Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE PAYENNE
IIIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1864. Monuments classés aux n°s 2-4 : Musée Carnavalet. Au n° 9 Hôtel Donon. Au n° 14 : Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau (façades et toitures sur rue, sur cour et sur jardin de l'hôtel ; l'orangerie ; grand escalier avec vestibule d'entrée ; petit salon Louis XIV). Historique : Cette voie est indiquée sous le nom de rue Payenne dans un procès-verbal de 1636 ; elle a porté aussi les noms de rue Payelle, rue Parelle, rue de Guienne et rue des Payens. Origine du nom : Dû probablement à un ancien propriétaire appelé Payen.

Mme de Sévigné. – Mme de Maintenon. – L'Arsenal de la Ville. – Le Duc du Lude. – M. de Maupeou. – Les Religieuses. – M. Rouillé. – Le Comédien Floridor. – Marion Delorme. – La Famille Le Peletier. – Les d'Argouges. – La Dess de Châttillon. – M. Hocquart.

Cette rue du Marais, si vous lui demandez quel fut l'apogée de sa fortune, vous ramène aussitôt en plein XVIIe siècle. Attendez-vous donc à de grands noms. Mme de Sévigné par-ci et MIle de Maintenon par-là : le moyen de mieux commencer ! Les derrières du célèbre hôtel Carnavalet, où s'écrivaient des lettres plus célèbres encore, se trouvaient d'un côté de la rue ; de l'autre, une des habitations de la femme illustre qui, dans le même siècle, devait le plus changer de place. Que Mme de Maintenon, avant de porter ce nom de cour, en ait été réduite aux charités de la paroisse Saint-Eustache, et qu'elle soit sortie de cet état précaire par des expédients encore moins avouables, Saint-Simon ne se fait pas faute de le dire ; mais convient-il d'en croire ce grand ennemi de Mme de Maintenon ?

Croire, au contraire, Scarron assez cul-de-jatte pour que sa veuve ait pu écrire un jour à d'Aubigné, son frère : « Je n'étais pas mariée », serait-ce donner dans moins d'invraisemblance ? Un poète burlesque se marier en buste : chasteté absolue singulièrement placée entre l'hymen et la bouffonnerie ! A l'hôtel du Lude ; rue Paynné ; l'intéressante protégé appelée devenir une si haute protectrice, n'était pas loin de la chambre jaune que la belle et spirituelle Ninon de Lenclos, à ce qu’on ose dire, lui aurait prêtée en cachette, lorsqu'elle avait le plus sa fortuné à faire. Mais on sait que Ninon refusait pour elle-même le plus petit cadeau, en ennemie déclarée de l'amour intéressé !

La famille de Deslandes-Payen, ami de Scarron, pouvait avoir tenu cette rue sur les fonts baptismaux de l'édilité parisienne. Toutefois on l'avait dite Payelle, Parelle et de Guyenne, avant l'année 1630 : Au siècle précédent, Henri II avait demandé à la Ville certaine granges à l'usage de l'artillerie, qu’avaient été prêtés à François Ier en 1533, et il avait offert un dédommagement ; sans le déterminer lui-même les édiles, par délibération du 10 mars 1550, avaient choisi une grange et un terrain de la culture Sainte-Catherine ; que le roi avait achetés, pour établir l'Arsenal de la Ville, et celui-ci avait été construit par conséquent, entre les rues Payenne ;et Culture-Sainte-Catherine, près celle du Parc-Royal. François Trudaine, sieur de Monceaux près Ville-l’Evêque-Saint-Georges, résidait à côté en l'an 1582. Que si nous remontons encore plus haut le cours des âgés, nous voyons que Jean Payen, écuyéer, avait une maison dans le voisinage des Tournelle, sous le règne de Charles VI : elle était visiblement rue Culture et ruée Saint-Antoine.

Henri de Daillon, comte du Lude, grand-maître de l'artillerie de France, fait duc en 1675 ; puis premier gentilhomme de la chambre, gouverneur des châteaux de Saint Germain et de Versailles, n’avait pas en ses qualités, à jouer un mince personnage, et néanmoins il amusait souvent de ses bons mots la galerie : il fut l'un des adorateurs de Mme de Sévigné. Le plan de Hulet, achevé en l'année 1707, indiquait encore la place de l'hôtel du Lulle aux n°s 11 et 13 d à présent, bien que depuis dix-sept ans déjà, il n'y eut plus de duc du même nom. Le comté du Lude avait successivement passé au maréchal de Roquelaure, dont la mère était une Daillon, et au duc de Rohan-Chabot, dont la mère avait hérité du maréchal de Roquelaure ; l'hôtel avait suivi plus ou moins longtemps, le même sort que cette terre. Un plan de 1728 marquait l'hôtel Maupeou au même endroit.

Mme de Sévigné et Mme de Grignan, à l'hôtel Carnavalet, avaient immédiatement pour voisines, dans la rue Payenne aussi, bien que dans la rue Culture-Sainte-Catherine, les annonciades célestes, ou filles bleues, couvent fondé par la marquise de Verneuil en 1622, et dont l'église avait un maître-autel magnifiquement décoré de l'Annonciation du Poussin.

