Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE SÈVRES
VIe, VIIe, XVe arrondissements de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1861, avant l3 translation des Petits-Ménages à Issy. Cet hospice est remplacé rue de Sèvres etrue de la Chaise par-unsquare, parle prolongement de la rue de Babylone, par, l'amorce de la rue Chomel et-par la nouvelle rue Velpeau. La rue des Saints-Pères également a été continuée jusqu'à notre rue de Sèvres, qui, d'ailleurs, au lieu de s'annexer une autre nie en conséquence du dernier agrandissement de Paris, a pris le nom de Lecourbe à partir du boulevard. Monuments classés : au n° 42 : Hôpital Laënnec (classement limité à certaines parties). Institut national des jeunes aveugles : façades et toitures ; décor intérieur de la chapelle. Au n° 96 : chapelle de la congrégation de la Mission (lazaristes).
Historique : au XIIIe siècle, elle était appelée chemin de la Maladerie ou de la Maladrerie ; plus tard voie de Sèvres (censier de 1355), grand chemin de Sèvres, chemin de Meudon, chemin puis rue des Charbonniers, chemin puis rue du Boullouer (1568 à 1658), rue des Petites Maisons (1624) et rue de l'hôpital des Petites Maisons. La partie avoisinant l'hôpital des Petites Maisons (aujourd'hui square Boucicaut) était dénommée rue du Boullouer, rue du Boullaier, du Boulloy, du Bouloir Saint-Germain, des Petites Maisons et de l'hôpital des Petites Maisons (1641). Origine du nom : voie se dirigeant vers Sèvres.

Tableau des principales maisons de la rue de Sèvres, en 1787, avec rappel de l'ordre numérique suivi à cette époque :

La rue de Sèvres s'appela d'abord de la Maladrerie, puis des Petites-Maisons, à cause d'un hôpital affecté aux lépreux, supprimé sous François Ier et à la place duquel on construisit les Petites-Maisons. Des mendiants, des gens de mauvaises mœurs et des fous y furent enfermés ; néanmoins l'établissement se divisa, en demeurant surtout un hôpital. C'est l'asile des Petits, Ménages depuis l'année 1801.

L'hospice des Incurables avait pour fondateur le cardinal de La Rochefoucauld, en 1634. On y recevait les deux sexes, bien que les infirmités de l'un différent souvent des infirmités de l'autre. N'est-ce pas qu'on eût trouvé cruel de les séparer tout à fait ? L'incurabilité, inexorable clause fondamentalement imposée, condition à remplir avant toute admission, autorisait sans doute une consolation et une distraction prévues, dans ce rapprochement suprême, qui pouvait paraître d'humanité mieux entendue qu'une séparation absolue. Tous les lits de l'hospice de la rue de Sèvres sont absorbés aujourd'hui par les femmes ; les hommes sont relégués rue Popincourt, après l'avoir été aux Récollets.

Dans le cours du règne de Louis XV, le marquis de Lassay eut, près des Incurables, une maison entourée d'un jardin, et M. de Gaignières, vis-à-vis du même hôpital, un hôtel à fronton. Entre lesdits Incurables et la barrière, en regard de la rue Saint-Placide, se hérissait de croix l'un des cimetières de Saint-Sulpice.

L'Abbaye-aux-Bois, fondée en 1207 dans le diocèse de Noyon, s'établit à Paris sous les auspices de Charlotte de Bavière, veuve du duc d'Orléans et mère du régent. Cette abbaye royale, de l'ordre de Cîteaux, avait porté le titre des-Dix-Vertus au XVIIe siècle. L'abbesse en était d’ordinaire une grande dame, et dans le dernier siècle elle s'appela de Harlay, Richelieu, Chabrillan, Mézières. Pour chaque demoiselle dont l'éducation était confiée à ce couvent, sa famille payait par année 600 livres. Mais il y avait dès lors dans cette maison religieuse des appartements affermés à des dames, telles que de Poissy, Mme de Mérode, Mme de Vintimille, Mme de Ravignan.

Des veuves et des demoiselles d'un âge rassurant y prennent pareillement leurs invalides, en notre siècle, chez des chanoinesses de Saint-Augustin, congrégation de Notre-Dame, qui tiennent aussi un pensionnat nombreux et une classe gratuite, d'externes.

