Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE L'ARBALETE,
Ve arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1856. Précédemment cul-de-sac des Patriarches entre les rues des Patriarches et Mouffetard. La partie comprise entre les rues Mouffetard et Berthollet s'est appelée rue des Sept Voies (XIVe siècle) et rue de la Porte de l'Arbalète (milieu du XVIe siècle).

Plus récemment la rue des Feuillantines est venue tomber dans celle de l'Arbalète, au-delà de laquelle elle se doit continuer. Les 13 dernières maisons du côté droit, dans cette rue de l'Arbalète, ont déjà disparu et ne sont pas encore remplacées ; ce qui laisse un vide entre la dite rue des Feuillantines et la rue Berthollet, naguère des Charbonniers-Saint-Marcel.

Les Chevaliers de l'Arbalète :
Nul doute pour nous que cette rue s'appellerait différemment si la compagnie des chevaliers de l'Arbalète, dits ensuite de l'Arquebuse, puis Archers, n'y avait pas eu son hôtel ou son jardin. A quelle époque ? Nous croyons que ce fut sous le règne de Louis-le-Gros, fondateur de la compagnie, ou bien dans le siècle suivant. Thibaud de Montliard, était maître des Arbalétriers en l'an 1261. Ces chevaliers peuvent n'avoir commencé que sous Charles V à se livrer dans la rue des Francs-Bourgeois-au-Marais à leurs exercices. La rue de l'Arbalète, primitivement cul-de-sac des Patriarches, s'éloignait moins du Parloir-aux-Bourgeois, lorsqu'il était situé près de la rue des Grès (Maintenant rue Cujas.)

Elle ne porta sans doute au XVIe siècle la dénomination des Sept-voies que pendant le peu de temps où la rue du Petit-Lion-Saint-Sauveur dut celle de l'Arbalète à une translation nouvelle du siège de la compagnie, reporté ensuite au Marais. Si les vieilles enseignes étaient restées aux portes, n'en diraient-elles pas plus que l'écriteau de la rue ?

Nous avons demandé de leurs nouvelles à Germelle, appariteur de l'École de pharmacie, qui habite là depuis 1811 ; mais ce vétéran de la rue a perdu un peu la mémoire depuis qu'il a failli perdre la vie en juin 1848. Les insurgés étaient venus à l'École pour qu'on leur fit de la poudre-coton, et Germelle avait prétexté de son ignorance pour ne pas déférer à leurs ordres ; mais, comme, on était sûr de son mauvais vouloir, on le menaçait de mettre le feu. Des soldats arrivèrent à temps par escalade sur le mur du jardin, après avoir enlevé une barricade, pour empêcher qu'il y eût fait accompli. Malheureusement le fidèle serviteur, pris pour un insurgé moins ingambe que les autres, qui étaient déjà hors de vue, fut sommé de livrer ses complices, et, malgré ses dénégations pleines de bonne foi, il resta un quart d'heure sous le canon d'un fusil chargé.

Le Jardin des Apothicaires :
Une école de jeunes apothicaires, instituée aux Enfants-Rouges par Nicolas Houel, apothicaire et épicier, fut transférée le 2 janvier 1578 dans un hôpital de la rue de Lourcine ; consacré comme celui de nos jours au traitement des maladies vénériennes, qui prit le nom de la Charité-Chrétienne. Houel en fit reconstruire, la chapelle, dédiée à sainte Valère et acheta un jardin vis-à-vis pour la culture des plantes médicinales : Les enfants qui apprenaient sous ses auspices à soigner les malades de la Charité-Chrétienne, joignirent bientôt la théorie à la pratique, grâce aux leçons qu'on leur donnait en face. Telle fut l'origine du collège et du jardin des Apothicaires, maintenant École de pharmacie. Le bureau de la communauté professionnelle des apothicaires et des épiciers, alors qu'ils faisaient bon ménage, s'y trouvait en pays de connaissance ; un grand-livre de cette confrérie se retrouve présentement dans la section des manuscrits, à la Bibliothèque royale de Bruxelles.

La Tour-aux-Lions :
L'une des cinq dernières maisons qu'on avait alors à main gauche dans la rue de l'Arbalète, en y venant de la rue Mouffetard, était grande et à grand jardin, avec une fière enseigne : la Tour-aux-Lions. Le propriétaire avait nom Louis-Georgés en l'année 1663, et Raoul Estonomi l'avait précédé. M. d'Éstranges survenait deux ans après, puis sa veuve, née Marie Lefèvre, en 1702, Mlle Geneviève à dix années de là, M. Cyprien Lefranc de la Cousture, valet de chambre ordinaire du roi, en 1752, et M. René de Bussy-Lameth, mestre-de-camp, quatre ans plus tard.

