Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE SAINT-MERRI
IVème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1864 : Précédemment rue Neuve Saint-Merri. On l'a appelée aussi rue Neuve Saint-Médéric. Elle existait au commencement du XIIIe siècle. Origine du nom : Voisinage de l'église Saint-Merri.

Un Tableau complet, ou peu s'en faut ! Mais le premier plan, où est-il ? Quelques notes de plus vont y jeter, çà et là, un peu de lumière.

Le marquis de la Grange avait acheté son hôtel (n° 9 présentement), d'un président au parlement, célèbre par son attachement à Henri IV, Nicolas Pottier de Blancmesnil, dont la reine Marie de Médicis fit ensuite son chancelier. La plus grande maison de Faverolles avait été saisie sur M. Jacques Mouille, trésorier des ponts-et-chaussées, dans le cours de l'année 1683, avec la qualifidation de ci-devant manufacture royale de chandelles ; un de leurs successeurs fut M. Hubert de Torcy, après lequel vint David, bourgeois de Paris, sous Louis XVI. M. Colbert de Blainville, grand-maître des cérémonies de France, surintendant des mines, colonel du régiment de Champagne, était curateur judiciaire de la personne et aux biens de sa femme ; celle-ci tenait l'hôtel qu'il habitait de Rochechouart de Tonnay-Charente, son père, et de Marie Phélypeaux de la Vrillière, sa mère.

Mme de Rochechouart disposa ensuite de cet héritage, que le notaire Dubreuil acquit des enfants de M. de Rochechouart, duc de Mortemart. Un intéressant cabinet d'histoire naturelle fut formé au coin de la rue du Renard par le médecin Magüart, avant la Révolution. A la famille parlementaire Pottier, avait aussi appartenu l'hôtel dont le jeune duc de la Trémoille, président-né des Etats de Bretagne et pair de France, avait hérité par, son bisaïeul maternel, René de Marillac, conseiller d'État et conseiller d'honneur au parlement de Paris ; mais cette propriété, sise rue du Renard, n'avait guère sur la rue Neuve-Saint-Merri qu'un passage de servitude.

M. Hennequin d'Ecquevilly, pour sa part, n'était rien moins que capitaine-général de la vénerie du roi, premier guidon des gendarmes de sa garde, et Mme d'Ecquevilly avait hérité sa maison de M. Camus des Touches, contrôleur-général de l'artillerie. M. Camus de Pontcarré, premier magistrat de Normandie, recevait du procureur. Chardon les loyers de sa propriété, qui passa à un président aux enquêtes du parlement de Paris, portant le même nom. M. de Lagarde était, de son côté, remplacé par M. Voitrin.

Passons maintenant sur la ligne des numéros pairs. Le président Robert Aubery, enterré à Saint-Merri ; Denis de Noirmoutier et Renée-Julie Aubery, sa femme ; Jean Bouër, secrétaire du roi et de son conseil d'État, et Yves Mallet, secrétaire du roi, avaient précédé Thierry Lerebours, seigneur de Bertranfosse, président honoraire du grand-conseil, et sa femme, Marie Milet, en l'hôtel Lerebours, auquel se trouvaient attachés le droit perpétuel de fontaine à la maison et le droit de chapelle à l'église Saint-Merri. Une petite propriété adjacente avait été vendue aux Mallet-Lerebours, et une autre à M. Jean Baillif, bourgeois, par Abraham, seigneur de Chalange, maître-d'hôtel ordinaire du roi, vers l'an 1686.

M. Devinf donna en 1737 100,000 livres à Mme de Morangis, née Lerebours, de ce qu'elle avait de bien rue Neuve-Saint-Merri, comme héritière bénéficiaire de Lerebours, intendant des finances. La famille Pichon avait acquis antérieurement sa maison de M. Pinette, trésorier du duc d'Orléans. A qui M. Rousseau avait-il eu l'honneur de succéder dans sa propriété plus grande ? A Marie-Madeleine du Guesclin, comtesse et chanoinesse de Poussey, et à sa sœur, veuve de Despeaux, seigneur du Chemin, toutes les deux héritières de Mme Bourdin de Chapuis, née Cousinot. A qui, Mme Lefèvre ? A Mgnr Le Pilleur, évêque de Saintes, et à sa famille. Et enfin M. Remigeau Montoiré ? A Marie-Anne Jabach, veuve de M. Nicolas Fourment, directeur de la manufacture royale de bufflés de Gorbeil, qui elle-même venait après son frère, M. Evrard Jabach, qualifié dans un livre d'adresses premier banquier pour la Hongrie, la Turquie et la Pologne.