Mme Récamier y a passé dans une retraite peu rigoureuse le dernier quartier, d'une vie qui lui avait donné l'éclat de la jeunesse, de la beauté, et d'un grand train de maison à l'époque du Directoire. Son parloir était un salon ouvert de midi à minuit et le cours des réputations n'y était jamais stationnaire ; les élections académiques n'avaient pour ainsi dire, plus d'autre foyer. Quelle audace il fallait à un candidat, pour ne pas faire à l'Abbaye-aux-Bois la première de ses visites et pour ne pas s'en tenir là s'il avait été reçu froidement ! Jusqu'à sa dernière heure, qui a sonné en 1819, M1le Récamier a prouvé que l'attrait de l'esprit d'une femme et le charme de sa société n'ont pas d'âge.

Les prémontrés réformés, dits du Saint-Sacrement entraient principalement, chez eux par la rue du Cherche-Midi. On reconnaît toutefois leur ancien édifice conventuel dans l'aile droite du n° 11 de la rue Sèvres. Ces religieux ne durent pas tout aux libéralités d'Anne d'Autriche ; ils s'agrandirent successivement au moyen d'acquisitions et 'ils donnèrent en location des maisons qu'ils avaient fait Bâtir eux-mêmes sur une rue ou sur l'autre. Mallet, tailleur d'habits, vendit le 2 juillet 1748 auxdits chanoines réguliers de l'ordre des prémontrés et de la maison du Saint-Sacrement, sise rue de Sevrés, un bâtiment et un petit jardin contigus dans ladite rue à leur couvent, et que femme Mallet tenait de La Violette, marchand de cidre, son père.

La suppression générale des congrégations religieuses atteignit, comme de juste, les hospitalières de Saint-Thomas-de-Villeneuve ; on assure néanmoins qu'au fort de la Révolution nombre de malades étaient soignés encore par ces soeurs, qui n'avaient perdu que l'habit et les revenus de leur maison. Toujours est-il que nous les retrouvons dans la propriété qu'elles ont acquise en l'année 1700 de Mme Jeanne de Sauvaget, dame de Villeneuve. Le père, Proust les avait réunies en Bretagne et introduites dans la grande ville ; à sa mort, elles avaient élu pour supérieur le curé de Saint-Sulpice. La métropole de l'institut des sœurs de Saint-Thomasde-Villeneuve a toujours été rue de Sèvres ; elles y pansaient tous les jours, à dix heures du matin, les plaies des indigents, et elles y servaient à dîner à ceux qu'elles avaient saignés. Œuvre de charité poursuivie depuis lors avec un zèle toujours nouveau !

Quant aux hôtels donnés pour voisins à cette maison religieuse par un livre d'adresses de1787, ils portent tous un siècle et des étages de plus, qui ne les défigurent pas trop. En face des Petites-Maisons, une propriété peu importante avait été achetée en 1676 par, Leroy, chirurgien du roi et chirurgien major de ses armées, qui habitait déjà une maison attenante ; une autre à trois corps de logis, avec jardin, avec chantier, avait été vendue par Chauveau, avocat, à Christophe André, secrétaire du roi, en 1692-La compagnie de Jésus occupe depuis l'année 1823 l'ancien hôtel de l'Aubespine, qui fait partie au même pâté de maisons.

A l'année 1666 on a fait remonter l'arrivée dans la rue Saint-Maur (à présent rue des Missions) des dames de Saint-Maur, qui forment des élèves et des institutrices. C'est en effet, pour s'agrandir qu'elles ont acquis, de notre temps, rue Saint-Maur l'hôtel Jumilhac, et rue de Sèvres, 83, un hôtel de Prunelay, qui a dû porter d'autres noms. Cependant Vallin de l'Orberie, fils et héritier de Vallin, secrétaire du roi, a vendu, le 22, juin 1747, à Mlle Catherine de Bosredon, pour la fondation faite par elle des écoles charitables sous le titre d'Hospice ou Noviciat des jeunes filles qui se destinent à l'instruction des jeunes filles pauvres et au soulagement des malades, la maison à l'enseigne de la Fleur-de-Lys-d'Or, située rue de Sèvres, tenant au sieur Dutron et à ladite demoiselle de Bosredon. Ces dames, au surplus, avaient été établies à Saint-Maur, avant de former la maison dont la rue a reçu le nom par ricochet.

Au n° 95, ancien hôtel du duc de Lorges, une pension a été remplacée en 1816 par la congrégation des prêtres de la Mission, dits lazaristes, qui avait été supprimée par la Révolution au séminaire de Saint-Firmin, rue Saint-Victor. Une procession à laquelle assistaient dix-sept évêques, tout le clergé de Paris et, pour ainsi dire, du diocèse, les frères des écoles chrétiennes, les sœurs de la Charité et les enfants-trouvés, eut lieu le 29 avril, 1830, pour la translation des reliques de saint Vincent-de-Paul dans la chapelle des lazaristes. C'est la plus belle solennité religieuse dont les rues de Paris aient été le théâtre depuis les grandes processions de la châsse de sainte Geneviève.

