Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Notre-Dame-des-Champs. – Robert le Pieux. – L'Hôtel-Dieu. – L'anneau de paille. – Saint-Martin-des-Champs. – Deux saints Denis. – Le prévôt de Paris. – Le roi voleur. – Les relevailles de Guillaume. – Les serfs de l'église. – Les écoles. – Les pourceaux. – L'abbaye de Montmartre. – Les halles. – Sainte Geneviève des Ardents. – L'assassinat du prieur. – Combats à outrance. – Les champions. – Les fortifications. – La grande boucherie. – Les Templiers. – Saint Nicolas et les mariniers. – Le roi battu. – Les deux têtes de sainte Geneviève. – Les Hospitaliers de Notre Dame de Paris.

En 1124, Paris fut troublé par des bruits de guerre ; l'empereur Charles V se proposait d'entrer en France à la tête d'une armée considérable et Louis le Gros songea à rassembler toutes les forces du royaume pour s'y opposer.

Des prières furent ordonnées dans toutes les églises, le roi se rendit en grande pompe à Saint-Denis, faire lever les châsses du saint et de ses compagnons, et prendre l'oriflamme qui était conservée dans l'abbaye.

L'oriflamme était un gonfanon de taffetas cramoisi, sans broderies ni emblèmes, terminé vers le bas par trois pointes ornées de houppes de soie verte.

Oriflambe est une bannière
Aulcun fois plus forte guimple
De cendal roujojant et simple,
Sans portraicture d'aultre affaire.

C'est le poète Guillaume Guiart qui s'exprime de la sorte au XIIIe siècle.
Donc, cette bannière rouge était celle de l'abbaye de Saint-Denis, et les moines la faisaient porter devant leurs vassaux en temps de guerre par leurs avoués ou vidames (défenseurs) ; c'était autrefois les comtes du Vexin qui avaient ce titre ; le Vexin ayant été réuni à la couronne, par Philippe Ier en 1082 ; les rois de France devinrent avoués de Saint-Denis et ce fut en cette qualité que Louis le Gros alla chercher l'oriflamme en 1424, et ce qui prouve que ce n'était pas la bannière royale, c'est que dans la miniature qui accompagne le texte du beau manuscrit de Froissart conservé à la Bibliothèque nationale ; elle n'est pas placée en première ligne et qu'elle cède le pas au véritable étendard du roi d'azur à trois fleurs de lis d'or. La dernière fois que l'oriflamme figure aux armées est, dit-on, à la bataille de Rosebecque en 1382 M. Sorel d'Hauterive croit qu'elle y était encore à Azincourt en 1445 et qu'elle tomba au pouvoir des Anglais victorieux qui la détruisirent ou la brûlèrent.

Le mal des ardents exerçait toujours de grands ravages dans la population parisienne, et comme à cette époque d'ignorances, on ne connaissait d'autre remède à ces maux que prier le ciel de vouloir bien arrêter le fléau et de promener les reliques des saints pour le fléchir, une procession publique fut ordonnée en 1429 et on y porta la châsse de sainte Geneviève ; cette procession, à laquelle prit part une foule compacte, arriva à la cathédrale par la vieille rue des Sablons et aussitôt que la châsse de la sainte fut entrée dans l'église, les malades vinrent la toucher et furent immédiatement guéris.

Ce fut en raison de ce miracle (absolument réduit à l'état de fable par la plupart des historiens), que le roi fit bâtir l'église de Sainte Geneviève des Ardents, à l'endroit où, en 1747, fut élevé sur ses ruines, l'hospice des Enfants Trouvés, c'est-à-dire place du parvis Notre Dame.

On attribue encore à Louis le Gros la fondation de la petite église paroissiale de Saint Pierre aux Boeufs, où se tenait la confrérie des bouchers de la Cité. Elle fut supprimée en 1790, et démolie en 1837 ; son portail, sur lequel on remarque deux têtes de boeuf et dont toutes les pierres ont été numérotées lors de la

Les duels judiciaires avaient lieu dans la cour de justice.
démolition, a été replacé contre l'entrée occidentale de l'église Saint-Séverin ; et, sur la maison portant le ne 13 de la rue d'Arcole, on mit une inscription rappelant l'existence de l'église à cette place en 1436.

Paris fut tout en émoi en 1434, à l'occasion d’un meurtre. Thomas, prieur de Saint-Victor, fut assassiné par les neveux de l'archidiacre Thibaut Notier ; la condition de la victime et celle des meurtriers donnèrent à cet événement une importance exceptionnelle.

