Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE THÉRÈSE
Ier arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1864. Précédemment rue du Hasard pour une partie et rue Thérèse pour l'autre partie. Arr. du 23 octobre 1880, réunissant la rue du Hasard à la rue Thérèse. La partie rue du Hasard existait en 1622. Jusqu'en 1692, les deux parties étaient confondues sous le nom de rue du Hasard. Origine du nom : Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV.

Boileau dit : « On a vu le vin et le hazard
Inspirer quelquefois une muse grossière »

Et il ne parle pas, en ce passage, d'une combinaison de circonstances indépendantes de la volonté ; il parle d'un jeu, proprement dit de son temps encore le hazard, que les Grecs du Bas-Empire avaient appelé et que l'on prétendait, lors des difficultés de Philippe-le-Bel avec Boniface VIII, avoir vu jouer à ce pape (ludens ad azaros) en tête-à-tête avec une dame.

C'était, d'ailleurs, un terme de jeu de paume et de jeu de quilles ; on disait d'une balle qui rebondissait d'une façon insolite, ou d'une boule qu'un obstacle imprévu dérangeait une fois lancée, que cette balle ou cette boule faisait hasard. Mais, surtout comme synonyme d'as à l'usage des joueurs de dés, il en était venu à servir de dénomination à un genre de partie. Un passage du Parlement d'Amour, d'Alain Chartier, nous met sur la voie en ces termes :

Et elle faisoit à tous tours
Son poinct double ; et c'estoit par l'art
De ses délicieux atours,
S'y gardant de gecter azart.

Une maison de jeu, par extension, garde le nom du Hazard et le fait partager à la ruelle où elle est située.

Cette petite rue ne figure pas encore sur le plan de 1652 ; mais elle était déjà portée au censier de l'archevêché trente ans plus tôt. Par conséquent, les joueurs s'y rendaient en passant devant l'hôtel Mercœur, qui appartenait alors au marquis d'Estrées, et devant l'hôtel de Rambouillet, au sieur Dufresne, avant que le Palais-Cardinal s'élevât à la place de ces deux hôtels.

Combien de maisons, en la rue du Hasard, à la fin du XVlle siècle ? 13, dont l'une avait pour enseigne : à la Butte-des-Moulins. Combien de réverbères ? 4, et il n'en fallait pas davantage pour reconnaître nuitamment la maison dans laquelle on avait déjà remué les dés, à pareille heure, sous la régence de Marie de Médicis : le sculpteur Legrand en était propriétaire une quinzaine d'années avant la régence de Philippe d'Orléans.

La même maison devient postérieurement hôtel Séguier : les bureaux de cet avocat-général au parlement y sont installés. Magistrat de la vieille roche par ses traditions de famille, il s'oppose, mais en vain, à la condamnation de Lally ; il donne sa démission quand le parlement Maupeou est substitué au parlement dont, il ne partage pas les disgrâces, et il ne reprend les fonctions du ministère public qu'au retour des anciens conseillers.

Depuis 1767 M. Séguier fait partie de l'Académie-française, et il n'en jette pas moins, à l'issue de chaque audience, sa robe de magistrat aux orties d'une robe encore plus facile à déposer, mais non à rajuster. Il a toujours une maîtresse en titre ; une année, c'est la fille Buchet, qui ne se gêne pas trop ; comme on disait alors, pour, jouer au reversis avec bien d'autres ; l'année suivante, c'est Jeanne Vaubertrand.

Cette autre fille du monde, encore un mot du temps ! a principalement mis à contribution M. Geneste, commissaire des guerres, et un neveu du trésorier de la reine, puis M. ClauSier, qui vient de l'Amérique ; elle a voulu monter sur les planches, et comme elle chante et danse passablement, Monet, auteur et directeur, l'a engagée pour les deux foires, à raison de 50 louis ; mais, au lieu de faire son service, elle reçoit M. l'avocat-général dans son hôtel de la rue de Thorigny, où la place d'honneur lui est avant peu disputée par Dufour, père nourricier du Dauphin. M. Séguier fait à la belle des scènes de jalousie à émouvoir tous les habitants du Marais, excepté elle, qui a un train de maison à soutenir quand même avec équipage et laquais.

D'historiettes de ce genre la biographie de Séguier regorgerait ; il a près de Saint-Laurent une petite maison, que la Becquet, entremetteuse, ne laisse pas chômer de parties fines. Il fait des dettes, que le roi paye une fois, afin de le marier, avec un douaire de 8,000 livres. Chez lui, du reste, l'avocat-général observe si bien les convenances qu'il se met rarement à la fenêtre, crainte de reconnaître à la leur une ou deux drôlesses qui habitent la même rue.

La Dlle Verrière est du nombre ; son visage, picoté par la petite-vérole, n'en a gardé que des traits plus piquants ; et puis, comme on la dit bien faite ! M. Séguier, qui connaît son histoire, l'appellerait Mme de Serres, si le mariage lui-même pouvait donner à de telles femmes autre chose qu'un nom de guerre.

Élevée par sa tante, à Montreuil, elle n'a appris d'un chanoine de Vincennes que l'a, b, c, de son état ; De Serres l'a rencontrée chez la Montigny, où elle faisait ses humanités, et quand M. de Bregé, doyen du grand-conseil, a meublé richement cette fille, il a mis à la porte De Serres, qui n'a pu rentrer par la fenêtre qu'au moyen d'un mariage secret. M. de Bregé, plus épris que jamais, s'est débarrassé du mari, en lui achetant une charge d'officier dans les gardes de la ville ou chez le roi, valant 26.000 livres, et il a placé pareille somme sur la tête de son épouse. Mais celle-ci dépense trop pour que le grand-conseil y suffise sans la cour des aides. La propagande que fait son greluchet d'époux, pour elle et pour d'autres danseuses, le dégoûte tellement des femmes qu'il se tourne d'un autre côté.

Le Lycée de Paris, fondé en 1799 par Lebrun, mais qui fait suite au Lycée des Étrangers et a l'Athénée des Étrangers, occupe le ci-devant hôtel Séguier. Cet établissement donne des concerts et des bals pour l'agrément de ses abonnés à l'année ou au semestre, en même temps qu'il ajoute à leur instruction par des cours, par des confrences, par des lectures. Les professeurs du Lycée de Paris sont :

Duelerc, pour la cosmographie ; Leblanc, économie politique ; Palissot-B ?auvois, géologie ; Rauque, physiologie ; Blanvillain, littérature italienne ; Baldowiun, langue anglaise ; Gautherot et Cadet, physique ; Bellangé, architectura rurale ; : epz, hygiène.

Le tripot du Hasard, la maison de Legrand, l'hôtel Séguier et le Lycée, tout cela porte aujourd'hui un 6 pour signe particulier. L'apparte ment de la Dlle Ferrière était au transformé en hôtel du Pérou, puis de Pologne, et occupé ensuite par une réunion de filles du monde ; sous la direction de la femme Bessières, maîtresse d'un sieur Hérault, propriétaire de l'immeublè, à laquelle Bessières a succédé la femme d'Orsay, puis la femme Bourgeois. On peut encore, sous ce toit galamment hospitalier, se demander avec Lucain :

Quem tamen inveniet tam longa potentia finem ?



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