A l'hôtel Jabach se rattachaient trois ou quatre petites maisons, dont l'une, donnant sur notre rue, fut occupée, du temps de la famille Poliment, par Barat, garde-magasin de la manufacture de buffles.

N'est-ce donc pas à juste titre que l'historiographe Germain Brice reproche à l'hôtel le peu de clarté de ses appartements et de « ses jardins serrés » ? Il dit aussi : « Billet a fait plus que les autres pour l'hôtel Jabach, où tous les nobles architectes ont donné des dessins, » et il loue la distribution heureuse des appartements restaurés par Dulin. Mais on cite ailleurs Jean Marot comme l'architecte dont le travail à été mis le plus à profit. Au reste, Evrara Jabach devait s'être établi rue Neuve-Saint-Merri pendant la jeunesse du grand roi, et avoir fait son hôtel d'une maison que Jean Gobelin le jeune avait eue à sa disposition sous Henri III. Vers le milieu du XVIIIe siècle, il s'y tenait des assemblées : on appelait ainsi des fêtes de huit organisées pour le jeu et la danse dans un but de spéculation, et l'Opéra leur en voulait de faire concurrence à ses bals.

En sortant de l'hôtel Jabach, au petit jour, que de fois les joueurs fatigués ont eu la brusque perspective, du seul repos qui leur fût assuré ! Le bureau des jurés-crieurs, préposés aux pompes funèbres, se tenait presque en face, et l'on s'y levait matin. Cette confrérie, instituée par Charles V, se composait de 30 membres, dont le doyen avait nom Fournier, et le syndic, Doucet, alors que le siège s'en trouvait dans la rue dont nous vous parlons.

On racontait en ce temps-là que Catherine de Médicis, étant princesse ou étant reine, avait logé de sa personne dans la maison où depuis les jurés-crieurs disposaient tout pour les cérémonies funèbres, et que la maison voisine, habitée par Dupont, maître de mathématiques, avait appartenu à la mère de saint Louis. Or la propriété dans laquelle ce maître donnait des leçons de géométrie, de trigonométrie, de mathématiques et d'hydrographie, n'était séparée de la rue Saint-Martin que par sept ou huit l'acides. Rappelons que Dupont se plaisait à faire aux curieux les honneurs de son logement, décoré de sculptures et de dorures anciennes, et qu'on y remarquait une fleur de lis. Cet auguste emblème n'avait malheureusement pas servi de protection à la noble famille Chatillon, qui occupait un hôtel de la rue au moment de la Saint-Barthélemy.

Quant au savant du moyen-âge Raoul de Presles, fils du secrétaire de Philippe-le-Bel, il demeura indubitablement dans ladite rue, mais plus près de l'autre extrémité. Cet avocat, traducteur de la Cité de Dieu, était attaché comme conseiller à la compagnie des marchands forains de marée. Charles V, son protecteur, l'autorisa à établir un pont sur une ruelle, pour relier deux maisons dont il était propriétaire. Mort en l'année 1382, il reçut la sépulture à Saint-Merri, sa paroisse.

Dans la même rue, sous le règne précédent, Jean Baillet, trésorier des finances, avait été assassiné par un commis-changeur, Perrin Macé. Elle existait déjà sous le règne de Philippe-Auguste. Vous jugez donc de ce qu'elle a vu passer de générations et d'entreprises, faire de fortunes et s'en défaire, de crédits poindre s'étaler sur la place et s'évanouir dans les ténèbres, d'affaires enfin, sous toutes les formes, se succéder infatigablement ! Combien d'ailes et d'étages par siècle ajoutés à ces bâtiments, où le plus vieux est encore le plus solide ! En de telles rues passez, n'y couchez pas, si vos affections sont ailleurs : une fois là, vous n'en voudriez plus sortir qu'enrichi honorablement, c'est-à-dire en y mettant le temps, ou bien les deux pieds en avant.



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