Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Charles V. — L'hôtel Saint-Paul. — Ecolier tué. — Le Petit-Saint-Antoine. — Baptême de Charles VI. — La Bastille. — Les fortifications de Paris. — Religieux de Saint-Victor. — Provocation des Anglais. — Les célestins. — Le bal des ardents. — Le collège de Dormans. — Obsèques de Jeanne d'Evreux. — Les Turlupins. — Entrée de l'empereur Charles IV. — Le pont Saint-Michel. — Le collège de Daimville. — Mort de Charles V. — Les habitations des Parisiens. — Acrobates, jongleurs, trouvères. — La vie parisienne au XIVe siècle. — Les jeux. — Les ordonnances de police. — Le Châtelet.

Le roi qui songeait toujours à se venger du duc de Bretagne qui avait fait cause commune avec les Anglais, tint un lit de justice à Paris le 9 décembre 1378 ; citation avait été donnée au duc afin qu'il s'y trouvât, mais il s'abstint et fut déclaré criminel de lèse-majesté. L'année suivante, des troupes furent envoyées en Bretagne pour l'expulser de son duché et s'emparer de ses biens.

Le 19 avril 1380, fut fondé un nouveau collège rue de la Harpe par Michel de Daimville, chapelain et conseiller du roi, dans une maison lui appartenant, et en faveur de douze écoliers, six du diocèse d'Arras et six du diocèse de Noyon. Le collège de Daimville fut réuni à l'Université en 1763, et ses bâtiments furent convertis en maisons particulières.

Ce fut le 16 septembre 1380, que mourut le roi après un règne de seize années pendant lesquelles le peuple, bien qu'accablé de tels impôts que « plusieurs furent forcés de vendre leur lit pour les payer », se trouva cependant moins à plaindre que sous le précédent et surtout sous celui qui va suivre — le plus triste de tous !

Le commerce, l'industrie et même un certain bien-être s'étaient développés dans la capitale, qui avait sensiblement modifié son aspect monumental. Les grands seigneurs ornaient leurs hôtels de porches massifs sous lesquels les passants trouvaient un abri et de tourelles angulaires ; les fenêtres carrées étaient séparées par des meneaux de pierre et s'ouvraient sous des arcades ogivales.

Les maisons des bourgeois avaient un rez-de-chaussée en pierre, le reste se composait de poutres verticales ou horizontales dont les interstices étaient remplis par du mortier. Parfois la façade était revêtue d'ardoises ou d'essentes pour obvier à l'infiltration des eaux pluviales.

Les étages étaient en encorbellement, les uns sur les autres et aboutissaient à un pignon anguleux. Sur les consoles des poteaux corniers, sur les supports des étages, étaient sculptés des armoiries, des feuillages, des animaux et des ornements fantastiques. Les boutiques avaient de grandes fenêtres qui servaient à la montre des marchandises et que l'on fermait à l'aide de volets de bois.

Les rues, toujours malpropres, avaient tendance à s'élargir. Il y circulait nombre de litières, de chariots et de chars à quatre roues. Le va-et-vient des passants et des marchands criant ce qu'ils vendaient était perpétuel et c'était bien autre chose quand quelque spectacle populaire y appelait la foule. Par exemple l'homme dont parle Christine de Pisan, « qui avoit une telle industrie, qu'il sautoit merveilleusement, tomboit et faisoit sur des cordes tendues haut en l'air, plusieurs tours qui sembleroient chose impossible si on ne l'avoit vu ; car il tendoit des cordes bien menues, allant depuis les tours de Notre-Dame de Paris jusques au palais et plus loin, et par-dessus ces cordes sautoit et faisoit des tours de souplesse si bien qu'il sembloit voler, aussi l'appeloit-on le voleur. »