Le prieur était allé un dimanche en compagnie d'Etienne, évêque de Paris, à l'abbaye de Chelles ; or, bien qu'à cette époque les routes ne fussent pas sûres, les deux hommes s'en revenaient tranquillement accompagnés de quelques religieux, lorsque arrivés devant le château de Gournai, les neveux de l'archidiacre, qui étaient cachés derrière un bouquet d'arbres, s'élancèrent l'épée à la main sur le prieur qui marchait à côté de l'évêque, et avant qu'il eût pu prononcer une parole, lui portèrent plusieurs coups.

Instinctivement, le prieur se précipita vers l'évêque : – Sauvez-moi, s'écria-t’il d'une voix éteinte. – Malheureux ! dit le prélat en s'adressant aux assassins, que faites-vous ? – Retirez-vous, si vous voulez éviter qu'il vous soit fait de même, répondirent les assassins.

Et ils continuèrent à larder leur victime de coups d'épée ; bientôt, l'infortuné prieur s'affaissa dans les bras de l'évêque. Lorsqu'ils le virent tomber, les meurtriers qui n'en voulaient qu'à lui se hâtèrent de prendre la fuite.

Toutefois, le prieur respirait encore, mais déjà ses yeux se fermaient, et c'était à peine s'il pouvait entendre un mot. – Confessez-vous, mon frère, dit l'évêque qui vit bien que son compagnon était perdu. Thomas murmura quelques paroles.
L'évêque lui donna l'absolution, et il mourut en disant qu'il pardonnait à ses assassins. Ce meurtre fit un bruit considérable.

Les chanoines de Saint Victor poursuivirent la vengeance du crime. Par ordre du pape, le corps de la victime fut transporté dans la chapelle de Saint-Denis derrière le choeur, et plus tard François de Harlay, archevêque de Paris, le fit inhumer à côté du grand autel. L'évêque Étienne, témoin de l'assassinat, excommunia les meurtriers, plusieurs prélats s'adressèrent au pape qui frappa d'anathème Notier et ses neveux. Quant à la justice séculière, elle ne fit rien, n'osant sévir contre des ecclésiastiques.

Sous ce règne, les bourgeois de Paris obtinrent le droit de poursuivre leurs débiteurs forains et de faire saisir leurs biens en paiement de leurs dettes ; mais, à côté de ce léger encouragement donné au commerce de la ville, Louis le Gros ne craignit pas de confirmer aux abbayes le droit de faire juger les procès de leurs sujets par les combats à outrance et les duels.

Ces duels avaient lieu dans la cour de justice de l'église, mais les parties n'étaient pas obligées de combattre en personne, moyennant finance, on choisissait pour défendre sa cause non un avocat mais un champion.

Avant de se mesurer, les deux champions commençaient par entendre la messe, ensuite ils arrivaient dans le champ clos, les cheveux coupés au-dessus des oreilles et les reins serrés par une ceinture.

Ils tenaient d'une main un bâton et de l'autre une plaque de bois qu'on nommait harasse, avec laquelle ils paraient les coups. Lorsqu'ils étaient harassés ils posaient le bouclier à terre. Le champion qui était vaincu avait le poing coupé. S'il s'agissait pour lui de défendre une personne accusée d'un crime méritant la mort et qu'il eût le dessous dans le combat, on le pendait.

Bien que cette profession de champion fût, on le voit, des plus périlleuses elle était réputée infâme et le champion était mis au même rang que le joueur, le saltimbanque et la fille publique.

Parfois, un plaideur pouvait appeler au combat non seulement sa partie adverse, mais encore tous les témoins et les juges eux-mêmes et se battre avec eux les uns après les autres ; c'est ce qu'on appelait fausser la cour, s'il ne parvenait pas à les vaincre tous, il était pendu par la goule .

Qui pouvait se vanter d'avoir le sens vrai du juste et de l'injuste à une époque où souverains, et grands feudataires, prêtres et nobles se battaient et se disputaient à l'envi, pour tâcher de s'enlever réciproquement une part de puissance.

Les uns et les autres s'accusaient, se faisaient la guerre, se combattaient et malheureusement c'étaient, comme toujours, les pauvres gens, tout à fait désintéressés dans ces questions, qui se trouvaient recevoir les horions, qui perdaient leurs biens, et souvent la vie, au profit de tous ceux qui semblaient être ligués contre eux.