Sur ce informons-nous de ce qu'est devenu un hôtel de Choiseul, qui a marqué dans la rue de Sèvres, sous Louis XV, et dont un sieur Gobier avait eu les prémices. Le plus grand ministre de ce règne, n'a pas attendu le suivant pour se contenter d'une résidence plus modeste que les hôtels dont sa famille, et lui disposèrent, près du boulevard qui devint bientôt celui des Italiens. La rue de Sèvres, par bonheur, était sur le chemin de Versailles. D'après une tradition, le roi lui-même y aurait donné une maison à Mme de Grammont, sœur du duc de Choiseul. Un voisinage inquiétant n'en donnait pas moins à craindre une disgrâce autrement éclatante que l'exil de Chanteloup. Féron, salpétrier du roi, s'était rendu adjudicataire en 1752 d'une maison déjà occupée par Laval, autre salpétrier, et sise rue de Sèvres, près de l'hôtel Choiseul.

A une telle proximité d'un magasin à poudre, tout le monde a peur de sauter, et surtout un premier ministre ! Ne nous étonnons plus que les Choiseul aient pris en grippe cette habitation, et qu'on ait condamné la porte qui ouvrait sur la rue de Sèvres. Mesure de précaution qui a tourné au profit de la rue Saint-Romain, puisque cette rue y gagne l’immeuble répondant au n° 4 ! Aussi bien quelque Saint-Simon y résida du vivant même de M. de Choiseul, puis Mme de Kérouanne, ou de Querhoënt, à la fin de l'ancien régime, puis Mme Adanson, veuve du naturaliste, dans les commencements de la Restauration.

Au milieu de l'avant-dernier siècle il y avait eu entre cette rue Saint-Romain et celle Saint-Maur, mais plus près de la première, une caserne de gardes-françaises.

Lebureau, dit de Sèvres, pour la perception des droits d'entrée etc., vient, sur la carte de Paris en 1714, un peu avant la rue de la Barouillère. On lit après cette rue, sur le plan de 1739 : Combat des Animaux. Ce spectacle donnait les jours où les théâtres ordinaires faisaient relâche, notamment pendant la semaine sainte. Des affiches annonçaient d'avance qu'on verrait des animaux domestiques et sauvages se battre les uns contre les autres ou contre des dogues. Dans l'arène, les jours de grande fête il était tué non seulement des taureaux, mais encore des lions, des tigres, des loups ou des ours. Le spectacle finissait par le divertissement du Peccata, mettant les chiens aux prises avec un âne et par un hourvari, apothéose canine, quelquefois couronnée par un feu d'artifice. Le cirque de la rue de Sèvres sauta vers 1778 par-dessus tout Paris, pour exploiter, près de l'hôpital Saint-Louis, la barrière qui lui dut d'être celle du Combat.

Les cris des bêtes féroces donnaient d'étranges aubades au prince de Rohan-Guéménée dans sa petite-maison de la barrière de Sèvres. Cet accompagnement ne manquait jamais à ses soupers de filles, où la profusion et la licence rappelaient aussi les mœurs des Romains de la décadence. Les incessantes prodigalités de ce Rohan ne le poussèrent-elles pas jusqu'à la plus scandaleuse des faillites ? Plusieurs asiles de ce genre lui étaient ménagés à la fois, dans les quartiers excentriques. Réduit à faire si souvent les mêmes folies, il changeait, du moins de complices et de lieu de rendez vous pour s'y tromper lui-même, sous prétexte de dépister l'indiscrétion ! A ce bout de Paris il prenait sans doute ses ébats , dans l'hôtel qui fut ensuite au duc de Lorgés et que l'intervertissement des numéros, fit descendre du 174 au 94 entre les années 1787 et 1813.

L'orphelinat militaire qui entretenait aux frais du chevalier Paillet l50 enfants, et qui leur donnait, un état, avait pour siège un angle de la rue Mayet ; moins que ce ne fût le couvent actuel des Oiseaux. La maison qui a dû un si joli surnom à une volière en vue du boulevard, ou bien à une volée d'oiseaux peints à l'intérieur d'une salle, appartenait au célèbre sculpteur Pigalle. Elle s'est convertie en ambulance pour recevoir des blessés français et étrangers en 1814 15. Des chanoinesses de la congrégation de Notre-Dame en ont pris possession trois ou quatre ans plus tard. Tout le secret de la réputation du pensionnat à la tête duquel sont ces dames, consiste à inspirer longtemps d'avance à chaque élève un sérieux désir d'y amener sa fille.