On voit que les acrobates excitaient alors, à un haut point, l'admiration.
L'homme « le voleur » dont il est question, eut une fin malheureuse ; après avoir plusieurs fois exécuté ses tours devant le roi et la reine, un jour son pied manqua la corde, il tomba et fut broyé sur la place du Parvis. Les jongleurs, les trouvères et les ménestrels, trouvaient aussi des spectateurs attentifs et les plus pauvres ne résistaient pas à l'envie de donner une pièce de menue monnaie à ces histrions qui les divertissaient si fort, et lorsque l'un deux arrivait, avec sa longue chevelure, coiffé d'un couvre-chef plat sans bord, de couleur jaune, habillé d'un pourpoint bleu sous un manteau d'écarlate doublé de blanc, sans manches, et de chausses et bas rouges, avec sa mallette (gibecière) pendue à la ceinture et retombant sur le ventre, le cercle se formait vite autour de lui pour l'entendre chanter une chanson de geste, jouer de la citole, faire danser un chien, ou filer une truie ; c'était à qui jouirait de ce plaisir et rirait du meilleur coeur.

Les sciences et les lettres progressèrent aussi quelque peu sous ce règne ; Charles V aimait les livres et ce fut lui qui commença à en réunir au Louvre un nombre relativement considérable, aussi le considère-t-on comme le fondateur, ou plutôt le créateur, de la bibliothèque nationale. Il en fit dresser l'inventaire par Gilles Maret, son valet de chambre, qui compta 910 volumes (manuscrits, puisque l'imprimerie n'était pas encore inventée), parmi lesquels les ouvrages de piété et ceux d'astrologie, de chiromancie et de géomancie étaient en majorité.

L'usage de cette bibliothèque n'était pas absolument réservé au roi ; les savants pouvaient y venir étudier ; toutefois, le roi qui la considérait comme le plus beau joyau de sa couronne, veillait sur sa conservation avec un soin tout particulier et il voulut qu'on fermât de barreaux de fer, de fil de laiton et de vitraux, toutes les fenêtres de sa bibliothèque. Les lambris du mur étaient en bois d'Islande, la voûte était lambrissée de cyprès et tous les lambris étaient décorés de sculptures en bas-reliefs.

On y mit par son ordre trente petits chandeliers et une lampe d'argent qui étaient allumés toutes les nuits, afin de pouvoir y travailler à toute heure (au XIXe siècle, la Bibliothèque nationale ferme, été comme hiver, à 4 heures !)

La bibliothèque de Charles V était établie dans une tour du Louvre qui, de ce fait, prit le nom de tour de la Librairie. L'intérieur des hôtels et même celui des maisons des riches bourgeois commençait du reste à étaler un grand luxe soit d'objets d'art, soit de livres, soit de beaux bijoux destinés à exciter l'admiration des visiteurs.

De superbes tapisseries de cuir doré, des miroirs de verre étamé, des horloges à roues, des bancs à colonnes surmontés de dais, des peintures, des dressoirs, des bahuts sculptés, des reliquaires, des gobelets de verre à filets d'émail, tout cela encombrait la demeure des opulents bourgeois. Voici d'ailleurs la description que nous a laissée un contemporain de cette époques de la maison de Jacques Duchié, un bourgeois d'alors :

« On entroit par une porte entaillée de cet art merveilleux. La première salle étoit embellie de divers tableaux et escriptures d'enseignemens atachiés et pendus aux parois. Une autre salle estoit remplie de toutes manières d'instrumens, harpes, orgues, vielles, guiternes, psaltérions et autres, desquels le dit maître Jacques savoit jouer de tous. Une autre salle estoit garnie de jeux d'eschez, de tables et d'autres diverses manières de jeux, à grand nombre. Un estude où les parois estoient couverts de pierres précieuses et d'espices de souefve (suave) odeur.

Une chambre où estoient des fourrures, plusieurs chambres à lits. D'autres où il y avoit des armes. Par-dessus tout l'hôtel une chambre carrée où estoient fenestres de tous costés par dessus la ville. Belles ymages dorées par dessus les pignacles de l'hostel. »

Une amélioration notable s'était aussi introduite dans la demeure des gens de « moyen et de bas état » qui possédaient marmites, poêles, chaudrons blancs ou noirs et chaudières, pots et cloches de cuivre, hastes en fer, chenets, landiers, pelles, pinces et trépieds, lampes de fer ou de verre, chandeliers de fer, de cuivre ou de bois, lits à quenouilles, beaux lits d'ange matelassés garnis de coëttes de plumes contre-pointées, de couvertures de laine blanche, verte, bleue, arches à blé, coffres à sel, coffres-forts, tables rondes, carrées ou longues, bancs à perches, escabelles, selles, sellettes, chaises, berceaux de bois et d'osier, linge de corps, de lit et de table, serviettes et touailles, plats, tranchoirs, saucières de bois, pincemailles, gobelets, cornes, tasses d'étain et. de bois, etc.

