Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LA PRÉFECTURE DE POLICE
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

La L'hôtel du préfet de police se relie par derrière, du côté de la rue de la Cité, à la caserne de la garde républicaine, dans laquelle sont installés les nombreux services administratifs qui ont été chassés du palais de Justice par les incendies de 1871 et qui n'ont pu trouver encore leur place dans les nouveaux bâtiments.

La magistrature du préfet de police a été créée par le gouvernement consulaire le 12 messidor an VIII (Ier juillet 1800). Elle fit entrer aux mains du pouvoir central les attributions de police générale confiées sous la monarchie au lieutenant-général de police et que la révolution avait abandonnées à la Commune de Paris. La qualité d'officier de police judiciaire conférée au préfet de police par l'article 10 du Code d'instruction criminelle lui permet de faire personnellement tous actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux compétents. Il est chargé, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, de tout ce qui est relatif au régime administratif et économique des prisons, maisons de dépôt, d'arrêt, de justice, de force, de correction, de détention et de répression situées dans le département de la Seine. Son autorité s'étend sur tout le département, et sur les communes de Saint-Cloud, Sèvres, Meudon et Enghien, appartenant au département de Seine-et-Oise.

L'institution de la Préfecture de police, battue en brèche par les partisans de l'autonomie municipale, a résisté jusqu'ici à toutes les attaques, protégée par l'évidence des immenses services qu'elle a rendus à la ville de Paris. On ne parlera pas ici des détails purement administratifs qui lui incombent, halles et marchés, voitures publiques, cochers, garnis, passe-ports, etc. Il est plus intéressant d'esquisser la composition de son armée active, dont l'effectif, à peine suffisant, est employé de jour et de nuit à surveiller, prévenir et réprimer les attentats petits ou grands auxquels sont exposées les personnes et les propriétés. On pressent que certaines parties de cet organisme échappent à toute constatation précise : par exemple, la police secrète qui existe certainement,

Gardien de la Paix
mais à la condition essentielle de dissimuler absolument son existence, sous peine de n'être plus.

La nomenclature des services authentiques et patents comprend : une administration centrale, dont les principaux organes sont le cabinet du préfet, le secrétariat général, et deux divisions auxquelles ressortissent les attributions multiples de la police écrite et paperassière. L'action, c'est-à-dire la véritable police, symbolisée par l'oeil perpétuellement ouvert sur la vie, les moeurs, et le mouvement de la capitale sont réservés à deux organismes spéciaux : la Police municipale et la Sûreté.

La Police municipale, dirigée par un chef assisté de deux inspecteurs divisionnaires, est exercée par les commissaires de police et par les officiers de paix. Les commissaires de police, officiers de police judiciaire et qualifiés de magistrats, sont répartis théoriquement entre les quatre-vingts quartiers de Paris ; mais on ne compte réellement que soixante-quinze commissaires de quartiers, cinq d'entre eux étant chargés de deux quartiers dans les arrondissements excentriques à faible population.

Il existe en plus un assez grand nombre de commissaires de police chargés de services spéciaux. Les principaux sont : le contrôleur général des services extérieurs, le commissaire interrogateur séant à la Préfecture de police, et deux commissaires aux délégations judiciaires, ainsi nommés parce qu'ils sont habituellement délégués par le parquet du Tribunal de la Seine pour préparer les actes d'instruction. Les commissaires aux délégations sont installés au palais de Justice dans le même bâtiment que le service de la Sûreté. Il y a encore des commissaires de police chargés de services fixes et permanents : garantie des matières d'or et d'argent, poids et mesures, tribunal de simple police, palais de la Bourse, état-major général de la Place de Paris, émigration et chemins de fer.

La Police municipale dispose d'une force armée qualifiée gardiens de la paix, dont l'effectif est d'environ 8,000 hommes, commandés par 38 officiers de paix, 25 inspecteurs principaux, 100 brigadiers et 700 sous-brigadiers. Ils sont formés en 20 brigades d'arrondissements commandées chacune par un officier de paix et 6 brigades centrales, sur lesquelles se prélève le service de surveillance des voitures publiques et des halles. Ils sont cantonnés dans un poste de police par quartier ; celui où siège l'officier de paix s'appelle poste central. Ils portent constamment l'uniforme, sauf pour le service de nuit, qui comprend une ronde de trois gardiens en bourgeois par arrondissement.

Le service de la Sûreté, placé sous les ordres d'un chef et d'un sous-chef ayant rang et fonctions de commissaire de police, emploie 300 agents qualifiés d'inspecteurs, commandés par 5 inspecteurs principaux, 10 brigadiers et 20 sous-brigadiers. Les hommes employés dans ce service aussi pénible que dangereux sont les héros obscurs de la société. Leur traitement varie de 1,400 à 1,700 francs par an, et c'est en échange de ce modique salaire qu'ils exposent chaque jour leur vie pour l'arrestation des malfaiteurs qui leur ont voué une haine de sauvages. Signe caractéristique : une incorruptibilité à toute épreuve. Le service de la Sûreté publique à Paris ne coûte guère plus de 600,000 francs par an pour rien.

