Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE LA VILLE-L'ÉVÊQUE et CAMBACÉRÈS
VIIIe arrondissement de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. Le second côté de l'équerre que formait encore la rue de la Ville l'Évêque ne s'en est détaché que depuis, sous le nom du jurisconsulte, Cambacérès, prince et archi-chancelier du premier empire. Le nouveau boulevard Malesherbes avait déjà fait perdre à la même rue ses premiers numéros. Rue de la Ville l'Évêque commençant : boulevard Malesherbes, 9. Finissant : place des Saussaies, 2. Historique : indiquée sur le plan de Gomboust (1652). Origine du nom : principale rue de l'ancienne ferme de l'Evêque de Paris, dite Ville l'Evêque (villa Episcopi). Rue Cambacérès commençant : place des Saussaies, 1 bis. Finissant : rue La Boétie, 15. Historique : précédemment partie de la rue de la Ville l'Evêque. La partie comprise entre la place des Saussaies et la rue de Penthièvre est indiquée au plan de Jouvin de Rochefort (1672) sous le nom de Chemin Vert.
Origine du nom : Jean Jacques Régis Cambacérès (1753-1824), jurisconsulte et homme politique français.

– La Ville-l'Evéque. – Choix fait parmi ses Citadins depuis son origine jusqu'à nos Jours.

S. E. l'archevêque de Paris, qui honore de sa souscription le présent recueil de notices, entre ici sur un territoire qui a appartenu à ses prédécesseurs ; les évêques de Paris en avaient pourtant déjà inféodé, avant le XIIIe siècle, certaines portions, aussi bien que certains de leurs droits locaux, moyennant une redevance seigneuriale. Un notable bourgeois y disposait, sous Charles VI, d'un grand logis que le roi d'Angleterre, durant l'occupation anglaise, lui retira, afin d'en gratifier son propre chancelier, lequel avait nom Jean Le Clerc. Un autre bourgeois, nommé Jacques Carnet, vendait vers le milieu du XVIIe siècle à Henri Trésor, maître peintre, domicilié rue de la Monnaie, 2 arpents et 10 perches de marais, qui tenaient à l'égout de la ville, sur le terroir de la Ville-l'Évêque, en ce temps-là plus campagne encore que ville. Les évêques, puis les archevêques ont conservé sous leur censive jusqu'à la grande révolution la plupart des maisons que nous revoyons dans la rue.

Les noms correspondant à ces propriétés, sur l'Atlas des plans de la censive de l'archevêque de Paris, commencé sous l'archiépiscopat de monseigneur de Beaumont, par Rittmann et Junié, et terminé par ordre de monseigneur Antoine-Eléonor-Léon. Le Clerc de Juigné, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France, par Junié, son ingénieur géographe, sont les noms suivants :

Les bénédictines de la Ville-l'Evêque devaient leurs deux maisons et leurs 13 arpents, domaine donnant en face de la rue qui porte ce nom et puis longeant la rue de la Madeleine, à Catherine d'Orléans-Longueville et à Marguerite d'Orléans d'Estouteville, sa sœur. On y avait placé, pour commencer, dix religieuses de l'abbaye de Montmartre ; mais, dès 1647, le monastère fut érigé en prieuré indépendant. Les sœurs de ce couvent étaient au nombre de 50, dans le dernier siècle ; pour y prendre le voile, il fallait une année de noviciat et six mois de postulante, qui revenaient ensemble à 460 livres, et la dot ordinaire variait de 5 à 6, 000. L'arcade de la rue de l'Arcade, qui s'appelait rue de Pologne au-delà, reliait les deux jardins des dames de la Ville-l'Évêque.

Bien que l'église actuelle de la Madeleine fût déjà commencée quand le diocèse de Paris avait M. de Beaumont pour chef, il n'est pas question d'elle dans le recensement que nous reproduisons ci-dessus ses colonnes se trouvaient encore sans chapiteaux quand la Révolution vint y interrompre des travaux qui n'avaient suivi jusque-là qu'une marche déjà très lente. Une autre église, sous le même vocable, avait été fondée comme chapelle par Charles VIII celle-là était une annexe, pour le faubourg Saint-Honoré, de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois.

Le marquis de Marbeuf, neveu du gouverneur de l'île de Corse, avait pour femme la sœur de la marquise de Lévis. Son hôtel devait être le 30. N'y avait-il pas eu pour prédécesseur, sous la Régence, Renault, receveur général des domaines des princes de Conti ? Ce Renault, n'en doutez pas, occupait deux hôtels, que séparaient de la rue d'Anjou : la maisonnette d'un maçon et un hôtel occupé par l'abbé de Roquépine, locataire de Bellèle. Le même abbé tenait de Saillot, sur l'autre rangée et un peu plus haut, un autre hôtel en location. Deux jardiniers, avec leurs deux marais, venaient après le propriétaire Bellèle, puis le confite de Marcellus, payant loyer à Mongin, puis un tonnelier, puis Roland, secrétaire du roi.