Nous regrettons de ne pas connaître de visu une maison qui fut assurément la lionne de la rue de l'Arbalète ; nous savons seulement que le n° 35 fut bâti pour la comtesse de Bussy avant la Révolution. La Tour-aux-Lions n'était-elle pas l'ancien séjour que Jean Ganay, chancelier de France, avait eu rue de l'Arbalète ?
Si pour retourner rue Mouffetard, les passants de l'année 1660 traversaient la rue de l'Arbalète, ils y longeaient pour sûr les murs des propriétaires que voici :

Les religieuses du Val-de-Grâce, 2 arpents de terre pris sur l'ancien clos de la Santé. Les directrices et le directeur de l'hôpital de la Providence, autrefois de la Santé, qui sont : la duchesse d'Aiguillon nièce du cardinal de Richelieu, Mme Viole et le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, pour ledit hôpital : ancien clos de la Santé, 9 arpents, appartenant antérieurement à Daniel Voisin et plus anciennement à Mme Simon Bouslé. Idem : maison et jardin, 2 arpents, provenant d'Antoine Maris. Bergeron : maison et jardin, 1 arpent. Anne Fayet, femme de Rugi, sieur de Marcillac, et veuve de Hirouin, sieur d'Opuina : maison et jardin, avec sortie rue des Postes, 3 arpents, qui passèrent à Dubellineau en 1714 et à Pierrus en 1731. Louise Renaud, veuve de Champenois, à l'image de la Corne-de-Cerf : sa fille ; Marie Champenois, devint propriétaire en 1681, les filles d'icelle en : 1704, puis Mignot, fils de l'une d'elles, en 1761. Antoine Bailly, fils et successeur de Jean Bailly, à l'image de Saint-Jean : après lui vint Jacques de Hallois, année 1681, puis Nicolas Collart, facteur d'orgues, à cause de Denise de Hallois, sa femme, année 1731.

Si le tableau était complet, nous y caserions à leur place respective des renseignements provenant d'autres sources. Mais il est trop souvent impossible d'éviter qu'il y ait, lacune, double emploi ou contradiction dans les notes que nous réunissons sur l'histoire de la propriété privée. Comment expliquer, par exemple, que Charles Patour, maître peintre, ait été propriétaire en 1733 de la troisième maison qu'on rencontrait à droite en venant de la rue Mouffetard, à l'enseigne précitée de la Corne-de-Cerf ? Il faut qu'il y ait eu division.

Les Filles de la Providence et leurs Voisins en 1660. La Maîtresse en titre d'un Prélat de Cour :
En regard de la rue des Postes (maintenant rue Lhomond), un pensionnat de demoiselles occupe un bâtiment où la rumeur publique veut qu'autrefois ait demeuré un évêque, et qui parait avoir été construit sur la fin du XVIe siècle. Près de l'École de pharmacie il y a aussi une maison haute, à laquelle une statuette, dans une niche, valait le nom de la Vierge. Le 29, plus haut en montant, fui bâti par l'ordre d'un prélat, qui y installa une jeune, femme c'est encore une tradition, et qui nous fait songer au cardinal Dubois, à l'évêque d'Orléans de son époque et au cardinal de Rohan, qui ne se gênaient pas pour avoir des maîtresses avouées et à leurs gages, dans un temps où c'était n'en pas avoir que de n'en pas afficher plus d'une. II y a des tilleuls dans l'avenue ; un assez joli jardin étale des fleurs, des fruits et du gazon au pied de la maison, dont les plafonds jadis étaient élevés, et où il reste vestige d'une chapelle, qui aujourd'hui est une double salle à manger. On y a dit la messe en cachette pendant la Révolution, et l'architecte Petit-Radel y a été propriétaire en 1816. Quant à la dame qui, à l'époque de la fondation, avait donné des fêtes dans cette maison, illuminée la nuit et fréquentée par des gens qui dormaient le jour, elle aurait fini misérablement ; ses voisins l'auraient vue vendre des allumettes sur un pont.

Les Filles du Silence. Les Bonnes sans place :
La porte du 33 est du règne de Louis XIV ; mais les titres de la propriété, jadis environnée de jardins magnifiques, remontent au XIIIe siècle ; c'était la maison de campagne de la congrégation des génovéfains. Le 39 date aussi de l'occupation génovéfaine, et l'on retrouve, au 39 bis l'arcade d'une vieille porte, contemporaine de Charles VI. Là s'établirent en l'année 1700, dans leur quatrième domicile, des filles de Sainte-Agathe où du Silence, dites aussi de là Trappe, suivant l'ordre de Cîteaux dont elles portaient l'habit. Leurs vœux se renouvelaient chaque année, et elles élevaient bien leurs jeunes pensionnaires. Néanmoins leur institution fut supprimée en 1753. M. de Montchablon, maître de pension, achetait le 11 septembre 1755 les deux maisons qu'elles avaient occupées. Plus tard des dames de Port-Royal s'y établirent, mais y restèrent peu de temps. Les sœurs de la Croix tiennent aujourd'hui au même endroit, pour les bonnes sans place, une maison de refuge, qui a été dirigée avant elles par la sœur Géré.