La grosse dépense du budget de la Préfecture de police, c'est la Police municipale qui coûte annuellement environ 25 millions de francs, dont 11 millions pour la solde des gardiens de la paix et 14 millions pour le matériel, gratifications, frais de bureau, habillement, équipement, indemnités de logement, etc.

Avec un pareil effectif d'hommes et un pareil budget, qui sont ceux d'un corps d'armée, la sécurité des Parisiens pourrait être complète ; il ne faudrait, pour atteindre ce résultat enviable, qu'un petit nombre de réformes et une impulsion plus ferme. Si la police, à Paris, n'est pas toujours aussi clairvoyante ni aussi habile qu'elle pourrait et qu'elle voudrait l'être, elle est d'ailleurs plus tolérante que tracassière. Nos gardiens de la paix n'imposent pas au peuple de Paris tout le respect que la plèbe anglaise accorde aux policemen, dont ils n'ont d'ailleurs ni la tenue rigide ni les apparences herculéennes ; mais ils n'en ont pas non plus la brutalité, absolument inimaginable pour qui n'a pas habité Londres ; presque tous anciens soldats, ils conservent les allures familières du troupier français, et

Estafette de la garde de Paris
l'article du règlement préfectoral qu'ils observent le moins est celui qui leur défend de causer dans la rue avec les cuisinières et les bonnes d'enfants.

Mais ils ont de l'intelligence, de la souplesse, du tact même, et une bravoure à la hauteur de tous les sacrifices. Ils sont à l'heure actuelle plus appréciés et plus populaires, avec leur tunique, leur képi, leurs grandes bottes et leur petit manteau qui rappellent l'aspect des troupes en campagne, que ne le furent leurs prédécesseurs les sergents de ville, dont l'habit à queue de morue et le tricorne noir furent si redoutés des émeutiers sous le règne de Louis-Philippe.

Il en est de même pour la garde républicaine, qui partage la caserne de la Cité avec le préfet de police et la Préfecture. Cette troupe d'élite succède à la garde de Paris, qui succédait elle-même à la garde municipale, qui n'était que la gendarmerie royale de la ville de Paris, créée sous la Restauration. La révolution de 1848 débaptisa la garde municipale, comme les journées de juillet 1830 avaient proscrit la gendarmerie royale. Malgré les changements de nom et les modifications de détail dans les uniformes, la garde républicaine est une légion de gendarmerie, comme celles qui l'ont précédée et qui ont vaillamment défendu l'ordre public.

Commandée par un colonel ayant auparavant servi comme chef de légion dans la gendarmerie départementale, la légion de la garde républicaine forme deux divisions, commandées chacune par un lieutenant-colonel ; la première de trois bataillons d'infanterie, la seconde de trois escadrons de cavalerie. L'effectif comporte 118 officiers, ayant sous leurs ordres 2,800 hommes, dont 2,200 fantassins et 600 cavaliers.

La garde républicaine, l'une des plus belles troupes que l'on puisse voir sous les armes, appartient aux cadres de l'armée, et elle a fait brillamment le service de guerre en 1870 et 1871 ; mais elle est particulièrement affectée, en vertu du décret du 1er mars 1854, au service d'ordre dans la ville de Paris. Auxiliaire du Parquet et de la Préfecture de police, elle est, à raison de ce service mixte, payée moitié par le budget de l'État, moitié par le budget de la ville de Paris. Le service quotidien comprend la garde des théâtres, des bals publics, le maintien de l'ordre dans les foules, etc.

En sa qualité foncière de gendarme, le garde républicain est assermenté en justice ; il a le droit de verbaliser contre les délinquants et son procès-verbal fait foi, à moins d'inscription de faux. C'est en police correctionnelle que les petits délinquants comprennent l'importance pratique de cette prérogative : ils ont beau nier le fait même qu'on leur reproche, la foi due au procès-verbal ne permet pas légalement d'admettre leur dénégation. Magister dixit. Le délinquant est condamné. En fait, l'inconvénient est minime, le gendarme est honnête. Mais il peut se tromper.

A Londres, le juge du quartier, n'ayant ordinairement affaire qu'aux policemen de sa circonscription, les connaît personnellement, mesure leur intelligence et leur caractère, et arrive en certains cas à discerner la vérité obscurcie ou altérée ; il exerce sur eux le droit de réprimande et de suspension, en cas de négligence ou d'erreur accidentelle ou intéressée. A Paris, les juges correctionnels devant qui défilent, à des époques irrégulières et indéterminées, l'effectif complet des gardiens de la paix et de la garde républicaine, ensemble dix mille hommes, n'ont qu'à s'incliner devant leur témoignage, sincère, mais incontrôlable.

La caserne de la Cité ne contient, dans ses innombrables bureaux, qu'un local vraiment curieux à visiter : c'est le magasin des objets perdus. Ils y sont rangés dans un ordre parfait, munis chacun d'une étiquette indiquant le lieu, le jour et l'heure de la trouvaille. Au bout d'un an et un jour, s'ils ne sont pas réclamés, ils sont acquis de droit à l'inventeur. On y voit de tout, comme au musée du greffe, mais surtout des parapluies. Une population de cent mille hommes y trouverait de quoi se préserver contre les plus violents orages. On ne s'explique pas que les Parisiens aiment tant les parapluies et qu'ils les perdent si aisément.



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