Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Charlemagne – Un jugement de Dieu. – Charles le Chauve. – Les Normands. Le siège de Paris. – Hugues Capet. – Les reliques. – Les échevins. – Physionomie de Paris. – Les terreurs de l'an 1000. – Les épreuves judiciaires.

Ce second assaut n'eut pas plus d'effet que le premier. Il fallut changer de tactique. Sigefroi, convertit alors le siège en blocus et s'occupa de couper les vivres aux assiégés, en faisant enlever par sa cavalerie tout ce qui existait dans les environs. Cela n'avança nullement ses affaires ; les Parisiens surent tromper la vigilance de ses soldats et se procurer du pain. Alors, un troisième assaut fut tenté. Cette fois, le comte Eudes partagea ses troupes en trois corps, deux furent chargés de la défense des ponts. Le troisième s'enferma avec lui dans la grande tour, bien décidé à mourir plutôt que de se rendre.

Sigefroi comprit qu'il ne parviendrait pas par les moyens ordinaires à s'emparer de cette tour, il fit entasser à la base du bois, de la paille et y fit mettre le feu. Seulement, il n'avait pas remarqué que le vent soufflait du côté qui faisait face à ses soldats, de façon que la flamme vint mordre les mantelets et que tous ses ouvrages furent incendiés : Nombre de ses hommes périrent encore par le feu. Ce fut alors que l'évêque Gozlin, suivi de son neveu et de Robert, sortirent de la place et profitant de la confusion et de la terreur des Normands, se jetèrent sur eux et les poursuivirent, l'épée aux reins, jusqu'aux portes de leur camp. Les Normands avaient affaire à forte partie.

Malheureusement, un événement terrible vint changer la physionomie de la lutte.
Grossies par les pluies, les eaux de la Seine débordèrent et se ruèrent avec une telle impétuosité contre les piles du petit pont de bois communiquant avec la rive gauche, qu'elles les entraînèrent, de façon que le pont s'écroula et que la tour du Petit Châtelet se trouva isolée et cernée d'un côté par la Seine, de l'autre par les assiégeants. Mais laissons la parole à l'auteur des Sièges de Paris pour raconter la scène émouvante qui suivit .

« A la vue de ce désastre, il s'éleva de Paris un immense cri de douleur et de consternation que couvrirent les chansons joyeuses des hommes du Nord. Les défenseurs de la tour furent sommés de se rendre, mais ils rejetèrent cette proposition avec hauteur. Ils n'étaient qu'au nombre de douze, ces vaillants guerriers dont, par un glorieux hommage, l'histoire nous a conservé les noms. C'étaient Ermenfride, Hervé, Eriland,Odoacre, Erwig, Arnold, Soties, Gozbert, Guy, Ardrade, Eynard et Goswin. Ils soutinrent pendant plusieurs heures tous les efforts des assiégeants, qui, ne pouvant pénétrer par la brèche, entassèrent des monceaux de paille, de poix et de résine au pied de la tour et y mirent le feu.

Les douze braves, absorbés par les soins de la défense, ne purent arrêter les progrès de la flamme. Ils se retirèrent sur le pont dont la première arche était restée debout et continuèrent la lutte. Sûr l'autre rive, les Parisiens les encourageaient du geste et de la voix et ils se voyaient avec désespoir dans

Charles le Gros campa sous les murs de Paris sans oser
combattre les Normands, préférant acheter leur
retraite à prix d'argent.
l'impossibilité de les secourir. Cette poignée d'hommes devait finir par succomber sous le nombre de ses adversaires. Onze périrent. Hervé, que les chroniqueurs nous peignent comme un homme beau, bien fait de sa personne, rehaussant par ses avantages personnels l'éclat de son costume et de ses armes, fut fait prisonnier par les Normands, qui le prenant pour un grand seigneur espéraient en tirer une rançon. Mais il s'échappa de leurs mains, sauta sur une épée et vendit chèrement sa vie. La tour fut complètement rasée et sa destruction n'offrit qu'une légère compensation des pertes que les Normands firent dans cette journée. »

Or, tandis que les braves Parisiens se défendaient de la sorte, leur souverain, l'empereur Charles le Gros était tranquillement occupé de l'autre côté du Rhin à quelques affaires de cour, et les assiégés attendaient que son armée vînt les délivrer de leurs ennemis. Désespéré de ne pas voir venir cette armée de secours qu'il attendait vainement, le comte Eudes se décida à partir pour Metz afin de voir l'empereur, mais son départ fut interprété comme un abandon, les bourgeois étaient dans la consternation ; la seule porte de Paris était gardée par les Normands, et ceux qui savaient pourquoi Eudes était parti, craignaient qu'il ne pût rentrer. Tous décimés par la faim souffraient de la longueur du siège et s'épuisaient dans des sorties tentées pour enlever à l'ennemi quelques têtes de bétail. Enfin le comte reparut avec un léger secours, les renforts purent entrer dans la place et les Parisiens reprirent un peu courage.