Louis le Gros avait constamment à se défendre contre les entreprises de ses barons qui ne lui pardonnaient pas d'avoir concédé à plusieurs villes et bourgs de France des chartes de commune ou de franchise. Ils se vantaient hautement de tenir le roi assiégé dans Paris.

Ce fut pour mettre sa capitale à l'abri de coups de main qu'il redoutait, qu'il s'occupa de la fortifier, car il avait un but bien déterminé, affranchir la royauté de la tyrannie des grands ; on le voyait parfois endosser des habits de pauvre et de valet, parcourir la ville, et s'entretenir familièrement avec le peuple afin de recueillir toutes les plaintes que celui-ci formulait contre les nobles dont Louis craignait sans cesse les desseins hostiles.

Toutefois les fortifications commencées par Louis le Gros ne furent achevées que sous le règne de son fils Louis VII, dit le Jeune ; elles se composaient d'une muraille qui protégeait les faubourgs du nord ; cette clôture commençait à la porte Baudet (derrière Saint-Gervais), puis tournait le long du cloître de Saint-Jean en Grève, où se trouvait une tour que Philippe-Auguste donna plus tard aux juifs pour leur servir de synagogue et que le peuple nomma par dérision tour du Pet au diable, nom qui lui resta.

De là, elle gagnait une autre tour élevée entre la rue de la Verrerie et celle de la Tixeranderie, passait ensuite au lieu appelé l'Archet de Saint-Merri, auprès de l'église de ce nom ; et finissait à la rue des Fossés Saint Germain l'Auxerrois.

Plus tard, on fortifia le côté de la rive gauche par une clôture qui commençait au Petit-Pont, enfermait la place Maubert et finissait rue de Bièvre.

Les travaux de la rive droite amenèrent une certaine perturbation, chez les bouchers qui étaient établis à côté de l'église Saint Jacques (Tour Saint Jacques la Boucherie). En 1096 les religieux de Saint-Martin avaient acheté du changeur Gucheri une maison sise à côté de l'église afin d'y établir leur boucherie ; quelques autres personnes vinrent fonder des étaux à côté des leurs et bientôt dix-neuf bouchers furent réunis là et formèrent la grande boucherie qui s'augmenta considérablement lorsqu'il y fut adjoint une petite halle. Quelques procès s'entamèrent touchant la situation nouvelle faite à la grande boucherie dont quelques étaux changeaient de mouvance.

Par la suite, elle eut à subir plusieurs vicissitudes, d'abord lorsque Hugues Aubriot, prévôt des marchands, exigea la démolition d'une maison qui gênait pour agrandir la rue qui se trouvait entre le Châtelet et la boucherie et qui depuis s'appela rue Neuve puis lorsque en 1416, le roi ordonna que la grande boucherie serait démolie rez pied, rez terre, ce qui fut exécuté, mais en 1418 les bouchers obtinrent qu'elle serait rétablie. Et enfin, lorsque Louis XI signa en 1461, des lettres patentes portant que trois des étaux de la grande boucherie seraient abattus et que la place qu'ils occupaient servirait à l'élargissement de la rue.

Pendant plus de cinq cents ans, les dix-neuf, familles qui avaient possédé la propriété de la grande boucherie la conservèrent entre elles, chaque fois que l'une d'elles s'éteignait faute d'enfants mâles, les autres en héritaient. Lors de la révolution de 1789 ces familles n'étaient plus qu'au nombre de trois Dauvergne, Thibert et La Dehors.

Louis VI avait reçu un jour dans son palais de la Cité la visite du père Bernard, abbé de Clairvaux, qui venait au nom de Beaudoin II, roi de Jérusalem, lui demander si deux templiers, André et Gundomard que Beaudoin lui avait envoyés de Jérusalem, pouvaient espérer trouver en France aide et protection et s'il était disposé à leur donner un toit pour y abriter leur tête, et une chapelle pour y prier Dieu. – J'entends, avait répondu le roi, c'est une église que vous me demandez ; soit, j'y songerai.

Il y songea si bien, qu'il leur donna une maison voisine de l'église Saint-Gervais dans laquelle ils s'installèrent ; mais bientôt les deux templiers en firent venir d'autres, l'ordre prit racine à Paris et le roi lui donna un immense terrain que l'on appela la culture du Temple et qui s'étendait depuis l'entrée actuelle du faubourg du Temple jusqu'à la rue de la Verrerie.

