  
RUE BASSE-DU-REMPART, (Boulevard
    de la Madeleine) 
(D'après Histoire
    de Paris rue par rue, maison par maison,  paru en 1875) 
Notice écrite en 1857. L'année
  suivante a commencé la suppression de la rue Basse-du-Rempart dans celle
  des deux moitiés de son parcours où elle était bordée
  de constructions séculaires. L'autre moitié aurait-elle trouvé grâce
  ? 
Gustave Planche :
 M. Gustave Planche, le critique, est né dans la première maison
  de cette rue, il y a un demi-siècle ; le bâtiment n'existe plus, mais l'officine pharmaceutique fondée vers 1800 par M. Planche, qui a donné le jour à l'écrivain, n'a presque pas changé de
  place. Tel père, tel fils, dit un proverbe, et en effet la plume élégante
  et savante du rédacteur de la Revue des Deux-Mondes purifie activement
  les humeurs d'une littérature de transition, bon ou mal gré,
  tout comme la pharmacie du même nom purge un brillant quartier
  de Paris, où l'on meurt bien plus dégagé, si ce n'est
  plus tard, que dans les quartiers moins châtiés. Le codex littéraire
  et artistique de Gustave Planche a déjà agi puissamment
  sur le tempérament de notre époque, sans en faire un grand siècle ; seulement sa collection de formules à forte dose a donné lieu à la
  seconde manière de bien des écrivains et des artistes, dont les
  débuts plus libres avaient fait la réputation, avant que des
  correctifs leur fussent magistralement prescrits, impérieusement administrés
  par le pharmacopole éminent de la Revue des Deux-Mondes. 
Le comte de Sommariva :
 Heureux critique ! c'est à sa porte même que la statuaire et
  la peinture avaient réuni des chefs-d'œuvre, comme pour flatter
  et décider son goût naissant. La magnifique galerie du comte de
  Sommariva, qui devint publique à sa mort, jusqu'à ce que tout
  en fut vendu et réuni à d'autres galeries, était
  là, au n° 4, dans un hôtel qui appartient encore à sa
  veuve. Cet ancien président de la république de Florence, réunie
  ensuite à la France, acheta en 1807 la propriété dont il
  s'agit, ainsi que tout un quartier de la vallée de Montmorency, pour
  hôtel de campagne. 
Avant lui l'écuyer Pierre-Eloi Doazan, conseiller secrétaire
  du roi et fermier général, avait installé ses pénates
  sous le même toit, rue Basse-du-Rempart, comme acquéreur de Bouret
  de Vézelay, écuyer, trésorier général de
  l'artillerie. Un autre financier encore, Jean Batailhe, de France, conseiller
  du roi, et sa sœur, Mlle Charlotte-Françoise de France, avaient
  acquis en 1772, ou plutôt pris à bail emphytéotiquement,
  du trésorier de l'artillerie, un terrain nu, à la condition d'y
  faire construire une maison de la valeur de 60 000 livres au moins, qui, au
  décès du survivant des deux acquéreurs, devait retourner
  au vendeur, et c'est ainsi qu'avait été bâti l'hôtel
  Sommariva. Que si vous voulez tout savoir, ce même terrain faisait encore
  partie en 1752 d'un grand marais appartenant au président Mallet, dont
  le fils, Mallet de Chanteloup, traita avec Bouret de Vézelay ; il se
  trouvait sous la censive des sieurs prieur et religieux de Saint-Denis-de-la-Chartre,
  et de plus il était chargé de dîmes, comme le reconnut
  un arrêt du parlement du 5 avril 1629, au profit des chanoines de l'église
  royale et collégiale de Saint-Germain-l'Auxerrois, réunis au
  chapitre de l'église de Paris. 
Mlle Raucourt : 
Planche, qui compte maintenant beaucoup d'ennemis, ceux-ci à cause
  de sa critique, et ceux-là, plus nombreux peut-être, parce qu'ils
  aspirent à l'honneur d'attirer son attention, qui commande l'attention
  publique ; Planche n'avait encore que des rivaux de classe au grand Concours
  et au collège Bourbon, lorsqu'un bruit formidable se fit entendre, également à sa
  porte. C'était sous la Restauration ; Mlle Raucourt, de la Comédie
  Française, venait de trépasser, n° 6, dans une maison qu'habite
  une autre dame, qui est née là avant la fin du siècle
  précédent. On prétend même que Mlle Raucourt, qui
  pendant les dernières années de sa vie avait fait des dons à l'Église,
  s'était préparée, comme les rois, à mourir avec
  dignité, en prononçant ces mots peu de temps avant l'agonie : Voici la dernière scène que je jouerai, je suis prête à bien jouer... 