Lassé d'une telle résistance, Sigefroi demanda alors à traiter, ce qui eut lieu, mais plusieurs autres chefs Normands continuèrent le siège et un nouvel assaut fut encore donné ; leur élan, fut tel que déjà ils étaient parvenus à atteindre le haut d'une muraille, lorsqu'un petit mais vaillant Parisien, nommé Gerbauld, accourut avec quelques compagnons, culbuta les premiers arrivés sur la plate-forme et mit les autres en déroute. Les Normands essayèrent encore du feu, mais ils ne réussirent pas mieux ; une sortie des assiégés leur infligea de grandes pertes et nombre de leurs soldats furent noyés Ce fut le dernier assaut ; les Normands découragés par tant d'insuccès, en revinrent au blocus. Mais Charles le Gros avait fini par se décider à marcher, il arriva avec une armée considérable ; déjà les Parisiens se réjouissaient de pouvoir écraser leurs ennemis, mais au lieu de combattre, l'empereur fit camper son armée, sous les murs de Paris, puis sur les hauteurs de Montmartre, et négocia avec les chefs normands.

Il s'engagea à leur payer sept cents livres pesant d'argent au 1er mars 887. Pour comble de faiblesse, l'indigne monarque les autorisa à ravager les pays de la haute Seine. Les Parisiens, indignés, refusèrent d'acquiescer au honteux traité consenti par Charles le Gros et ils ne permirent pas aux Normands de passer avec leurs bateaux sous les ponts de la ville ; ils durent les tirer de l'eau et les transporter pendant l'espace de 3500 mètres au-dessus de Paris.
Peu de temps après, les Normands ayant, suivant leur habitude, manqué à leurs engagements, un grand nombre d'entre eux furent massacrés dans les rues de Paris, où on les avait reçus sur la foi des traités.

Après la déposition de Charles le Gros et l'élection d'Eudes comme roi de France, la lutte recommença et ce prince défendit la ville contre une nouvelle attaque des Normands ; l'année suivante il se mit à leur poursuite, les atteignit entre Verdun, Stenay et Montmédy et leur tua dix-neuf mille hommes dans les bois de Montfaucon à l'entrée des défilés de l'Argonne.

Après cette défaite, les Normands cessèrent de menacer Paris pendant une vingtaine d'années. Mais le glorieux siège de 885 ne devait pas être le dernier. Ils reparurent en 911. Après avoir successivement pris Rouen, Nantes, Bordeaux, Amiens, etc., ils vinrent une fois de plus assiéger Paris, sous la conduite de Rollon.

Ils échouèrent à deux reprises différentes contre le patriotisme et le courage des Parisiens, mais le roi Charles le Simple, qui en succédant à Eudes n'avait pas hérité de sa bravoure et de ses autres qualités militaires, aima mieux négocier que combattre et ne trouva d'autre moyen pour délivrer la capitale des entreprises des Normands, que de leur donner la Neustrie qui prit le nom de Normandie. Quant à accorder à Rollon la main de sa fille Giselle ainsi que nombre d'historiens le prétendent ; il faut remarquer que Rollon avait alors soixante-quinze ans et que Giselle n'était pas née. Ce qui rend le mariage plus qu'invraisemblable.

L'ère des Carlovingiens n'avait pas été favorable an développement de Paris. Les invasions des Normands avaient ruiné tous ses édifices. Saint-Germain-des-Prés fut détruit ; il ne resta de la vieille basilique de Saint-Vincent et de Sainte-Croix que la partie inférieure de la tour carrée qui s'élève à l'entrée de l'église ; Sainte-Geneviève, Saint-Julien-le-Pauvre, Saint-Benoît (originairement : Saint-Bache), Saint-Marcel Saint-Germain-l'Auxerrois, Saint-Laurent, Saint-Martin et quantité chapelles de moindre importance furent brûlées, démolies, pillées, dévastées ; si l'église Saint-Etienne-des-Grès et Saint-Denis de la Chartre furent épargnées, c'est que les chapitres de ces églises payèrent une forte rançon ; ils livrèrent le contenu pour sauver l'édifice. Le palais des Thermes fut aussi considérablement endommagé.

