Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Jean II dit le Bon. — L'ordre de l'Étoile. — Ordonnance contre les mendiants. — Les Célestins. — L'église des Carmes. — Nouveaux collèges. — Les petites écoles, — La disette de 1350. — La guerre avec les Anglais. — La maison aux Piliers. — L'Hôtel Behaigne. — Les trente-six. — Le duc d'Anjou. — Soulèvement contre la nouvelle monnaie. — Étienne Marcel. — Trêve avec l'Angleterre. — 1356 : nouvelle enceinte. — Charles le Mauvais. — La bougie de Notre-Dame. — Les chaperons rouges et bleus. — L'émeute sanglante d'Étienne Marcel. — Le roi de Navarre gouverneur de Paris. — La guerre civile. — Mort de Marcel.— Représailles contre les partisans du prévôt. — Conflits, guerre contre les anglais, famine. — La paix de Brétigny, retour du roi. — Duel des ducs de Lancastre et de Brunswick. — L'hôpital du Saint-Esprit, la confrérie aux Goulus. — 1361 : maladie dite le fil. — Le guet de Paris.

Catherine de Bourbon, duchesse de Bar, créancière de Catherine de Médicis, l'acheta en 1601 ; trois ans plus tard Catherine de Bourbon étant morte, l'hôtel fut vendu à Charles de Bourbon, comte de Soissons. Depuis lors il fut désigné sous le nom d'hôtel de Soissons. De la branche royale de Soissons, il passa dans la maison de Savoie. Le prince de Carignan, mort le 4 avril 1741 à Paris, chargé de dettes, ses créanciers firent démolir l'hôtel et le terrain fut vendu à la ville et par les ordres de M. de Pontcarré de Viarmes, prévôt des marchands, s'éleva sous la direction de M. Le Camus de Mezières, architecte, une halle incombustible, destinée à la conservation et à la vente des blés et des farines, on la nomma la halle aux Blés ainsi qu'on le verra plus loin.

Ce fut vers la même époque que la porte Saint-Germain située rue Saint-André-des Arts vendue par l'abbé de Saint-Germain-des-Prés à Simon de Buci en

La maison aux Piliers, ou maison du Dauphin,
ancien et premier Hôtel de Ville
1352 prit le nom de son nouveau possesseur et devint la porte Buci.

Au moyen âge, le pain était taxé, mais au XIVe siècle ce n'était pas le prix qui variait, c'était le poids. Au mois de juillet 1372, on décida que le pain dit de Chailly (c'était à Paris le pain de première qualité), valant un denier, pèserait tout cuit neuf onces un quart (à quinze onces la livre) ; le pain bourgeois ou de deuxième qualité, douze onces ; le pain de brodes ou pain bis, vingt-quatre onces. Les pains de deux deniers pesaient le double ; au reste, on taxait tout alors.

En 1351, le roi Jean ordonna que les cordonniers ne pourraient vendre les souliers d'homme plus de deux sous quatre deniers, que les chambrières ne recevraient pas plus de cinquante sous de gages pour une année, que les tondeurs ne feraient pas payer plus de quatre deniers pour une aune de drap ordinaire, et qu'enfin les nourrices à domicile ne seraient payées qu'à raison de cinquante sous, et celles qui nourrissaient chez elles cent sous.

En 1356, le lundi 19 septembre, fut perdue par l'armée française la terrible bataille de Poitiers, où le roi Jean II s'était rendu prisonnier au prince de Galles. Ces nouvelles avaient jeté la consternation dans tout le royaume ; le dauphin Charles et ses deux frères, le duc d'Anjou et le duc de Berry étaient revenus en toute hâte à Paris.

Charles assembla les États généraux le 15 octobre et fut déclaré lieutenant du roi et défenseur du royaume pendant l'absence du roi Jean II, son père, on lui adjoignit un conseil composé de douze prélats, douze gentilshommes et douze bourgeois qu'on nomma les Trente-Six.