Entre le chemin de Sèvres et le chemin de Vaugirard, le clos Galland avait mesuré ses 10 arpents et comporté une maison à deux ouvertures. Cette propriété avait appartenu à Auguste de Galland, membre des conseils d'État et privé, puis à sa veuve, Marie Delorme ; Simon Hénot s'en était rendu adjudicataire en 1657 ; ensuite étaient venus les Thomas, puis l'avocat Lejeune de Franqueville. On avait tracé, de la rue de Sèvres à celle de Vaugirard, le boulevard du Midi sur l'ancien clos Galland le boulevard du Mont-Parnasse et celui des Invalides sont deux tronçons du boulevard du Midi.

Portion du même terrain fut occupée d'abord par la communauté des Gentilshommes, maison d'éducation pour les filles de la noblesse pauvre. On y donnait aussi du travail et des vivres aux femmes indigentes de la classe ouvrière. Cette institution fit place, en 1735, à l'établissement hospitalier des filles de l'Enfant-Jésus, créé par le curé de Saint-Sulpice et mis sous la conduite des dames de Saint-Thomas-de-Villeneuv. C'était à la fois un asile et un hospice ; on n'y reçoit plus que des enfants malades depuis 1802.

Mme Brissonnet, veuve de Letonnellier, membre du grand-conseil, avait doté une communauté naissante de 3 arpents 4/2 de territoire au lieu dite le jardin Olivet, ce qui pouvait bien avoir été le premier nom du clos Galland. La supérieure de ladite maison céda la placé aux bénédictines de Notre-Dame-de-Liesse, antérieurement rue du Vieux-Colombier. Louis XVI, Mme de Necker et le curé de Saint-Sulpice substituèrent à ce couvent l'hospice des paroisses Saint-Sulpice et du Gros-Caillou desservi par des religieuses. L’une d'elles administrait, au nom de la femme du ministre, qui avait pris les lieux a bail : le roi y payait une rente de 42, 000 francs, pour 120 lits.

La République fit de cet établissement l'hospice de l'Ouest ; mais elle ne retira pas à la première sœur, femme très entendue, la confiance qu'elle méritait. Un prêtre constitutionnel venait dire une messe, à laquelle n'assistait plus la religieuse, qui continuait seulement à tenir propres et à remplir les burettes de l'autel. Un jour que le citoyen prêtre avait, éprouvé un malaise, après avoir vidé le calice destiné à la consécration du vin, on le soupçonna un peu vite de n'avoir pas officié à jeun ; il s'en vengea en accusant la sœur d'avoir voulu l'empoisonner. Le comité du Bonnet-Rouge, section de la ci-devant Croix-Rouge, fit arrêter immédiatement l'hospitalière et saisir les burettes. Le reste du contenu, soumis à l'analyse de Boudet, père, pharmacien, fut reconnu de l'absinthe pure. On ne faisait encore usage qu'en médecine de ce qu'en appelait le vin d'absinthe. Boudet déclara hautement que ce breuvage, bien loin d'être un poison, purifiait la masse du sang, tout en dégageant l'estomac ; il fit ainsi la réputation des qualités apéritives de cette liqueur, et la sœur reprit son service.

La rue Masseran, qui débouche vis-à-vis l'hospice des Enfants, est de création moderne et porte le nom d'une famille sarde. Le prince Masseran y est mort dans un hôtel édifié sous l'Empire et que des Rohan ont aussi habité. N'y devons-nous pas voir, en mettant d'accord une certitude historique avec les on-dit du quartier, la maison de campagne du duc de Cellamare, chef d'une conjuration contre le régent ? Il est vrai que le 90, rue de Sèvres, n'a fait qu'un par le territoire avec l'hôtel et la rue Masseran, et qu'une maison ancienne y survit à une autre. L'abbé Rollin, maître de pension, n'est certainement venu qu'après l'ambassadeur d'Espagne. Les dames de la Visitation, maintenant rue de Vaugirard, ont occupé l'ancienne pension Rollin, avant les sœurs de la Croix-de-Saint-André.

L'extrémité actuelle de la rue de Sèvres, à partir des boulevards des Invalides et du Mont-Parnasse, se divisait en 1768 de cette manière :



 

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