« L'habitude de vivre chez soi, dit l'auteur des Mémoires du peuple français, non plus sur la place publique ou dans les tavernes, entre le vin et la cervoise, gagna beaucoup de terrain. Après les luttes civiles, quand le beffroi avait cessé de retentir, les Français de la capitale se livraient aux jouissances domestiques. Ils se réunissaient en famille, à certains jours, pour solenniser une date chère à tous, pour honorer un patron, pour manger le mets favori, ou bien le soir d'une grande fête religieuse, après les offices, le soir d'une réjouissance civile, d'un baptême, d'une première communion, d'un mariage, d'un enterrement même, ils se recevaient réciproquement.

En face de l'âtre enflammé, ils oubliaient volontiers les rigueurs du temps et si l'urbanité moderne ne régnait pas encore parmi eux, du moins se débarrassaient-ils insensiblement de ces formes brutales que l'histoire a eu trop souvent l'occasion de déplorer. »

Malheureusement, le progrès du luxe avait amené un amour effréné du jeu. Les Parisiens jouaient avec acharnement aux dés, au trictrac, aux quilles, à la paume, aux boules, et les désastres occasionnés par le jeu forcèrent Charles V à rendre une ordonnance en 1369, qui défendit tous jeux, excepté le trait et l'arbalète, à peine d'une amende de quarante sous parisis.

Mais on continua de jouer en secret, et les cartes qui furent en usage sous le règne de Charles VI (car elles étaient inventées depuis longtemps), devaient

Le Châtelet, côté de la rue Saint-Denis, en 1780,
passage voûté rue Saint-Leufroy
offrir un nouvel aliment au jeu qui prit plus tard des proportions considérables.

Voici les principales ordonnances de police qui furent rendues et criées dans la bonne ville de Paris pendant le règne de Charles V.

1376, 9 septembre. — Ordonnance de police, l'une concernant le port d'armes, l'autre qui enjoint aux oiseux et fainéants de s'occuper « a été cryé de parle roy notre sire, que toutes les manières de gens oyseulx qui ont puissance d'ouvrer es fossés de sa bonne ville de Paris, ou ailleurs où on les voudra embesogner pour sallaire compétent, qui ne veulent on ne voudront ès ouvrer en dits lieux et par la manière que dist est, soient prins et menez au Chastelet par les sergents à ce ordonnez pour iceuls oyseulx battre ou chantier, ainsy qu'il appartiendra. »

18 septembre. — Cri concernant les femmes publiques. — 25. — Cri concernant les jeux et les poulaillers.

18 octobre. — Cri et ordonnance de police concernant les filles de joie.

1368, 12 février. — Cri concernant les hôteliers. — Mars. Confirmation pour les pauvres femmes fripières et revendeuses — 22 avril. Arrêt en faveur des couteliers contre les merciers. — 8 mai. Cri concernant la sûreté publique : « a esté cryé que nul tavernier ne soit si hardy de tenir ni asseoir beuveurs (buveurs) en taverne après l'heure du couvre-feu sonnée, à peine de 60 sols parisis d'amende. Item, a esté cryé que nul ne soit si hardy de vendre ne presterà escoliers espées, ne cousteaux, ne autres harnois de guerre, sans le congié du prévost de Paris, sous peine d'amende arbitraire. Item, a esté cryé que, pour ce que aucunes gens donnent petite obéissance au sergent du roy, parquoy ils font souventes fois que les dits sers gens crieront ayde au roy, que un chacun leur donne ayde et confort ; et qui fera le contraire, il encherra en la peine dessus dite.

— 29 août. Mandement du roi au prévôt de Paris concernant les coulons (pigeons) : « Lettres qui deffendent à ceulx qui n'ont pas le droit d'avoir des colombiers, de nourrir dans les maisons de Paris et de la banlieue des pigeons dans des volets et qui deffendent aussy de tendre desrêts pour prendre ces pigeons ».

