Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LE CAFÉ DE LA PAIX
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

Après la conclusion de la paix, lorsque Paris, pendant plusieurs mois isolé du reste du monde, put ouvrir ses portes, tous ceux que les événements ou leur volonté avaient fait quitter la capitale rentrèrent en foule pour revoir leurs familles, leurs amis, et surtout ce Paris, si doux, si attrayant, si plein de charmes. Les groupes se formaient, les hommes politiques de tous les partis eurent leurs lieux de réunion, non point dans l'intention de conspirer, puisque le gouvernement qu'on venait d'installer n'était que provisoire, mais pour causer de leurs espérances.

L'Assemblée nouvellement élue avait, dans un instant de colère, prononcé la déchéance de l'Empire, que l'on rendait responsable des malheurs qui accablaient la France. Les communards futurs et les républicains s'unirent aux orléanistes et aux légitimistes dans cette manifestation. Mais si les partisans des deux branches royales étaient sincères, leurs amis du moment se montrèrent habiles. Il s'était passé après le 4 septembre des faits si extravagants, que MM. Picard et compagnie furent enchantés d'avoir affaire à un adversaire qui ne pouvait se défendre, en mettant à son actif leurs inepties personnelles.

M. Thiers s'associait à ces haines contre les Bonaparte et s'arrangeait pour profiter des fautes de tout le monde. Tant que dura le principat de l'ex-ministre de Louis-Philippe, les partisans de l'Empire furent pourchassés partout, la haine contre eux était devenue une espèce de rage chronique.

Après la Commune, le président les fit surveiller pendant que s'échappaient les principaux chefs des assassins et des incendiaires que le maréchal de Mac Mahon venait d'écraser.

Cependant on ne pouvait faire disparaître tous ceux qui avaient servi l'Empire. On vit quelques bonapartistes sur les boulevards, MM. Boffinton, de Saint-Paul, comte de Palikao, E. Dréolle et beaucoup d'autres se montrèrent.

Les impérialistes se réunirent au café de la Paix, sur le boulevard des Capucines, qui reçut alors le surnom de boulevard de l'île d'Elbe.

On ne pouvait choisir un plus bel emplacement, comme lieu de réunion, que le café de la Paix. Situé au coin de la place du nouvel, Opéra, dans un des splendides immeubles construits sous le règne de Napoléon III, cet établissement est décoré avec un grand luxe. Plafonds peints, moulures, colonnes élégantes, lustres superbes, glaces immenses dissimulant les murs, c'est un palais merveilleux où tout le monde peut entrer. A côté s'élève la masse immense de l'Opéra ; en face, de l'autre côté du boulevard, s'ouvrent l'avenue de l'Opéra, qui s'arrête à la place du Théâtre-Français, et la rue de la Paix, bâtie par le chef de la dynastie impériale. A l'extrémité de cette voie, la place Vendôme. où l'on aperçoit la colonne d'Austerlitz, dont la reconstruction est à peine terminée. Tout, dans ce quartier, rappelle les souvenirs des deux Empires ; instinctivement autant que par goût, les amis et les défenseurs de Napoléon vont s'y promener, causer des grandeurs passées ou de leurs espérances.

M. Piétri va assez régulièrement au café de la Paix. Préfet de police sous l'Empire, il avait excité la haine de Raoul Rigault qui, au 4 septembre, se précipita sur la préfecture de police avec l'intention de prendre la place de M. Piétri ; mais il dut se retirer devant M. de Kératry et se contenta d'une position bien au-dessous de celle qu'il ambitionnait.

M. Jolibois, ancien conseiller d'Etat, y charme ses auditeurs par sa parole facile et élégante. Nous nous souvenons qu'en 1872, à propos du fameux procès Jules Favre contre un ancien ami, qui l'avait accusé d'avoir falsifié les registres de l'état civil, M. Jolibois était un des défenseurs de l'adversaire de l'avocat républicain. C'était au Palais de justice, il était six heures du soir lorsqu'il commença à parler. Des lampes éclairaient la salle toute remplie d'avocats, de journalistes, des amis et des ennemis des plaideurs. Après avoir résumé en quelques mots sa vie sous l'Empire, M. Jolibois pénétra dans le vif de la question et entra dans les détails les plus intimes de l'existence de M. Jules Favre ; il terminait par cet acte qui amenait l'ancien membre du gouvernement de la défense nationale sur les bancs de la cour d'assises. M. Favre baissait la tète et ne répondait point à ces reproches sanglants qui tombaient sur lui sans qu'il pût trouver un mot d'excuse.

M. Abbatucci, fils de l'ancien garde des sceaux, MM. foyer et Lefebvre, préfets sous l'Empire, font partie de la réunion du café de la Paix, de mime que M. Mouton, qui a été chef du cabinet de M. Piétri, aujourd'hui rédacteur de l'Ordre, MM. Falcon de Cimier, Gimer, ancienspréfets ; MM. Besson, Genteur, Goupil, anciens conseillers d'Etat ; M. Alfred Darimon ; M. Adelon, secrétaire général du ministère de la justice, dans le cabinet du 2 janvier 1870 ; le général Ferri-Pisani-Jourdan, comte de Saint-Anastase ; le général de Beaufort d'Hautpoul ; M. Galloni d'Istria ; M. Ganivet ; M. Levert, ancien préfet du Pas-de-Calais ; M. Hervet, de l'Ordre ; M. Casanova ; M. de Valon ; M. Dussaussoy ; M. de Saincthorent ; M. Henri de Fontbrune, rédacteur du Pays ; M. Charles Gaumont, rédacteur de l'Ordre ; M. C. Romanet, ancien rédacteur de la France, qui a passé ensuite au Constitutionnel ; M. E.-J. Lardin, rédacteur du Soir et de la Liberté, où il a publié des articles intéressants sur l'administration des postes ; M. Lagrange.

Nous avons raconté les services que M. Mouton l'avait rendus à plusieurs détenus politiques. Il est probable que si ces individus, maîtres de Paris sous la Commune, s'étaient emparés de sa personne, ils l'eussent gardé comme otage. C'est de la reconnaissance radicale. M. Sencier, le dernier préfet du Rhône sous Napoléon III, M. le baron Servatius, font partie du groupe impérialiste.

Nous citerons encore M. Jolibois fils, M. de Thierry, M. Théodore de Grave, qui a été rédacteur principal du Petit Figaro, a rédigé pendant près d'un an les Echos du Gaulois, sous le pseudonyme du Domino ; M. Francis Aubert, secrétaire de la rédaction du Peuple français, sous la direction de M. Auguste Vitu, ensuite rédacteur du Gaulois, de 1872 jusqu'au premier mois de 1873. M. Aubert accompagna le prince Napoléon, lorsque M. Thiers, jugeant la France compromise par la présence chez M. Maurice Richard de ce membre de la famille impériale, le fit conduire à la frontière. Quand on apprit la mort de l'empereur, M. Aubert se rendit à Chislehurst et adressa au Gaulois des correspondances fort intéressantes. Quelquefois on a vu M. de Saint-Paul, ancien directeur général au ministère de l'intérieur puis député, assis à une table du café de la Paix.

 


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