Le curé de Saint-Roch refusait d'enterrer la tragédienne,
  et toutes les fureurs qu'elle avait déchaînées avec art
  sur la scène étaient descendues dans la rue, par un écho
  posthume de la gratitude du public. Sans Louis XVIII, que la terreur n'avait
  jamais glacé, ni au théâtre, ni dans la vie, que ne fût-il
  pas advenu ! Le clergé, prenant à la lettre d'anciens canons,
  paganisait le Théâtre, et toute une jeunesse voltairienne lui
  tenait tête, attachant un prix imprévu aux dernières prières
  de l'Église, qui eût dû regarder cette réaction in
  extremis comme un bienfait miraculeux. Le roi eut plus d'esprit que l'un et
  l'autre adversaires, car il les mit d'accord, en dépêchant rue
  Basse-du-Rempart un de ses aumôniers ; la foule renaissant aussitôt
  au calme et au bon ordre, se contenta de suivre le convoi jusqu'au Père-Lachaise.  
Les Concerts de l'hôtel d'Osmond : 
Mais il s'agit bien d'agonie, de funérailles et d'émeutes, dans
  l'édifice qui vient après ! Ne sont-ils pas variés à l'infini,
  les accords qui y retentissent tous les soirs ? Les initiés savent bien à quoi
  s'en tenir, et l'affiche qu'ils consultent est bien moins à la porte
  que dans la salle même de Musard, sous la direction de deux vaudevillistes,
  MM. Dartois et de Besselièvre ! Quelques hommes blasés cherchent
  un fréquent refuge dans ce séjour de fête, dont leur présence
  fait l'éloge, qu'ils soient venus comme auditeurs ou seulement en spectateurs.
  Là aussi, bien des myopes se plaignent du petit nombre de cas où leur
  lorgnon, braqué de côté et d'autre, fait ses frais. Mais
  un joli visage enlaidit les visages voisins, dans tous ces lieux publics où chacun
  oublie trop qu'il est l'hôte de ceux qui l'entourent, et qu'il leur
  doit des égards à tout prix. 
On peut même dire à tous
  les prix, pour flatter les tendances vénales qui dominent aujourd'hui
  jusque dans le temple des arts. Néanmoins, depuis Ovide, chaque siècle
  ajoute à l'art d'aimer son chapitre, empreint du caractère général
  de l'époque, et notre temps n'a pas été du tout le plagiaire
  des siècles primitifs lorsqu'il a inventé Mabille et ce Concert,
  dont le succès rend jalouses de Paris toutes les autres capitales. Les
  passants, les profanes n'y sont plus des bourgeois ; ce sont, au contraire,
  des artistes ; la naïveté a changé de côté,
  et je ne sais à présent rien de moins ingénu que la bourgeoisie
  parisienne. 
Si vous rencontrez un badaud, soyez sûr qu'il est étranger
  au monde en vue dans cette ville, et voyez les grands yeux qu'il ouvre, comme
  si l'oiseau était rare, quand il parvient à reconnaître
  parmi les promeneurs qui passent un des heureux coquins du jour, ou une drôlesse à la
  mode ! Par bonheur les profanes trouvent encore au Concert-Musard une charmante
  musique, tour à tour tendre et puis qui saute, invitations changeantes à la
  valse, à la chasse, à la vie pastorale, à déboucher
  des bouteilles de champagne et à souper en joyeuse compagnie. Outre
  cette harmonie imitative, dont chaque intermède suit une œuvre
  de maître, et qui finit par sonner le couvre-feu de la sortie avec un
  carillon de baisers n'ayant absolument rien de platonique et pas grand'chose
  de l'amour, d'autres attraits sont particuliers à cette réunion
  publique de tous les soirs. 