Il englobait le bourg Thibdurg, une partie du beau bourg et des maisons éparses dans la campagne.

Les Templiers firent construire dans leur enclos, une église, une cuisine, un réfectoire, un colombier, une grosse tour, qui devint la fameuse tour du Temple, et plusieurs autres maisons, ainsi qu'une écurie dans le voisinage.

Quelques-uns des bâtiments étaient hors de l'enclos et sur les terres de leurs dépendances. En 1293, leurs moulins étaient situés où se trouve de nos jours la rue des Barres qu'on appelait alors ruelle des Moulins du Temple.

La Porte du Temple était située au carrefour formé aujourd'hui par le boulevard, la rue du Temple et le faubourg.

Mais sous le règne de Louis le Gros ils se tenaient encore dans leur maison, proche l'église Saint-Gervais, nous les verrons bientôt faire de l'enclos qu'ils tenaient de la libéralité de Louis VI une forteresse, inexpugnable où le trésor royal sera plus en sûreté que dans le palais des rois, puis expier par le plus affreux supplice le crime d'être si vite devenus riches et puissants.

On sait que les premiers habitants de Lutèce furent des bateliers et que le commerce par eau ne cessa d'être pendant plusieurs siècles l'un des plus considérés.

Sous Louis VII le Jeune, c'est à dire en 1140, les bateliers parisiens érigèrent à leurs frais, près du port Saint Landry, où ils débarquaient les vivres et les marchandises qui devaient approvisionner la ville, une chapelle qu'ils dédièrent à saint Nicolas et y établirent leur confrérie.

Tous les ans, le 6 décembre, cette confrérie s'y assemblait et l'évêque de Paris venait dire une messe solennelle dans l'église, richement or née de courtines et de cierges, puis ensuite, il allait processionnellement bénir le port et les bateaux pavoisés de rubans et d'images de saint Nicolas leur patron.

On plantait sur la berge un grand mai aux branches duquel pendaient des rubans, des poissons tout frais péchés et des figurines de plomb représentant le saint. Saint Nicolas était d'ailleurs en grand honneur à Paris. Lorsque quelqu'un s'était noyé, ses parents ou amis après avoir fait bénir un pain à l'église Saint-Nicolas, le mettaient avec un cierge allumé planté dessus dans une sébile de bois qu'ils plaçaient sur l'eau et ils se mettaient à genoux sur la rive. Là où la sébile s'arrêtait, le corps devait se trouver. Lorsqu'il ne s'y trouvait pas, c'est qu'il avait été enlevé par le démon !

En 1168, la chapelle de Saint-Nicolas qui n'était originairement qu'une nef, fut agrandie de la grandeur du choeur et prit le nom de Sainte-Madeleine.

Revenons aux mariniers qui formaient, on l'a vu précédemment, une hanse ou compagnie des marchands de l'eau. Louis le Jeune leur accorda un privilège portant que la rivière de Seine n'était navigable pour les marchands forains que jusqu'aux ponts de Paris exclusivement, et qu'il n'était permis aux marchands d'en bas de la remonter que jusqu'au pont de Mantes. En contrevenant à cette défense, on encourait la confiscation des marchandises et des bateaux, dont la moitié était adjugée au roi, l'autre à la ville.

Aux termes de cette ordonnance datée de 1170, il est dit : « Personne ne peut amener de la marchandise par eau à Paris s'il n'est Parisien ; ou s'il n'a pour associé de son commerce quelque Parisiens marchand de l'eau. »

Une ordonnance meilleure fut rendue : « Jadis lorsque les rois venaient à Paris, leurs officiers avaient le droit d'entrer chez les bourgeois et d'y enlever leurs lits de plumes et leurs oreillers, souvent même ils profitaient de l'occasion pour enlever tout ce qui était à leur convenance. »

Les bourgeois que cet usage révoltait fort, finirent par s'en plaindre au roi, à qui il n'apportait aucun profit ; il se résolut à l'abolir, tant pour lui que pour ses successeurs, et désormais les bourgeois purent dormir tranquilles, le corps sur leur lit de plumes et la tête mollement reposée sur l'oreiller.

Louis VII, qui portait une grande vénération au clergé, ne pouvait se dispenser de fonder des églises ou de leur faire dés libéralités.

