Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE D'ANTIN IIe arrondissement
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1856. Origine du nom : Voisinage de l'Hôtel d'Antin, plus tard de Richelieu.

N°1, 3, 5, 7, 9, 10, 11, 12 :
Une moitié de la rue d'Antin est presque neuve et partant sans histoire, comme les nouveaux boulevards qu'on nous prodigue : Le percement en date de 1840 sur des terrains de l'ancien hôtel d'Antin, en dernier lieu Richelieu. La rue Neuve-Saint-Augustin sépare cette moitié de l'autre, qui fut ouverte l'année 1713. Louis l'Antoine de Pardaillan de Gondrin, duc d'Antin, lieutenant général, gouverneur de l'Alsace, surintendant des bâtiments de la Couronne, à qui revient l'honneur d'avoir servi de parrain non seulement à cette rue, mais encore à la porte d'Antin, alias Gaillon, et à tout le quartier de la Chaussée-d'Antin, était né en 1665 ; il mourutle 2 décembre 1736.

Ce courtisan, châtelain de Petit-Bourg, envoya des bûcherons scier en une seule nuit tous les arbres d'un massif de la forêt de fontainebleau, pour faire une surprise à Louis XIV, qui dans la soirée s'était plaint de l'impénétrable rideau qu'ils opposaient à l'étendue de la vue, et en effet le roi, à son petit lever, vit tomber le pan de forêt, comme une décoration de théâtre, à un signal donné par le flatteur.

Un magasin de nouveautés, à l'angle de la rue Neuve-Saint-Augustin et de la rue d'Antin, occupe d'anciennes écuries du maréchal de Richelieu, dernier châtelain de l'hôtel d'Antin.

La belle propriété, voisine appartient à M.Charles Potron, auteur d'agréables comédies, qui la tient de famille ; on y remarque un joli balcon, d'une serrurerie à l'avenant, dans la deuxième cour, ainsi qu'un escalier dont le caractère prouve que des contemporains du duc d'Antin y ont fait craquer leurs souliers à talons rouges. Le comte Français de Nantes, un des hommes marquants du règne de Napoléon Ier, fondateur et directeur des Droits-réunis, a habité l'hôtel de 1827 à 1832 ; il y était visité souvent par le général Merlin, Joseph Droz, Tissot, Lebrun, Casimir Delavigne. La toque à plumes, le manteau de cour et le frac tout brodé de conseiller d'État allaient le mieux du monde au comte Français, dont le portrait en pied, peint par David, prouve qu'il ne se contentait pas de briller par ce qu'on acquiert. Un Lefebvre était propriétaire de la dite maison, ou bien de l'adjacente sous Louis XVI.

L'architecte Gabriel II, car il y en eut trois ; celui auquel Bordeaux, Nantes, Rennes et Dijon durent force embellissements, et Paris le plan de son grand égout, s'est bâti un hôtel à l'autre encoignure de la rue Neuve-Saint-Augustin. Il avait acquis en 1729 de Jean-Jacques Baillard des Combeaux, docteur en Sorbonne, prieur de Saint-Julien-Latour, les places qui restaient à bâtir entre les rues d'Alain et Louis-le-Grand, où tout était dans la censive de l'archevêché.

Le n° 9 avait été construit en l'année 1713 par son confrère Le Duc, moyennant, le prix convenu à forfait de 60,000 livres, pour Prévost, écuyer, sieur de Prévalon, argentier de la grande vénerie du roi. Ce gentillâtre se maria deux fois ; il eut pour héritier un gentilhomme de la chambre, ancien capitaine au régiment de Dampierre, sieur de Lavau, qui vendit la propriété à Nantouillet, comte de Marly-la-Ville ; confisquée sur cet émigré, elle passa à M. Thion de la Chaume père, alors notaire, et les panonceaux de cuivre que vous pouvez voir à la porte y datent d'un demi-siècle.

Le 7, ainsi que la maison qui est derrière et qui donne sur la rue Louis-le-Grand, fut au maréchal de Mouchy, qui fit toutes les campagnes du règne de Louis XV. Ce membre de la famille de Noailles était gouverneur de Versailles quand l'orage révolutionnaire vint à gronder, et il honora sa vieillesse par un dévouement à son roi qui lui coûta la vie. Son petit hôtel de la rue d'Antin, légué en ce temps-ci à M. de Launay par la sœur de M. Périer, qui l'avait acheté sous la Restauration, nous a encore tout l'air de ce qu'on appelait sous la Régence une petite maison.

On vient encore s'y rajeunir l'hiver au souffle d'un printemps de serre-chaude ; mais l'innocente jeunesse y cueille en toute saison beaucoup plus de fleurs d'oranger qu'il ne s'en effeuilla nulle part. C'est là que Constantin renouvelle incessamment le miracle, des roses, inauguré par une sainte, la reine Elisabeth de Hongrie. Les conférences diplomatiques n'aboutissent jamais à rien sans que des fleurs nées dans la rue d'Antin n'aient été consultées, et parfois effeuillées, sur le front ou sur la causeuse de quelque femme politique, par le roi, le ministre ou l'ambassadeur qui passe par lui-même pour le plus influent.

Du temps où Rome commandait, Cinéas portait dans les plis de sa robe la paix ou la guerre ; depuis que c'est Paris, plus d'une jolie femme a hérité de la robe de Cinéas. Elle m'aime, un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout : on revient à ce jeu naïf dans les salons ministériels, tout comme dans les jardins de la vallée de Montmorency, et tout dépend dans le monde artificiel des caprices du sort ou de l'amour. On a donc eu raison, faut-il le dire ? de publier, il y a trois ans, la biographie de Constantin et celle du prince de Metternich. Le fleuriste est un Portugais, qui ne parle pas encore la langue du pays qui l'a francisé : mais il sait le langage des fleurs, qui a cessé d'être un idiome exclusivement oriental. On remarque dans ses salons le portrait de la princesse de Penthièvre avec Philippe Égalité enfant, peint par Mignard, et deux autres portraits dont l'auteur est Vélasquez ; on voit aussi se faire pendants, près d'une glace, Molière et la duchesse de Chaulnes, sans compter les peintures vivantes qui viennent y choisir leur cadre.

Gabriel est l'auteur du 5, où Rigoley d'Agny, la comtesse Vaufleury de Malter et Mlle Bidault précédèrent le propriétaire actuel.

L'hôtel Duval de l'Epinay, plus tard Mondragon, a d'abord embrassé, outre les n°s 1 et 3 de la présente rue d'Antin et les les 2, 4 et 6 de la rue Louis-le-Grand, le terrain intermédiaire qui donnait sur la rue Neuve-des-Petits-Champs. Un acte du 3 avril 1776 y constatait la copropriété de dame Marie Bersin, femme de Louis Duval de l'Epinay, secrétaire des finances honoraire, avec Jean-Jacques, marquis de Gallet et de Mondragon, seigneur de Pluvieux, Saint-Chamant et autres lieux, conseiller d'État, maître d'hôtel ordinaire du roi, secrétaire des commandements de Madame, et son épouse, née Duval de l'Epinay, tous trois à demeure dans la maison. Bon nombre de glaces en furent transportées dans le château de Saint-Cloud, à la Révolution. L'hôtel proprement dit était devenu la mairie du IIe arrondissement quand on le restitua au marquis de Mondragon en 1815, et la mairie n'y resta vingt ans de plus qu'à la condition pour la Ville d'en payer le loyer. La famille Mondragon, loin de quitter la place, a fait dernièrement restaurer avec goût le n° 1.


 

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