Mais la maison doyenne de la rue de la Ville l'Evêque, qui n'allait pas avant 1807 au-delà de celle de Penthièvre, alors Verte, est vraisemblable 9 ; qui ouvre sur la rue d'Anjou. Le plan de 1714 la souligne de cette légende : M. de Lorraine. Cela ne signifiait-il pas maison de l'abbé de Lorraine, évêque de Bayeux ? Le droit d'aînesse ne pourrait guère lui être disputé que par l'ancien hôtel de Boufflers, qui remonte à 1706 et dont la porte se trouve de nos jours au n° 28 de la rue d'Aguesseau. Le baron d'Espagnac, fils du gouverneur des Invalides, a vécu dans l'autre sous Louis XVI, et le comte de Langeron avait alors le n° 5 de notre rue.

Le 3 nous représente, également à titre rétrospectif ; un hôtel Colbert-Chabanais, quoique celui de Rouault fit probablement le même en 1787. Le 35 avait été occupé soixante années plutôt par Pajot de Froncé. Quant à la maison bâtie par Boullée pour M. Alexandre, avec un péristyle à quatre colonnes, elle appartenait au marquis de Colonge et répondait au n° 55 en 1783 indications données par une planche de la Topographie de Paris à la Bibliothèque impériale.

Le marquis de Forbin des Issarts, que ses opinions royalistes mettaient en évidence lors de la rentrée des Bourbons, portait sur sa carte de visite cette adresse rue de la Ville-l'Evéque, n° 28. Dans le quartier aristocratique du Faubourg-Saint-Honoré les partisans de la royauté légitime étaient en plus grand nombre que ceux de l'Empire. Mais le parti républicain y a toujours compté lui-même quelques représentants. Amar, l'un des plus sanguinaires conventionnel n'a-t-il pas passé des années au 54 de la rue qui nous rend ses comptes ?

Au 26 a résidé le maréchal Suchet ; à sa porte s'arrêtaient souvent les passants, pour entendre chanter les vêpres en fausset par des perroquets qu'il avait fait dresser à cet exercice. Le banquier Bartholdi a acheté de Suchet. Deux escaliers à balustres de pierre se remarquent, quant à présent, dans cet hôtel, passé en d'autres mains ; ils pourraient faire prendre un jour l'hôtel Suchet pour une construction du XIe siècle, si nous n'étions pas là pour dire que ce temps-ci les a vu mettre à la place d'escaliers à rampes de fer.

Sous le premier empire aussi, nous eussions rencontré, au premier étage du 38, la princesse d'Aremberg, fille du duc de Brancas-Lauragais ; au second, Mme de Balbi, née Caumont de Laforce, qu'avait aimée Monsieur, comte de Provence, et qui était plus joueuse que les cartes ; au troisième, la duchesse de Fleury, née Coigny, et Mme de Saint-Geniès, avec son fils.

Presque en face demeuraient la princesse de Bauffrémont et la duchesse de Damas, entre l'hôtel du comte de Larochefoucauld-Surgères et celui où demeurait la comtesse d'Avaux, ainsi que le comte Joseph de Ségur, ci-devant colonel des dragons de Ségur, devenu auteur dramatique leur habitation est maintenant l'hôtel à l'enseigne de la Ville de Paris. On remarquait encore à cette époque la marquise de Seignelay, née Béthune, un peu au-dessous de l'hôtel Surgères ; Mme de la Briffe, à l'ancien hôtel Pajot de Froncé, où son gendre, le comte Molé, lui succéda ; le baron Denier, intendant militaire en chef, au 31, et le comte Dupont, lieutenant général, au 45. Mais plus de Vassé, plus de Houdon, comme avant l'ouverture des derniers Etats Généraux.

Vassé, que ce fût le père ou le fils, avait de la réputation comme sculpteur ornemaniste ; son atelier s'était ouvert en sa propre maison, et Houdon, le premier statuaire de son époque, s'était établi dans les mêmes conditions un peu plus haut le talent donc à deux pas du génie ! Mais Houdon avait quitté la rue de la Ville l'Evêque pour une rue de Philadelphie, la statue de Washington lui ayant été commandée. En revanche, l'histoire contemporaine ajoute deux fleurons littéraires et politiques à la couronne de souvenirs que nous tressons et à laquelle nous mettons en ce moment la dernière main. M. de Lamartine réside au 43 ; M. Guizot naguère était au 8.

 


 

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