C'était une grosse affaire que de réparer tant de dégâts, les versements successifs effectués aux mains des ennemis, n'avaient pas enrichi la ville, et ce ne fut que sous Hugues Capet qu'on put songer sérieusement à relever les ruines amoncelées partant d'années de luttes et de batailles.

Nous n'avons pas voulu interrompre le récit des diverses expéditions des Normands, et c'est pour cela que nous avons besoin de retourner un peu en arrière, pour reprendre le cours des événements qui se passèrent à Paris en dehors de la défense qu'il eut à opposer à ses barbares envahisseurs.

L'évêque de Paris, Erchenrade II, étant mort le 9 mai 857, Charles le Chauve fit élire pour le remplacer le notaire de son palais, Enée, personnage qui passait alors pour être très instruit dans « les sciences divines et humaines » et pour un fort honnête homme. Peu de temps après il eut encore à défendre sa couronne contre Louis le Germanique et se retira en Bourgogne. Il revint cependant à Paris et s'occupa comme on l'a vu de le fortifier du mieux qu'il put.

En 863, on profita du répit laissé par les Normands pour faire revenir à Paris le corps de saint Germain que les religieux avaient emporté à Nogent-l'Artaud pour qu'il ne tombât pas aux mains des Normands ; c'était la seconde fois qu'on promenait cette relique ; déjà en 845 on l'avait transporté à Combes en Brie, on l'avait en grande cérémonie replacé à Saint-Germain-des-Prés en 847 ; de nouveau on alla donc le chercher à Nogent ; on le mit dans un bateau et lorsque ceux qui le conduisaient, arrivèrent à l'endroit où la Bièvre se perdait alors dans là Seine, une foule énorme de peuple se précipita au-devant,et on eut toutes les peines du monde à débarquer le corps pour le conduire à l'abbaye ; on le déposa dans la chapelle de Saint-Symphorien, lieu de sa première sépulture, en attendant que l'église brûlée par les Normands pût être réparée.

Dans le dessein de faire exposer tous les ans à là vénération des Parisiens des reliques tirées du trésor d'Aix-la-Chapelle, on en ordonna l'exhibition à la foire de Saint-Denis, qui fut pour cela appelée foire de l’Indict et par corruption du Landit. Cette foire, se tient à Saint-Denis, et on y vend spécialement des moutons ; précédemment elle se tenait sur la partie du territoire formant l'ancienne commune de la Chapelle Saint-Denis devenue, avec Montmartre et Clignancourt, le XVIIIe arrondissement de Paris.

Elle durait quinze jours, de la Saint-Barnabé à la Saint-Jean, et était ouverte à toutes sortes de transactions, d'achats et d'échanges les marchands de Lombardie, d'Espagne, de Provence et d'autres lieux pouvaient s'y rendre et y trafiquer. Mais ce qui se vendait surtout à la foire du Landit, c'était le parchemin ; aussi devint-elle plus tard une fête pour les écoliers, et pour la basoche. Le parlement et l'université se donnaient congé afin de pouvoir s'y rendre, ce qu'ils faisaient en corps et avec une certaine solennité. Le recteur, accompagné de quatre parcheminiers jurés, venait y percevoir son droit sur tout le parchemin mis en vente et faire en même temps la provision nécessaire à tous les collèges.

Les Normands durent tirer leurs bateaux de l'eau
et les transporter pendant l'espace de 3,500 mètres.
Il était même défendu, à tous marchands, sous des peines sévères, d'exercer leur commerce avant que l'Université eût ainsi prélevé sa part.

Le matin du premier jour, on voyait dès l'aube les écoliers se réunir des mieux attifés, armés et à cheval, sur la place de Sainte-Geneviève où ils étaient formés en compagnie pour se mettre en marche, deux par deux, au son des fifres, des trompettes et des tambours ; des étendards flottaient dans leurs rangs, et les bons bourgeois, charmés par le coup d'œil que présentait cette pittoresque cavalcade, avaient soin de tenir les rues libres pour la laisser passer.

Arrivés sur le terrain de la foire, les écoliers rivalisaient d'esprit, de gaieté et d’adresse avec les ménétriers et les jongleurs ; et tandis que le recteur visitait les boutiques de parcheminiers pour y confisquer les parchemins qui auraient pu être introduits en fraude, la jeunesse turbulente des écoles se contentait d'entrer dans les tavernes et se concilier les bonnes grâces des principaux seigneurs, d'y jouer de méchants tours aux bourgeois ; car tout bon Parisien allait au Landit et les bourgeois n'étaient pas gens à y manquer.