La conversation des sots y est souvent couverte
  par les voix prépondérantes de l'orchestre ; une vive lumière
  et des pénombres alternent avec art, sous des lambris dorés que
  relient des arcades improvisées en carton ou en toile, et il y a place
  encore pour des salons où l'on boit, où l'on fume, où l'on
  peut lire les journaux du lendemain, où s'exposent aussi des peintures,
  des lithographies et des portraits photographiques ; place enfin pour des jeux
  absolument nouveaux en ce qu'on y perd son argent sans la plus petite chance
  de gain.  
Depuis que cette salle de concert anime la rue Basse-du-Rempart, on parle
      de démolir l'hôtel superbe qu'elle occupe, et le Crédit mobilier,
    qui en est le propriétaire, ne consent aux entrepreneurs qu'un bail
    de deux mois à renouveler : On dit aussi, et nous le souhaitons fort,
    que cette maison sera seulement restaurée et mise de niveau avec le
    boulevard. Chacun sait que c'est l'ancien hôtel d'Osmond. 
Ah ! si la rue Basse-du-Rempart ne pouvait être condamnée que
  par un jugement, l'acquittement ne ferait pas doute. Cet ancien fossé ne
  rend-il pas de grands services à la circulation chaque fois que le boulevard
  s'encombre extraordinairement ? Les murs et les façades y reculent plutôt
  devant l'alignement qu'elles ne le dépassent, et l'aspect change à chaque
  porte. De grandes cours et des jardins se donnent la main d'une maison à l'autre,
  pour faire honte aux enfilades d'immeubles, sans cour et sans jardin, qui se
  ressemblent tout le long des rues neuves, ou nouvellement élargies.
  Depuis qu'on parle si fort d'améliorer cette rue Basse, il nous paraît
  malheureusement probable que c'est de la manière dont l'Empire a déjà pris
  en France deux fois la tâche d'améliorer la République. 
M. des Tillières : 
Les héritiers de la comtesse d'Osmond ont vendu cet hôtel le
  plus doré de Paris au Crédit mobilier. La comtesse était
  fille de M. des Tillières, et l'immensité de fortune de ce confident
  du prince de Talleyrand avait une double origine, à laquelle aujourd'hui
  il est moins indiscret de remonter que du vivant de son auteur. D'abord quand
  Telleyrand avait le portefeuille des relations extérieures, Des Tillières
  jouait à la Bourse pour le compte de ce diplomate, et aussi pour son
  propre compte sans le lui dire. Bien qu'ils suivissent le même jeu, avec
  un bonheur facilement explicable, le ministre se ruina, et l'issue de la partie
  fut toute différente pour son ami l'entremetteur. Talleyrand, qui recevait
  de première main bien des nouvelles, et que son département mettait à même
  d'en ralentir ou d'en accélérer la divulgation officielle, avait
  toujours des raisons excellentes pour manquer de confiance à long terme
  dans les gouvernement qu'il servait, et il plaçait ses fonds disponibles
  en Angleterre ; mais il n'avait pas tout prévu, et la guerre déclarée
  de nouveau aux Anglais autorisa ceux-ci à confisquer l'argent ennemi,
  pendant que Des Tillières, bien au contraire, réalisait, sans
  traverser la Manche, ce qu'il avait gagné sur place. 
D'autre part, la
  réclamation d'une somme de dix-huit millions avait été faite
  en pure perte à Napoléon par les Suisses qui avaient fidèlement
  servi le roi Louis XVI ; Des Tillières et un autre capitaliste, profitant
  du découragement où se trouvaient ces créanciers, aux
  plaintes desquels on était sourd, achetèrent 200 000 fr. les
  titres réguliers de leur créance protestée. A la rentrée
  de Louis XVIII, toutes les dettes de l'ancienne cour furent payées intégralement,
  et notamment les millions dus aux Suisses, qui avaient livré aux alliés
  l'accès de la frontière française. Des Tillières
  et son associé centuplèrent ainsi la somme qu'ils avaient avancée. 