— 10 octobre. Cri concernant les chaussures à la poulaine. — 20 novembre. Statuts des chaudronniers.

1369, 3 avril. — Lettres concernant les jeux dé dés et autres. — 23 mai. Lettres concernant la juridiction du prévôt de Paris portant que les chambellants et autres officiers des princes du sang n'auront aucune juridiction criminelle dans la ville de Paris sur ceux de la maison de ces princes, lesquelz seront jugez par le prévost de Paris.

— 8 juin. Lettres patentes portant réduction des sergents à cheval. — 12 juillet. Sentence portant règlement pour l'approvisionnement de Paris. Rolle des métiers qui doivent aller aux halles le vendredy et le samedy.

1370, 21 juillet. — Lettres concernant l'exercice de la chirurgie dans Paris : « Il est ordonné aux chirurgiens de faire connaître au Châtelet les habitants qu'ils ont soignés de blessures, soit à Paris soit dans la vicomté. »

1371, 24 juin. — Cri pour punir les vols — 11, 12 juillet. Cri concernant la santé. — 13 août. Taxe faite sur les étuveurs (baigneurs), leurs statuts.

1372, 25 septembre. — Lettres aux termes desquelles la police et la visite des métiers, vivres et marchandises à Paris et dans les banlieues doivent être faites par le prévôt et ses délégués.

1374. — Procès entre les religieux de Saint-Denis et le prévôt qui leur avait enlevé le bac du pont de Neuilly parce que le Grand-Pont était rompu. — Arrêt de la cour qui oblige les dits religieux à laisser leur bac jusqu'à Pâques auquel terme le dit prévôt sera obligé de leur rendre leur bac et de payer le dommage qu'ils ont encouru et qui sera déterminé par des commissaires.

1378. — Prestation de serment entre les mains de Hugues Aubriot, de Gaucher Béliart, libraire à Paris comme libraire de l'Université.

1380, avril. — Lettres patentes portant confirmation de la fixation au nombre de seize des commissaires du Châtelet.

Ces diverses ordonnances figurent sur les registres du Châtelet qui se trouvent soit aux Archives, soit à la Bibliothèque nationale et qui sont loin d'être au complet. On sait que le Châtelet de Paris était une juridiction royale inférieure de la même classe que les autres prévôtés, « mais, dit M. Desmazes, dans son livre Le Châtelet de Paris, il siégeait dans la capitale même, recevait les appels des différentes châtellenies de la vicomté et ressortissait nûment du parlement.

Le château fort où la justice municipale tenait ses séances, était situé à l'extrémité du pont joignant la cité : tous les rois continuèrent au Châtelet sa destination.

Le 13 mai 1416, Charles VI fit abattre la boucherie qui était devant le grand Châtelet ; le 9 mai 1485, Charles VII ordonna que les confiscations, aubenages, seraient employées aux réparations du Châtelet de Paris. Des lettres données par Charles VIII à Rouen, le 23 novembre 1487, permirent l'accroissement du Châtelet « qui est ung des grands auditoires du royaume ».

Le Châtelet s'élevait sur le terrain même encore aujourd'hui appelé place du Châtelet ; il existait déjà lors du siège de Paris par les Normands en 884. Souvent modifié, presque entièrement reconstruit à l'intérieur en 1506, 1537, 1544, 1684, le Châtelet se composait de trois tourelles reliées par des constructions de diverses époques. Deux de ces tourelles en pendentifs d'inégale grosseur, protégeaient les deux côtés d'une voûte qui donnait accès dans la ville.

Au sommet de l'une des tourelles était une galerie entourée d'une balustrade en fer et surmontée d'un toit conique. Cette galerie servait aux guettes ou gardes de nuit. La voûte supportait deux étages au milieu desquels était un cadran couronné d'un écusson aux armes de France.

Une grande statue de la Vierge, tenant le Christ enveloppé dans son manteau, était sculptée sur la clef de voûte et donnait au Châtelet le caractère distinctif des autres portes de Paris. »

Il a été complètement détruit en 1802.


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