Les Invalides de la Domesticité. Le Coupe-gorge des Marionnettes :
La sœur Géré a quitté la maison des bonnes, en conservant la haute main sur un autre établissement, où des domestiques mâles sont abrités et nourris à peu de frais. Le siège en est rue des Anglaises, n° 3, rue dont le nom rappelle un ancien monastère où des Anglaises priaient en vain pour que la religion de Marie Stuart redevînt celle des successeurs d'Élisabeth. De plus, l'ancienne boulangerie, du couvent de la Providence, édifice carré quelque peu vermoulu, comme tout ce qui le touche, est affecté comme annexe au logement des invalides de la domesticité, dans la rue de l'Arbalète.

A côté de cette boulangerie, voyez-vous une petite chapelle, encore debout avec son toit qui forme un angle aigu ? Elle va reprendre, grâce à la sœur Géré, son ancienne destination, et pourtant les élèves du collège Rollin y jouaient la comédie il a dix ans, exercice dont la tradition leur a été léguée par l'ancienne université de Paris. La chapelle principale des religieuses de la Providence est aujourd'hui une fabrique de coton ; dans cette église, saint Vincent de Paul a dit sa première messe. Près du couvent, en ce temps-là, était la ruelle des Marionnettes, coupe-gorge où les gardes-françaises dégainaient pour le point d'honneur, au grand effroi des religieuses voisines, qui finirent par obtenir de Louis XVI la permission de s'arrondir de ce côté, en cloîtrant la ruelle aux coups de sabre.

La Marquise de Nesmond :
Lamarquise de Nesmond, née Beauharnais, veuve d'un président à mortier, secrétaire du roi, était supérieure des séminaire et communauté de la Providence sous Louis XV : elle mourut presque centenaire. Le couvent fut vendu révolutionnairement à Laffon de Ladébat, membre du conseil des Cinq-Cents, républicain du parti de l'ordre qui fut déporté à Cayenne au 18 fructidor. Mais, avant son exil, Laffon avait vendu ces vastes bâtiments et jardins à Roussel, un des quatre directeurs du Trésor public. Mlle Roussel en hérita ; elle mourut comtesse de l'ordre de Sainte-Anne de Bavière et princesse, ayant épousé, un an avant sa fin, le prince Colonna di Chiarcia, parent du comte Colonna Waleski, ministre actuel des affaires étrangères. L'abbé Vêyssières, légataire de la défunte, précéda comme propriétaire M. Vaillant, pour le compte duquel se gèrent aussi d'autres immeubles, dans un bureau établi rue des Postes : le théâtre Saint-Marcel et le marché des Patriarches.

Le Sacré-Coeur. La Cour de Saint-Benoît :
Sous le règne de Louis XVIII, les dames du Sacré-Cœur occupèrent les bâtiments en façade des n°s 28, 30 et 32, avant d'aller rue de la Santé ; à présent, l'un des corps de l'ancienne maison conventuelle, qui avait obtenu une concession d'eau d'Arcueil, est une buanderie où se blanchit le linge de plusieurs collèges de Paris.

Une des plus intéressantes parmi les vieilles maisons de Paris est située au n° 44, Près de l'ex-venelle des Marionnettes ; elle dépendait aussi du monastère, où elle servit quelque temps de logis à la supérieure. Un écu couronné décore encore la porte, et ses trois fleurs de lis ne furent tout à fait effacées qu'à la révolution de 1830 celle de 89 s'était contentée de les masquer. Derrière cet hôtel s'abritait le cimetière du couvent, et c'est pourquoi, comme le laboureur de Virgile, les maçons trouvèrent des ossements il y a deux ans, en y posant la première pierre d'un nouveau corps de bâtiment. Lorsque la supérieure cessa d'y résider, cela n'empêcha pas d'appeler cour de Saint-Benoît la propriété des dites religieuses bénédictines. Des immunités, dont le privilège devait remonter à la confrérie de l'Arbalète, en faisaient une sorte de cité ouvrière. Les artisans qui n'avaient pas de maîtrise y travaillaient ; sans que les jurés des métiers de Paris pussent les inquiéter en franchissant le seuil de cet asile.


 

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