Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE SAINTE-ANNE
Ier, IIe arrondissements de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. C'est depuis qu'on a abattu les huit premières maisons de la rue Sainte-Anne pour faciliter le percement de nouvelles voies en même temps que l'aplanissement de la butte des Moulins. En revanche, la petite rue des Frondeurs parait devoir être absorbée, de ce côté, par la rue Sainte-Anne. Commençant : avenue de l'Opéra, 12. Finissant : rue Saint-augustin, 13. Historique : le tronçon qui était compris entre la rue de l'Anglade (supprimée) et l'avenue de l'Opéra a été absorbé en partie par la rue de l'Echelle en 1866 et le surplus par l'avenue de l'Opéra en 1876. Ce tronçon, qui avait été ouvert en vertu d'un arrêt du Conseil du Roi du 23 novembre 1633 sous le nom de rue Sainte-Anne avait été appelé également rue des Moulins. La partie comprise entre les rues des Petits Champs et Saint-Augustin, indiquée en 1652 sur le plan de Gomboust, a porté, au XVIIIe siècle le nom de rue de Lionne ou de Lyonne. La voie entière s'appelait déjà rue Sainte-Anne sur le plan de Deharme (1763) ; elle reçut le nom de rue Helvétius de 1792 à 1814. Origine du nom : Anne d'Autriche était reine de France lorsqu'on commença d'ouvrir cette voie.

La Chronique scandaleuse. – Les Hôtelleries. – Les Hôtels. – Les Nouvelles-Catholiques. – Deux Fermiers-Généraux.

Chez Brissault, rue Feydeau, M. de Morainval et deux de ses amis soupaient, le 5 octobre 1762, avec les Dlles Maisonville et Durozan ces filles-là étaient en pension chez la Pontois, couturière rue Sainte-Anne. Dans cette dernière rue demeurait alors la Gourdan, qui mettait autant d'entregent que le Brissault au service, de la galanterie. En conséquence, deux maisons de ladite rue avaient un compte ouvert avec la chronique scandaleuse, et, nous retrouvons justement les n°s 33 et 37, dont les volets sont fermés en plein jour. Traditions continuées avec trop peu de variantes pour qu'un siècle les reproche à l'autre !

Le 6 octobre, murmure la même chronique, M. de Baresse, conseiller-clerc au parlement de Toulouse, recevait à dîner et, à souper Mlle Kéry, rue Sainte-Anne, à l'hôtel de Suède, et lui donnait une robe superbe. La place exacte de cet hôtel, nous l'ignorons ; mais l'hôtel garni d'Orléans occupait, sous Louis XVI, le n° 73, et l'hôtel garni de Fleury ; le n° 27 ou 29 dans le dernier de ces immeubles étaient logés un certain nombre de conventionnels quand la rue s'appelait Helvétius. Or une dame Fleury avait tenu hôtel, vers le milieu du siècle, dans la rue des Boucheries-Saint-Honoré, maintenant Jeannisson (l'ouverture de la place du Théâtre-Français a fait disparaître la rue Jeannisson), et très probablement son fils était venu s'établir rue Sainte-Anne. Un hôtel de Danemarck et des Etats Généraux fut transféré, en 1828, du n° 27 au n° 36 n'était-ce pas le même établissement ?

Helvétius, fils du médecin de la reine, fut fermier général à 23 ans ; dès lors il pouvait disposer de 100, 000 écus tous les ans le plaisir lui était facile ! Mais la bienfaisance préleva une dîme sur ses revenus, la culture des lettres sur son temps. Après des essais poétiques, il écrivit son livre De d'Esprit, où, il réduisait toutes les facultés humaines à la sensibilité physique le parlement de Paris, la Sorbonne et le Saint-Siège, condamnèrent en même temps l'ouvrage, qui fut brûlé par la main du bourreau. Mlle de Ligneville, femme du financier philosophe, faisait princièrement les honneurs de son hôtel, rue Sainte-Anne, 18. Depuis vingt ans en avait hérité la marquise de Meun, une des filles d'Helvétius, et elle y avait eu pour, locataire Duchesnay des Près, trésorier du sceau de France ; lorsque le nom du philosophe, en1792, fut donné à la rue, au lieu de celui qu'elle devait à Anne d'Autriche, femme de Louis XIII. Dudit hôtel a dû dépendre le 22 ; bien que M. de Guerry en fit propriétaire avant la Révolution l'économiste Dupont de Nemours, encore plus connu comme homme politique et comme royaliste, y demeurait sous le Directoire.