Il commença par donner, en 1138, une obole de cens à l'aumônerie de Saint

Commanderie placée sous
l'invocation de Saint-Jean.
Benoît, située dans le faubourg de Paris, à côté du lieu appelé les Thermes, et qui était contiguë à l'église à laquelle elle fut réunie et qu'on nommait Saint Benoît le Bétourné, parce que, contrairement au rit généralement observé, elle avait son chevet tourné du côté de l'Occident. On verra au XIVe siècle, ce nom changer et un incident singulier marquer le jour de la translation du saint.

A propos d'incident, il faut noter celui qui eut lieu à Sainte Geneviève en 1145.

On sait que le pape Eugène III, chassé par les Romains, vint chercher un refuge à Paris ; le roi et l'évêque Thibaud sortirent de la ville suivis du clergé et d'une multitude de peuple pour aller au-devant du saint-père qu'ils conduisirent en grande cérémonie à Notre-Dame, mais, celui-ci désira célébrer la messe à Sainte-Geneviève, et les chanoines, pour lui faire plus d'honneur, étendirent un riche tapis à l'endroit où il devait se prosterner.

Quand la cérémonie fut terminée, les officiers du pape voulurent s'emparer du tapis, les domestiques des chanoines s'y opposèrent, bientôt une dispute s'éleva et des mots on en vint aux mains, les coups de poing et les coups de bâton tombèrent dru comme grêle ; le roi désespéré de ce conflit, voulut interposer son autorité pour le faire cesser, mais elle fut méconnue et les historiens rapportent que le monarque reçut même quelques coups de bâton dans la mêlée.

Le malheureux tapis, cause de tout ce tapage, fut mis en pièces, mais enfin la victoire se décida en faveur des gens de Sainte Geneviève et les officiers papalins, meurtris, contusionnés, sanglants, n'eurent d'autres ressources que celle de se plaindre au pape, qui se plaignit au roi et celui-ci, d'accord avec lui, décida qu'il y avait lieu de réformer le monastère de Sainte Geneviève en renvoyant les moines qui furent remplacés par des religieux de Cluny. On nomma un nouvel abbé et douze chanoines, tirés de l'abbaye de Saint-Victor, vinrent prendre la place des autres, mais les chanoines de Sainte Geneviève n'étaient pas d'humeur à se laisser déposséder de la sorte, ils résistèrent énergiquement et par leur ordre leurs serviteurs allèrent de nuit faire le siège de l'abbaye, ils enfoncèrent les portes de l'église et tombèrent sur les nouveaux moines qui chantaient matines.

Il fallut que la force armée intervînt pour mettre à la raison cesforcenés qui se vengèrent, en emportant, outre leur trésor, les ornements d'or qui ornaient la châsse de Sainte Geneviève.

Alors il se répandit dans Paris un bruit qui y causa la plus profonde sensation ; on prétendit que les chanoines avaient coupé la tête de sainte Geneviève et l'avaient emportée. Le roi qui entre temps était allé en Terre-Sainte, apprit cette nouvelle à son retour et manda l'archevêque de Sens et les évêques ses suffragants, pour qu'ils eussent à faire ouvrir la châsse et à visiter les reliques. Il serait difficile de se rendre compte de l'émotion que toute cette affaire produisit chez les Parisiens, on ne s'entretenait que de cela.

Enfin l'ouverture eut lieu et on trouva le corps de la sainte parfaitement intact. Mais un évêque, qui savait probablement comment on suppléait au besoin à l'absence de reliques quand on voulait s'en procurer, ne craignit pas de dire tout haut qu'on pouvait fort bien avoir substitué une autre tête à celle que les chanoines avaient volée et que rien ne prouvait qu'on avait devant les yeux la tête de sainte Geneviève.

Déjà ce discours commençait à alarmer les esprits, lorsque le gardien des reliques, le chanoine Guillaume, neveu de l'abbé de Saint Germain des Prés, déclara qu'il était prêt à se jeter à travers les flammes tenant à la main la tête qu'il avait représentée, pour prouver que c'était bien celle de sainte Geneviève.

Tout le monde se tut et l'on dispensa Guillaume de l'épreuve qu'il proposait. On chanta alors un Te Deum et tout le monde se retira satisfait.

Ce fut aussi des chanoines de Saint-Victor qui, en 1148, obtinrent de l'abbé de Sainte Geneviève l'autorisation de creuser un canal qui amenait dans leur enclos l'eau de la Bièvre.

 


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