La femme de cet heureux spéculateur avait une complexion trop délicate
  pour prendre longtemps part à cette rare opulence ; elle en mourut,
  au lieu d'en vivre, et comment ? pour avoir trop enrichi l'acajou de sa chambre à coucher
  d'un bronze de nouvelle invention. Le triple alliage du cuivre, du zinc et
  de l'étain exhalait des miasmes pernicieux dont l'influence, encore
  mal combattue, nuisait surtout à la santé des ouvriers qui le
  manipulaient ; mais on aurait eu tort d'en dire autant des nouveaux meubles
  faits de cet arbre innocemment rapporté d'Amérique par La Fayette
  avec la République. Empoisonnée par ces jouissances du luxe, des
  Tillières laissa une fille unique, dont une religieuse resta la gouvernante
  ; le fils du duc d'Osmond épousa en cette demoiselle la plus riche héritière
  de France et lui prêta, en revanche, le nom brillant que ses ancêtres
  avaient gagné au jeu des armes. 
M. de Saint-Foix : 
M. de Saint-Foix, trésorier de la marine, avait commandé en
  l'année 1775 au crayon de Brongniard ce palais d'Italie, que Sobre avait
  restauré et divisé, sous le Directoire, pour le même propriétaire,
  s'appelant alors le citoyen banquier Saint-Foix de Carenne, qui n'habitait
  plus que le devant, et pour un Hollandais, locataire par-derrière. 
Le 12, le 16, le 18 :  
Le 12 de la même rue était d'abord le retrait d'un jardinier,
  fermier d'un marais appartenant à Jean-Claude Taboureux, maître
  charpentier des bâtiments du roi, et attenant au marais des Mallet ;
  on en fit un hôtel au temps où le précité sortait
  lui-même de terre. Le marquis d'Orvilliers s'en rendit acquéreur
  trente ans plus tard, et ce pair de France de la Restauration fut au nombre
  des victimes du choléra en 1832. 
Le 16 et le 18, dont l'un au moins nous semble avoir été construit
  pour Verbecht, sculpteur du roi, furent vendus révolutionnairement ;
  l'acquéreur du premier était le père de M. Théodore
  Davillier, qui y naquit et qui l'habite toujours. Le fumiste Mozzanino, père
  lui-même du propriétaire d'à côté, convoitait
  ce magnifique n° 16 ; mais, distancé par M. Davillier, il ne gagna
  que le second prix dans cette course aux enchères publiques, en atteignant
  au second tour la petite maison du chevalier de Crussol, qui est aujourd'hui
  surélevée et rebâtie, quoique le premier étage en
  soit demeuré intact. La spirituelle duchesse d'Abrantès et la
  comtesse Berthier ont été locataires de Mozzanino ; le baron
  Mackau, père de l'amiral, a rendu le dernier soupir dans la même
  maison, et le peintre Viardot l'habite de nos jours.  
Le Jardinage et les Petits-soupers de la Chaussée-d'Antin, à ses
  débuts :  
La crémaillère avait été pendue dans une propriété de
  ces parages par Pierre Ligné et sa femme, née Saulnier, fils
  et fille de jardiniers, à moins qu'ils n'y eussent fait leurs choux
  gras des petits-soupers d'un riche locataire, comme on se le permettait parfois
  dans la naissante Chaussée-d'Antin. Pour aider à reconnaître
  cette maison de Ligné, qui était l'aîné de Verbecht,
  ajoutons que M. Héron en disposait sous Louis XVIII. 
La Psyché de Mme Récamier : 
Le n° 20 fut aussi une petite maison de grand seigneur, avec un escalier
  dérobé, tout en glace, qui allait de la cave jusqu'au deuxième étage.
  Nous y avons revu un petit boudoir, miroir aussi tout de son long, dont la
  glace, où des fleurs sont peintes, garde pour ainsi dire l'empreinte
  des charmes de Mme Récamier, qui s'y regardait en pied sous le Directoire.
  Une baignoire, dissimulée par une trappe et un tapis, était incrustée
  dans le plancher de ce réduit, qui donne sur le boulevard, et au-dessus
  se tapit encore une soupente, comme pour servir de refuge en cas de surprise.  
Maurice Meyer, joaillier de Louis-Philippe et de l'empereur, et dont le père
  fut le prédécesseur, de même que son fils est son successeur
  désigné, a ouvert près de ce boudoir des salons regorgeant
  de parures, où bien des élégantes, en ce temps-ci, s'exposent à l'embarras
  du choix. On en peut dire souvent autant des admirateurs de ces dames, lesquelles
  du moins peuvent entrer le front haut, avec leur mari pour tout de bon, dans
  cet ancien asile du mystère. 
