser la terre sans brûler une seule mesure musicale. Dans Clarke, tout enfant, Mme de Genlis avait deviné un joli cavalier, à qui plus tard elle reconnaissait qu'il n'aurait rien manqué du tout si elle s'était mêlée de son éducation. On ne pouvait, au surplus, pas dire que sa naissance fût commune.

Élevé par le colonel Schée, son oncle, secrétaire du duc d'Orléans, Clarke dut au prince ses premiers grades, dans la carrière des armes. Il se trouvait déjà général de brigade, attaché à l'armée du Rhin, quand on le destitua parce qu'il était noble, en vertu d'un décret de la Convention, la veille de la prise des lignes de Wissembourg par les Autrichiens. Après la chute de Robespierre, il fut remis à la tête d'une brigade, sur la demande de Carnot. Puis des négociations, dont le général fut chargé, le firent diplomate, disgracié derechef au 18 fructidor. Napoléon, son ancien condisciple à Brienne, lui confia dans la suite, comme chacun sait, le gouvernement de Berlin, le bâton de maréchal et le portefeuille de la guerre. Eh bien ! ce duc de Feltre, qui fut à la tin pair de France, termina rue de la Barouillère, n° 16, une vie pleine de succès et d'honneurs mérités, dont les revers étaient oubliés. Ses deux fils, également grands et beaux hommes, cités dans ces parages de la grandville pour leur inépuisable bienfaisance et pour l'élévation d'idées qui s'alliait à leur bienveillance, moururent dans le même hôtel, à peu de distance l'un de l'autre, au moment où l'aigle impériale déployait pour la seconde fois ses larges ailes sur la République aux abois.

Le 14 de la même rue paraît vieillot ; nous n'en savons rien que de postérieur son origine. Un hiver y fut passé sous l'Empire par une comtesse espagnole, Mme de, Montijo, que nous considérons comme l'aïeule de S. M. l'impératrice : elle avait fait en l'an XIII un rapport à la société royale économique de Madrid, au nom de la junte des dames affiliées à la dite société. M. Bouillet, haut fonctionnaire de l'Université et auteur du Dictionnaire de Géographie et d'Histoire, est propriétaire de l'immeuble.

Celui du n° 8, est M. Kowalski, oculiste en réputation.

Il fut un temps où Paris ne craignait pas de renfermer 24 Salpetrière ; on n'en compte plus que 2, une sur chaque rive de la Seine. La Salpetrière de la rue de la Barouillère, n°3, date de deux siècles.

Aussi bien c'est une voie de communication dite autrefois des Vieilles-Tuileries, puis Saint-Michel. La dénomination qui a prévalu vient de Nicolas-Richard de la Barouillère, auquel l'abbé de Saint-Germain-des-Prés céda, en 1644, un terrain à charge d'y bâtir. Soixante-dix ans plus tard cette condition n'était pas encore trop remplie, car la rue n'avait qu'une maison, qui comptait sur le clair de lune pour tout falot. Une barrière de la ville coupait alors la dite rue par la moitié. Un autre sieur de la Barouillère, qui remplaçait le cessionnaire en 1743, avait encore dans sa rue et dans celle du Petit-Vaugirard deux arpents de terrain, principalement exploités en jardins et en bergeries.


 

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