Cette inscription topographique de Gomboust : Religieuses de la Nativité de Jésus, et cette autre de Bulet : M. Rouillé, sont remplacées le long de notre rue par les premiers chiffres impairs. Réformées sous le titre de filles de la Nativité-de-Jésus, les petites cordelières de l'ordre de Sainte-Claire venaient du faubourg Saint-Marcel ; elles quittèrent pour la rue de Grenelle-Saint-Germain, en 1687, celle où leur succéda M. Rouillé. Ce procureur général, en la chambre des comptes, nommé ensuite l'un des directeurs des finances, nous est représenté par Saint-Simon, non comme un bourru bienfaisant, mais comme un bourru débauché. Quand le duc de Noailles fut obligé de s'effacer, Rouillé se retira volontairement des affaires, avec un, pension de 1200 livres : était-ce là un acte de brusquerie qu'il apportât de quoi nourrir des vices ? Il en avait, par malheur défrayé aux dépens de l'Etat s'il était ce même financier Rouillé qu'on avait condamne en 1706 à la restitution de 117,00 livres. Sur le théâtre machiné de l'ancienne cour, comme les changements à vue- s'opéraient bien ! Tout n'y procédant que par cabale, quel acteur n'avait pas ses jours pour être sifflé ?

Le Roman comique de Scarron nous montre assez que les tréteaux véritables mettent encore moins à l'abri des disgrâces le,comédien de profession. Floridor, qui en avait mené la vie nomade, s'appelait réellement Josias de Soulas,sieur de Prinefosse ; il avait essayé de la profession des armes, avant que de servir en province de bilboquet à la fortune dramatique, et par bonheur il était parvenu à se faire goûter du public parisien dans les premiers rôles de la comédie et de la tragédie. Ce notable comédien portait le titre d'écuyer, à la ville ; il y demeurait rue Payenne, non loin du théâtre du Marais, où avait commencé sa réputation. Mais c'est à l'hôtel de Bourgogne que Floridor et ses confrères de la troupe royale donnèrent en spectacle gratis une des premières représentations de Stilicon, ouvrage de Thomas Corneille, et un ballet. La Muse historique de Loret, chroniqueur en vers, rendait compte de cette solennité :

Les principaux « compagnons » de Floridor, dans cette circonstance mémorable, n'étaient rien moins que Baron père, Mile Béjard, les époux Brécourt et les époux Champmeslé, qui eurent, ainsi que lui, l'insigne honneur de servir d'interprètes au grand Corneille, à Molière, à Racine. De tels comédiens ne méritaient-ils pas d'avoir un théâtre bien à eux ? Leurs représentations d'alors alternaient avec celles d'une troupe italienne, que Mazarin avait installée à l'hôtel de Bourgogne, et ces farceurs de Scaramouche, Mezetiu et Pantalon y donnaient l'hospitalité au tragique Stilicon.

Plus tard, la réunion des comédiens français de l'hôtel de Bourgogne avec ceux de la troupe du Marais et de la troupe de Molière, à laquelle la mort venait d'enlever son directeur illustre, eut lieu dans une salle neuve, au bout de la rue Guénégaud. Un genre nouveau de comédie italienne continuait à exploiter, mais sans partage, la scène où s'étaient joués le Cid, Andromaque, Phèdre et tant d'autres chefs-d'œuvre ! En 1697, la représentation de la Fausse Prude, pièce dont l'héroïne ressemblait trop à Mlle de Maintenon, fit fermer, par ordre du roi, la salle de l'hôtel de Bourgogne, à laquelle il ne fut permis de rouvrir ses portes qu'après la mort de Louis XIV.

Parmi les membres du conseil de régence figurait Michel Le Peletier de Soucy, directeur général des fortifications, membre du conseil des finances, du conseil d'État et de l'académie des Belles-lettres, qui, âgé de quatre-vingts ans, se retira à l'abbaye de Saint-Victor. Son hôtel occupait la place de cet Arsenal de la Ville dont nous avons parlé un peu plus haut, et il y avait été précédé par Marion Delorme, cette autre étoile de la pléiade des femmes illustres du XVIIe siècle. Le Peletier des Forts, comte de Saint-Fargeau. fils de M. de Soucy, époux de Mme de Lamoignon et grand-père du conventionnel Le Peletier de Saint-Fargeau, ci-devant seigneur de Ménilmontant, fit partie de l'académie des Sciences et fut contrôleur général, après cela ministre d’Etat. L'ancienne résidence de cette famille sert maintenant de siège principal à l'administration du Factage-parisien.

De l'hôtel d'Argouges il survit, même rue, le n° 3.

La duchesse douairière de Châtillon, propriétaire de l'hôtel de Maupeou, antérieurement du Lude, y tenait encore, sous la fin du règne de Louis XV, à M. d'Argouges, d'une part, à M. d'Hérault, d'autre part. Sa belle maison fut acquise, en 1783, par Mme Hocquart, femme du procureur général à la cour des aides. Celui-ci, ou quelqu'un des siens, remplissait, quelques années plus tard, les mêmes fonctions à la cour des comptes, d'après un livre d'adresses ne signalant plus, rue Payenne, que l'hôtel et les bureaux de M. Hocquart.



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