De même âge est évidemment la propriété qui
  fait suite, et dont dispose M. Lenoir, depuis qu'il ne tient plus le café Foy,
  au Palais-Royal. Puis c'est un autre hôtel, bâti comme ses voisins
  en rayonnement, par Le Doux, l'architecte des fermiers-généraux. 
 
La Famille Odiot :  
Le 26, dont le territoire n'est pas le seul qui ait dépendu autrefois
  du couvent des frères mathurins, est principalement occupé par
  la maison Odiot, qui a quitté le quartier Saint-Honoré en 1840.
  Le père du chef actuel de cette maison de commerce patriarcale, la
  devait à Jean-Baptiste Odiot, reçu orfèvre en 1785, lequel
  figure, comme colonel de la garde nationale, dans un fameux tableau d'Horace
  Vernet, auprès du maréchal Moncey, le défenseur de la
  barrière Clichy.  
En remontant toujours, nous trouvons une lacune dans cette succession de père
  en fils qui fait remonter à l'époque de Colbert la fondation
  de la maison : l'Almanach des Arts et Métiers pour l'année 1769
  ne cite pas d'Odiot qui fasse à cette date partie du corps de l'orfèvrerie.
  Mais le 27 mars 1756 Pierre Odiot, fils de Jean-Claude Odiot, avait été reçu
  maître par la corporation, et le jour même où Jean-Claude,
  en 1754, s'était pourvu de la maîtrise, son père, Jean-Baptiste-Gaspard,
  avait passé grand-garde, après quinze ans de grade comme garde
  ordinaire et trente-quatre de maîtrise. Celui-ci avait assisté,
  en qualité de garde en charge, à la pose de la première
  pierre de la Maison commune et bureau du Corps des marchands Orfèvres
  et Joailliers de la ville de Paris, et nous retrouverons cette maison en son
  lieu. Plus haut encore il faut chercher le chef de la dynastie qui, depuis l'année
  1679, gouverne la même maison de commerce. 
 
La Famille Sandrié et tous ses voisins :  
Les n° 32, 34, 36, 40, 42 et 44 furent édifiés, sous le
  règne de Louis XV, par la famille du fondateur du passage Sandrié ;
  Charles Sandrié, maître-maçon, entrepreneur des bâtiments
  du roi, n'occupa que la dernière de ces maisons ; Brunet, son gendre,
  président à Versailles, habita l'avant-dernière.  
Napoléon et Mlle Georges : 
Une dame napolitaine, fort à la mode sous Louis-Philippe, Mme Giccioli,
  demeura aussi au 42, où s'est retirée depuis une tragédienne,
  Mlle Georges Weymer. MMlles Duchesnois et Georges, les deux rivales, avaient
  justement fait leurs débuts au moment où la vieillesse de MMlles
  Clairon et Dumesnil touchaient, dans la retraite, au terme fatal. C'est à Mlle
  Georges que revient l'honneur d'avoir vu l'empereur de plus près que
  Talma lui-même ne le vit. L'entrevue la rendit si fière qu'elle
  s'en crut le droit de demander séance tenante un portrait pour souvenir
  ; mais Napoléon dit froidement, en lui montrant le côté face
  d'une pièce de quarante francs : Vous l'avez là. 
Les Bapst : 
Aussi bien le premier-consul n'avait pas attendu l'Empire pour trouver le
  Louvre trop étroit. Des artistes étaient logés dans ce
  palais depuis François Ier ; mais de bonne heure Napoléon rompait
  avec cette tradition de royale hospitalité, en donnant leur congé au
  peintre Vernet, à l'orfèvre Bapst et à d'autres artistes, dont
  les ateliers s'y trouvaient. Bapst, dont l'emplacement au Louvre attiendrait
  au pavillon Mollien actuel, était l'élève de Boehmer,
  ce joaillier de Marie-Antoinette, innocemment mêlé à l'affaire
  du Collier ; c'était aussi le gendre et le successeur de Ménier.
  Les MM. Bapst de notre époque sont fils et petit-fils de celui dont
  nous venons de parler. Leur maison a quitté le quai de l'École
  en 1849, pour la rue que nous interrogeons présentement, où elle
  enrichit le 42. Les joailliers de cette famille ont été fournisseurs
  de la Couronne sous Louis XVI, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe. Les
  sculptures qui décorent leurs salons sont un legs du président
  Brunet. 