Les marchands y attiraient le public par la variété et l'élégance de leurs boutiques dont les étalages offraient toutes les séductions possibles ; ces boutiques mobiles ne ressemblaient en aucune façon aux sombres et infects taudis mercantiles de la ville, qu'on nommait alors des ouvroirs. La foire du Landit, à cause du spectacle inaccoutumé et de l'arrangement symétrique de tant de produits divers, était une source inépuisable de plaisirs, de surprises et de vives émotions pour les habitants de Paris et les étrangers. On y rencontrait à chaque pas une foule de divertissements. Enfin, au milieu de la foire, était construite une baraque dans laquelle s'installait l'abbé de Saint-Denis pour décider des discussions qui s'élevaient entre les marchands et les acheteurs.

Ce fut à cette foire qu'en 1400 des marchands arméniens mirent en vente des chats inconnus jusqu'alors en France, des angoras d'Asie. En 1427 des bohémiens, gitanos, zingaris vinrent y camper et y dire la bonne aventure, mais comme à cette ingénieuse industrie, ils joignaient celle de coupeurs de bourses, ils ne demeurèrent pas longtemps au Landit. Cette foire étant, en raison du voisinage, une occasion de pèlerinage à la basilique de Saint-Denis, on accorda certains privilèges aux abbés de Saint-Denis pendant sa durée.

En 1444, le Landit fut transféré à Saint-Denis à cause des désordres commis par les écoliers, et il fut enjoint au recteur de ne plus se faire accompagner que par un petit nombre d'entre eux. Bientôt la procession de l'université ne fut plus qu'une simple promenade.

Au XVIe siècle, défense absolue fut faite aux écoliers de s'y rendre en troupes et les tambours, les bannières et les processions disparurent ; mais la foire subsista et nous l'avons dit, elle subsiste encore, bien qu'elle ne soit plus fréquentée par les Parisiens et qu'elle ait perdu son caractère d'originalité. Ajoutons un curieux détail de cette célèbre foire vint la coutume, longtemps en usage dans les collèges, de payer pendant le landit les honoraires des professeurs et l'on disait : payer le landit ; c'était donner un citron lardé de pièces d'or ou d'argent que chaque écolier présentait à son régent dans un vase de cristal ; cette espèce de cérémonie se passait parfois avec solennité au son des tambours et des autres instruments. La fête était toujours suivie d'un congé que le recteur assignait au jour qu'il lui plaisait choisir.

Louis le Bègue, qui succéda à Charles le Chauve son père (878) confirma à l'évêque Ingelvin et à l'église de Paris le don que celui-ci, leur avait fait de l'abbaye de Saint-Éloi ; et pour se concilier les bonnes grâces, des principaux seigneurs il avait gratifié Gozlin, grand chancelier et déjà abbé de-Saint-Germain-des-Prés, de l'abbaye de Saint-Denis et Conrad avait reçu le comté de Paris. Ce qui n'empêcha pas les deux personnages de se liguer contre Louis et Carloman, fils de Louis le Bègue ; lorsque celui-ci mourut le 10 avril 879. Ils régnèrent cependant, mais peu de temps et leur passage au trône n'offre aucune, particularité pour l'histoire de Paris.

Sous Charles le Chauve, Hildebrand, évêque dei Séez, avait été obligé de sortir de son diocèse envahi, par les Normands, il vint se réfugier à Paris et le roi lui donna l'ermitage de Notre-Dame-des-Bois, situé à l'entrée d'une forêt qui occupait toute la plaine, depuis l'endroit où se trouve aujourd'hui le boulevard Bourdon jusqu'à la place Louis-le-Grand et d'autre part jusqu'à Montmartre.

Ce fut là que Hildebrand bâtit l'église de Sainte-Opportune. Ce fut d'abord un oratoire qui avait servi à contenir les reliques de la sainte de ce nom ; elles avaient été déposées là par l'évêque de Paris. Cette chapelle se nomma d'abord Notre-Dame-des-Bois. Successivement dotée par les rois, elle fut reconstruite dans des proportions plus étendues et devint paroisse en 1154, époque à laquelle le chœur fut rebâti. Elle reçut alors un chapitre de chanoines ; puis on la démolit, et enfin on la rebâtit à la fin du XIIIe et au commencement du XIVe siècle. Elle possédait une cellule ou chambre de recluse, dans laquelle des femmes pénitentes s'enfermaient pour passer les reste de leurs jours dans la pratique de toutes les mortifications.


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