Or, ce conseil ne tarda pas à se trouver en opposition avec les idées du dauphin. On discuta la question de savoir si on ne ferait pas le procès au chancelier Pierre de la Forest, au premier président du parlement, Simon de Buci, au trésorier de France, Nicolas de Braque, au général des monnaies, Jean de Poillevilain, et à quelques autres qui avaient, sous le gouvernement de Jean II, excité le mécontentement du peuple ; le dauphin s'opposa vivement à cette mesure comme à celle de mettre en liberté le roi de Navarre, prisonnier depuis environ six mois, et ne craignit pas de congédier les Etats et de quitter Paris, prétextant un voyage à Metz. Quant à ceux qu'on voulait poursuivre, prévenus à temps, ils gagnèrent la frontière. Ce fut alors le duc d'Anjou qui gouverna.

Le 10 décembre, parut une ordonnance qui donnait cours à une nouvelle monnaie, le dauphin ayant donné des ordres avant son départ pour qu'on fît une refonte des anciennes. Les marchands la trouvèrent inférieure à la précédente, sous le rapport du titre et du poids et refusèrent de la recevoir ; furieux de la voir refusée, ceux qui en avaient accepté se soulevèrent et des scènes tumultueuses commencèrent à se produire dans Paris. Ce fut alors qu'Étienne Marcel, en sa qualité de prévôt des marchands, alla, accompagné de plusieurs de ses conseillers, trouver le duc d'Anjou, afin de lui exprimer les plaintes de la population et lui demander le retrait de l'ordonnance relative aux monnaies.

Le duc, frappé de l'énergie et de la fermeté que montrait le prévôt, déclara suspendre l'effet de l'ordonnance jusqu'au retour de son frère qui eut lieu dans le mois. L'agitation populaire se calma. Le dauphin, revenu à Paris, essaya d'amener Étienne Marcel à le seconder dans ses vues, et à cet effet, il l'invita à se trouver dans une maison du cloître Saint-Germain-l'Auxerrois, afin de conférer avec lui de choses importantes. Marcel s'y rendit et rencontra là deux membres du conseil des Trente-Six qui entreprirent, en présence du dauphin, de le sermonner sur la nécessité absolue qu'il y avait de donner cours à la nouvelle monnaie, lui faisant entendre que, s'il le voulait, son autorité sur le peuple lui donnerait facilement le moyen de la faire accepter.

Étienne Marcel répondit nettement que jamais il ne se prêterait à ce qu'il considérait comme une chose indélicate et accompagna son refus de paroles un peu vives, dont l'écho se répandit au dehors et provoqua une excitation fiévreuse dans le peuple. Les boutiques se fermèrent, les bourgeois coururent aux armes et le dauphin effrayé, fit publier dans Paris qu'il supprimerait la nouvelle monnaie. Le lendemain il se rendit au parlement, Marcel y vint de son côté, escorté de gens armés et demanda une nouvelle convocation des Etats généraux, ainsi qu'un ordre de poursuites contre les personnages qu'il avait déjà désignés comme prévaricateurs. Le parlement accorda tout, le dauphin fit de même et Marcel fit alors séquestrer les biens de ceux qui avaient pris la fuite.

Pendant ce temps, se formait à Notre-Dame une confrérie de bourgeois dont Marcel fut déclaré le chef, et qui avait pour but de surveiller les agissements du gouvernement. Les Etats généraux convoqués se réunirent à Paris aux Cordeliers, le 5 février 1357, puis le 3 mars, au Palais ; le dauphin, son frère et des personnages de marque s'y trouvèrent. Robert Le Coq, évêque de Laon, après avoir exposé la situation, demanda que le dauphin destituât de leurs charges les officiers que nous avons nommés, et promit, au nom des Etats, de mettre sur pied une armée de 30,000 hommes, si le dauphin ne faisait circuler que de bonne monnaie. Celui-ci consentit à ce qui lui était demandé, et vingt-deux officiers de la couronne furent destitués. En même temps, la cour du parlement fut réduite à seize présidents et conseillers.

Le 5 avril, fut publiée à Paris une trêve de deux ans avec l'Angleterre, afin de pouvoir traiter de la rançon du roi. Le dauphin congédia de nouveau les États. Or, pendant que tout ceci se passait, Paris avait été mis en état de défense ; dès le 18 octobre 1356, le prévôt des marchands qui craignait de voir les troupes anglaises marcher sur la capitale, avait ordonné la réparation des fortifications et l'extension de l'enceinte qui protégeait Paris, surtout du côté du nord, de façon à y enserrer tous les édifices élevés depuis Philippe-Auguste.