Passons l'ancienne demeure de Sandrié, voici derrière une grille
  et une charmille un petit restaurant, fréquenté à la fois
  par des gourmets, amateurs du confort qui ne met pas le désordre, dans
  leurs dépenses, et par de simples artisans. Le rudiment de cet immeuble, qui appartient au général tunisien
  Sidi-Mahmoud-Ben-Ayet, date aussi du règne de Louis XV ; une dame russe,
  la comtesse Bruce, y faisait les honneurs de ses salons il y a cinq lustres. 
La Duthé : 
Le reste de la rue Basse-du-Rempart est trop moderne pour que nous y retrouvions
  le ci-devant 68, maison où le compositeur Blangini avait succédé,
  comme locataire, à la Duthe. Cette Rosalie Duthé, courtisane
  célèbre, contemporaine de la Guimard, avait débuté à l'Opéra
  comme espalier ; elle avait tout juste le talent et l'esprit d'une figurante,
  mais elle était si belle que nulle ne l'effaçait dans les réunions
  de la petite maison de Soubise, cour galante de la rue de l'Arcade. Son luxe
  coûta cher au duc de Chartres, au comte d'Artois, et puis à des
  Anglais, quand elle eut émigré à temps. Le duc de Bourbon-Condé lui
  rendait encore des visites, comme ami, dans le dernier hôtel qu'elle
  habita, au boulevard des Italiens, vis-à-vis la rue de Choiseul ; elle y mourut l'année 1820. 
L'Hôtel Chevilli : 
Un hôtel plus ancien laisse encore moins de ses nouvelles à l'extrémité de
  la rue Basse, qui lui dut de s'appeler chemin de Chevilli avant de prendre
  le nom du rempart élevé sous Louis XIII entre la porte Saint-Honoré et
  la porte Saint-Denis. Déjà une fois, en l'année 1720,
  on essaya de supprimer ce chemin ; mais il fit tellement faute que bientôt
  on le rendit à la circulation. Comme il n'était permis d'avoir
  que des portes dérobées sur le boulevard, la rue Basse n'en venait
  que plus utilement en aide à cette voie plantée d'arbres, qui
  s'accommode si mal des portes cochères. Comment un dégagement,
  jugé indispensable sous la Régence deviendrait-il une superfluité,
  maintenant que l'ancienne promenade est sillonnée par mille fois plus
  de voitures et de baquets ?  
La propriété foncière se divisait dans notre rue, d'après
  un petit plan tracé à la plume en 1726, de la façon suivante : 
1° un serrurier, bâtiments et jardin (à la place de la pharmacie
  Planche) ; 2° un taillandier, bâtiments et jardin ; 3° un charron
  ; 4° chantier de Sandrié, charpentier ; 5° marais à Marie
  Ligné, maître jardinier ; 6° maison au même ; 7° maison
  et jardin à M. d'Olivet (à la place de la maison Odiot) ; 8° un
  charron ; 9° un charpentier ; 10° un menuisier ; 11° un renfoncement
  en demi-cercle devant une ouverture, qui nous paraît l'entrée du passage
  ; 12° grand marais à Baudin, jardinier ; 13° Leroy, jardinier
  ; 14° un autre jardinier ; 15° marais à M. Pinon de Quincy,
  s'étendant jusqu'à la rue de Suresnes. 
M. d'Olivet : 
Reste à savoir si le M. d'Olivet qui figure au tableau était
  ou n'était pas l'abbé Thoulier d'Olivet, grammairien et l'un
  des quarante. 
Pierre Ligné et Marie-Anne Saulnier avaient acquis du nommé Silvois
  deux arpens de terre en marais le 5 février 1714. Une sentence de la grande
  voirie de Paris permettait, le 9 mai 1752, à Ligné, Verbecht,
  Sandrié l'aîné et autres propriétaires riverains du passage,
  Sandrié, de faire mettre des pieds-droits de porte charretière,
  pour la fermeture d'icelui. 
Le Passage : 
Une pension, dont les élèves suivaient les cours du lycée
  Bonaparte, collège Bourbon, marqua dans le passage Sandrié,
  ou elle fut successivement dirigée par MM. Savary, Vertut et Darragon. Il s'y trouve encore un jeu de paume, le dernier de Paris qui survive à tant
  d'autres ; mais il est de création moderne. 
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