N° 14 et 16 ancien hôtel d'Estaing, décoré par le sculpteur Sarazin, où résida Boulogne l'aîné, peintre d'histoire, et puis M. Guyet (1707). Qui plus est, Bossuet y rendit le dernier soupir le 12 avril 1704, chez un de ses neveux, qui l'avait reçu malade le corps de l'illustre défunt fut promptement transféré à Saint-Roch et de là à Meaux. Le comte d'Estaing fit, comme vice-amiral, la campagne d'Amérique ; mais déjà son hôtel se trouvait divisé en 1783 : Mme de Gramont avait le coin de la rue du Clos-Georgeau ; Mme Le Ménestrel, la propriété contiguë.

Vers le n° 12 il y avait, en ce temps-là, le bureau du Journal encyclopédique de Bouillon, chez M. Lutton. N° 1 hôtel de Ximénès. Le marquis de ce nom, ancien guidon de gendarmerie, faisait des tragédies et d'autres vers. Les deux coins Villedo au sieur Tarade. En face le marquis de Cursay, contigu au baron d'Holbach, lequel y eut pour locataires MM. Dey de Saint-Achille, banquiers des gardes-suisses, du procureur du roi et du prévôt général de la maréchaussée. N° 34 M. Laporte de Sérincourt. N° 47 ex-habitation de Grétry, comme nous l'avons vu rue Neuve-des-Petits-Champs. Là finissait la rue Sainte-Anne, sur le plan de 1714, qui y sous-entendait 40 maisons et 11 lanternes. Celui de 1652 n'avait montré que des cultures entre les rues Villedo et du Clos-Georgeau. La rue n'allait même, sous Louis XIII, que du carrefour des Quatre-Chemins à des moulins, qui barraient le passage, et l'entrée en avait été, de 1528 à 1609, celle du marché aux Pourceaux. Aussi retrouvons-nous, au 8, un escalier en chêne d'avant la Fronde.

Les 20 autres maisons et les 9 autres lanternes, qui étaient reconnues en 1714 à la rue de Lionne (car ainsi s'est appelé le reste de la rue Sainte-Aime) n'ont pas toujours fait bande à part. Du temps même de M. de Lionne, ce ministre dont l'hôtel avait ses deux entrées rue Neuve-des-Petits-Champs et rue Neuve-Saint-Augustin, on ne disait pas : rue de Lionne, sans y ajouter : ou Sainte-Anne.

Cette portion de notre rue, en 1783, était bordée par les propriétés de MM. Martin, de Laprade, Cheuré, de Villequier, Dulin (2 maisons), Colbert-Chabanais de Saint-Pouange, de Coislin (ci-devant hôtel de Jars) et de Louvois (4 maisons), du côté des numéros pairs.

De l'autre côté, en commençant de même par la rue Neuve-des-Petits-Champs, les propriétaires se présentaient comme il va suivre : Mme Thévenin (2 maisons), M. de Ricard, M. de Meaupou (3 maisons), Mme Chevalier (2 maisons), les nouvelles-catholiques ; M. de Louvois (2 maisons), M Pajot (3 maisons), M. de Belleforière, M. Fontaine, M Rolland.

Quelques années après, on eût trouvé à la place de Mme Chevalier, n° 57, des MM. de Lévis, et, dans les deux maisons de M. de Louvois, 63, 65, le marquis de Girardin, seigneur d'Ermenonville. L'hôte suprême de Jean-Jacques Rousseau était colonel de dragons ; quoique favorable aux réformes, il fut dénoncé en 1793 ; mais il put échapper à ses ennemis et passer dans une retraite libre les trois derniers lustres de sa vie.

Le passage Sainte-Anne s'est fait jour à travers le ci-devant établissement des nouvelles-catholiques, fondé en l'année 1634 par le père, Hyacinthe, franciscain, dans la rue des Fossoyeurs (Servandoni), placé ensuite rue Pavée-au-Marais, puis rue Sainte-Anne. La duchesse de Verneuil, au nom d'Anne d'Autriche, le roi, les Créqui et Turenne, ce grand capitaine, qui avait adjuré lui-même le protestantisme, tels étaient les patrons, les prôneurs zélés de l'œuvre qui réunissait et soutenait des protestantes converties. L'édifice carré des nouvelles-catholiques touchait par-derrière au jardin de M. de Lionne, dont l'hôtel fut plus tard à M. de Pontchartrain. Leur chapelle se trouvait au n ° 61.

Cette rue de Lionne a eu aussi pour habitant un sous-fermier, que le système de Law enrichit, tant il eut d'actions de première main ! C'était M. Fillion de Villemur, qui devint à la fois fermier-général, secrétaire du roi et receveur de la généralité de Paris, sans pour cela se montrer moins poli qu'avant de s'être tiré des petits emplois. Rara avis !

La rue Sainte-Anne proprement dite avait, au même temps son financier, pour attendre Helvétiu. Il s'appelait Duché, il était fermier général, et les jaloux ne lui reprochaient, que d'aimer le beau sexe un peu trop jeune défaut que le roi David avait eu !



 

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