Les travaux furent menés avec une grande activité : voici quel fut le parcours de cette enceinte. De l'ancienne tour de Billy, près l'Arsenal, partait une muraille flanquée de tours carrées, qui allait gagner la place de la Bastille, et suivant à peu près la ligne des boulevards, parallèlement à la rue Meslay, venait à 1a rue Saint-Martin, où on bâtit une porte, puis à la rue Saint-Denis, où on en bâtit une autre, suivait la rue d'Aboukir (une porte coupait la rue Montmartre), et aboutissait à la Banque de France, puis tournant un peu à droite, traversait le jardin du Palais-Royal, à peu près vers le milieu, coupait la rue Richelieu, traversait la place du Théâtre-Français et arrivait à la rue Saint-Honoré, à la naissance de l'avenue de l'Opéra ; rue Saint-Honoré était une porte, le mur traversait la galerie nord du Louvre et finissait à la Seine, à la tour de Bois.

L'enceinte méridionale ne fut pas changée ; seulement de grosses réparations furent faites, les portes furent mises en bon état, on recreusa les fossés, dans quelques-uns on fit venir l'eau de la Seine, puis on mura les portes Saint-Victor, d'Enfer et de Saint-Germain ; de sorte que de ce côté on n'avait rien à redouter.

L'île Notre-Dame (Ile Saint-Louis) fut protégée par un fossé qui la coupait en deux et par une tour appelée tour Loriaux. Le cours de la Seine était fermé par des chaînes tendues à travers la rivière.

Ces travaux nécessitèrent une dépense de 462,520 livres tournois, ce qui équivaudrait aujourd'hui à 4,300,000 francs. Pour la couvrir, on établit un impôt sur les boissons. De plus, Étienne Marcel avait fait fabriquer 750 guérites en bois qui étaient fixées aux créneaux des murailles par de forts crochets de fer. Tout cela demanda quatre années pour être achevé.

Donc, au moment où on publia la trêve, les travaux étaient en pleine activité et quand les Parisiens virent que les Etats étaient de nouveau dissous par le dauphin, ils se mirent avec une ardeur sans pareille à travailler à la défense de leur ville. « Ils élevèrent en même temps sur les murs, d'autres petits murs en forme de parapets, avec des portes et des tours qu'ils munirent de canons (c'est douteux), de balistes et d'autres anciennes machines de guerre dont l'on se servait toujours depuis même l'invention du canon, (ce fut à Crécy, en 1346, qu'on le vit fonctionner aux mains des Anglais) encore peu en usage. Il fallut pour cela démolir quantité de grandes et belles maisons, soit au dehors, soit au dedans de la ville, mais on n'épargna rien pour les fortifications nécessaires à la sûreté publique. » Paris était en ébullition.

Les bourgeois s'attroupaient dans les rues, sur les places, dans les tavernes et s'entretenaient avec animation des affaires publiques ; il y avait deux partis bien distincts : celui du dauphin, qui comprenait les gens de la cour et la noblesse ; et celui de la bourgeoisie, représenté par Étienne Marcel, les boutiquiers, artisans et menu peuple en étaient. La ville avait l'apparence d'une place de guerre. On y montait la garde nuit et jour et l'on veillait scrupuleusement à ce que personne n'entrât ou sortît sans s'être fait reconnaître, et il arrivait nombre de gens s'y réfugier, par suite des ravages qu'exerçaient dans les environs les troupes du roi de Navarre et des bandes de pillards qui volaient tout ce qu'ils pouvaient.

Ce fut ainsi que les religieuses de Longchamps, de Poissy, de Maubuisson, de Saint-Antoine et les cordeliers du bourg Marceau vinrent y chercher un asile et comme Paris s'emplissait ainsi de nouveaux habitants, les vivres y enchérissaient de jour en jour. Cependant, les gens paisibles, les commerçants, se lassaient de cet état d'antagonisme entre le corps municipal et le dauphin ; et, on conseilla à celui-ci de ne pas se laisser intimider par le prévôt des marchands et les échevins. Le dauphin manda alors à l'hôtel Saint-Paul Étienne Marcel et ses amis et leur reprocha l'ingérence qu'ils prenaient dans les affaires de l'État, puis il termina l'entretien en leur faisant connaître qu'il était disposé à se passer de leurs conseils et à gouverner comme bon lui semblerait. Puis il les congédia et lui-même s'éloigna de Paris pour se rendre compte de l'état des provinces et voir s'il pourrait y trouver de nouveaux secours.

Alors, les Parisiens prirent peur et firent prier le dauphin de revenir, promettant qu'ils se conformeraient à ses volontés. Le dauphin revint et s'occupa de convoquer encore les Etats généraux ainsi que les députés des diverses villes en avaient témoigné le désir ; les États pouvant seuls voter les subsides que le dauphin demandait, et une assemblée fut tenue aux Cordeliers au commencement de novembre.

Mais un nouvel incident vint grandement compliquer la situation.
Le roi de Navarre se sauva de prison et arriva à Paris le 29 novembre, accompagné de l'évêque de Paris et d'Étienne Marcel qui était allé au-devant de lui jusqu'à Saint-Denis. Il alla loger à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Il y avait au nord et hors des murs du monastère, du côté du Pré-aux-Clercs une sorte d'estrade qui servait à la famille royale lorsqu'on donnait dans le clos des joutes et des tournois, et où les juges prenaient place dans les combats singuliers. Le 1er décembre, Charles le Mauvais monta sur cette estrade et là, en présence d'une foule considérable évaluée à 40,000 personnes assemblées par les soins du prévôt des marchands, il fit un discours pour démontrer qu'il était innocent de tout ce dont on l'avait accusé et que les seuls coupables étaient ceux qui gouvernaient la France.

Il fut acclamé par ses auditeurs dont « la plupart étaient touchés jusqu'aux larmes » ; aussi, le lendemain Marcel se rendit au palais où se trouvait le dauphin et le mit en demeure de rendre au roi de Navarre ses bonnes grâces et les terres qu'il lui avait confisqués. La réconciliation se fit, le dauphin et le roi de Navarre, dînèrent ensemble et ce fut à qui féliciterait Étienne Marcel de sa bonne entremise.

Les Parisiens satisfaits, mais regrettant toujours l'absence forcée du roi Jean II, imaginèrent alors d'offrir à Notre-Dame une bougie démesurément longue, puisqu'elle avait 4,455 toises de longueur, ce qui était exactement celle du tour de Paris (si nous relatons ce fait qui paraît passablement empreint d'exagération, c'est que nous le trouvons mentionné par la plupart des historiens ; citons seulement Félibien et Lobineau :

« la ville, alarmée tant de la prison de son roy que des troubles domestiques qui faisoient appréhender les dernières extrémitez, présenta à Notre-Dame une bougie aussi longue que Paris avoit de tour, pour brûler jour et nuit devant l'image de la Vierge. Elle a toujours continué la mesme offrande tous les ans jusqu'au temps de la Ligue, que cette pieuse coutume fut interrompue pendant vingt-cinq ou trente ans. Miron, prévôt des marchands, substitua à cette longue bougie, en 1605, une lampe d'argent avec un gros cierge qui brûle incessamment devant l'autel de la Sainte-Vierge. » (En tous cas, il est bien entendu qu'il s'agit, non d'une bougie proprement dite, mais de ce qu'on appelle vulgairement un rat de cave.)

Réconcilié avec le roi de Navarre, le dauphin jugea à propos de faire néanmoins quelques nouvelles levées de soldats afin de mettre Paris en sûreté, et cette mesure de prudence renouvela les craintes des Parisiens qui s'imaginèrent qu'on les voulait opprimer par la force. Etienne Marcel avait exprimé hautement cette opinion, et, afin que tous ceux qui tenaient pour le parti populaire pussent se reconnaître à première vue s'il arrivait quelque événement, il les exhorta à porter un chaperon rouge et bleu.


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