Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE VAUGIRARD
VIe, XVe arrondissements de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1861. La nouvelle rue de Médicis, le prolorigement des rues de Rennes, Saint-Placide et des Missions, naguère Saint-Maur, et un tronçon isolé du nouveau boulevard d'Enfer ont fait perdre ultérieurement à la rue de Vaugirard bon nombre d'immeubles. Mais l'adjonction de là Grande-rue-de-Vaugirard, depuis l'ancienne barrière jusqu'aux fortifications, lui en a rapporté bien davantage Commençant : boulevard Saint-michel, 44. Finissant : boulevards Lefebvre, 1, et Victor, 73. Monuments classés : au n° 17 : palais du Luxembourg et sa chapelle. Au n° 70 : église de l'ancien couvent des Carmes avec ses chapelles et l'oratoire dit du Chancelier. Historique : précédemment grande rue de Vaugirard (autrefois RN n° 189), entre les boulevards Pasteur et Lefebvre, et rue de Vaugirard, entre la rue Monsieur Le Prince et le boulevard de Vaugirard (actuellement boulevard Pasteur). La rue de Vaugirard est désignée dans des actes anciens sous les noms de : rue de Vaulgirard (1523), chemin des Carrières de Vaugirard (1529), chemin de Bel Ayr (1547), rue de Bel Air (1559), rue des Vaches (1543 et 1627), rue de la Verrerie (commencement du XVIIe siècle), rue de Luxembourg ou rue de Vaugirard (1659). La partie comprise entre les rues de Condé et Cassette est appelée, dans des documents des XIVe, XVe et XVIe siècles, chemin ou voie des Ruelles et, en 1355, voie du Valgirard. Entre la rue Monsieur Le Prince et la rue des Fourneaux (rue Falguière), chemin de Vaugirard. En 1965, on a donné le nom de place Paul Claudel au carrefour formé par les rues Rotrou, Corneille et de Médicis. Origine du nom : ancienne voie romaine qui a pris le nom du village auquel elle conduisait.

L'Opéra. – L'Académie à Cheval. – L'Odéon. – Le Grand et le Petit-Luxembourg. – Le Pareaux-Cerfs du Citoyen Marino. – Les Dames du Calvaire. – Les Hôtels de Beaufort, de la Trémoille, d'Elbeuf, de Guistel, de Baulfremont, de Périgny, de Jaucourt ou de Soyecourt et Foucault. – Le Mariage du Critique. – Les Filles du Précieux-Sang. – Les Carmes. – Les Filles de Sainte-Thécle. – Les Fleurs du Mis de Gouvernet. – Les Religieuses de Notre-Dame-des-Prés. – La Pension de Madame. – Les Hôtels de Santé.

La maison où est morte Lekainet l'hôtel de Bussy viennent de disparaître de fond en comble ; le procès n'a pas été long que leur a fait le saint-office de l'alignement à tout prix. Ton tour viendra, pauvre n° 9, qu'on a connu hôtel de Larochefoucauld-Bayers et dont une imprimerie démocratise en vain l'aristocratie de naissance. Le temps n'est plus où toute maison honnête espérait mourir, seule et de sa belle mort la paix en rase plus souvent que la guerre et fait de plus larges trouées ! La poussière des décombres, qui t'enveloppe et te ronge, comme ne l'a jamais fait le temps, monte et remontera jusqu'à ce que tu mordes la poussière à ton tour.

Une salle de spectacle, construite en cet endroit pour l'Opéra sur le jeu de paume du Bel-Air, ouvrit le 13 novembre1672 par la représentation des Fêtes de l'Amour et de Bacchus, pastorale de Quinault ; mais ce n'était qu'une salle provisoire. Lulli obtint, l'année suivante, l'autorisation d'établir l'Académie royale de musique, dont il avait le privilège, dans le théâtre que la mort de Molière venait de rendre vacant au Palais-Royal L'Opéra de la rue de Vaugirard se convertit en une académie d'équitation, dont l'imprimerie occupe justement le corps de logis, principal. M. de la Guérinière et un écuyer du roi avaient la direction de cette institution royale, à l'usage des fils de famille, dont les principaux maîtres en 1720 étaient pour les mathématiques, M. de Grimarets ; pour les armes, M. Pilliard ; pour la danse, M. Lecointre ; pour l'exercice militaire, M. Poitiers, sergent d'affaires de la compagnie du chevalier d'Orsay, capitaine aux gardes-françaises. Il y avait alors à Paris deux autres académies du même genre, sous la protection du roi et sous les ordres, du prince Charles de Charolais, grand écuyer de France. La Guérinière et d'Abzac, sous Louis XV, étaient les princes du manège, les modèles de l'aisance et de la bonne tenue qui font le cavalier accompli.

Le Théâtre-Français a inauguré presque en face, le 9 avril 1781, la salle de spectacle qui, sans changer de troupe, est devenue théâtre de la Nation, théâtre Egalité. A la suite des représentations d'une comédie de François de Neufchâteau, tous les acteurs, à l'exception de Molé, sont mis sous les verrous par ordre du comité de Salut public, en 1793. Quand le 9 thermidor les rend à la liberté, ils trouvent leur place prise par une troupe d'opéra-comique, avec laquelle leur association n'a pas longue durée. Le conseil des Cinq Cent s'assemble ensuite, puis une commission militaire, en ce théâtre, qui reste inoccupé avant de rouvrir en 1798 sous la direction de Dorfeuille. Son nouveau titre d'Odéon est d'abord justifié par la représentation d'opéras et de pièces mêlées de chants ; mais la comédie avant peu reprend le dessus. Incendié le 18 mars 1799 ; l'Odéon ne ressuscite que neuf années après, en qualité de théâtre de l'Impératrice, et c'est alors que Picard y préside à des alternatives de comédie et d'opéra-buffa. La rentrée des Bourbons en fait le théâtre royal de l'Odéon ; mais les pièces qui s'y donnent sont encore toutes du crû. L'ancien répertoire du Théâtre-Français ne devient commun à l'Odéon, érigé en second Théâtre-Français, qu'à la réouverture du 30 septembre 1819, après un nouvel incendie. Puis la direction Éric-Bernard monte des opéras traduits, tels que Robin-des-Bois, et plus d'un succès en résulte. Mais aussi que de déceptions !

La grande scène du fatibourg Saint-Germain a essayé plusieurs fois d'être lyrique ; la troupe des Italiens s'y réfugiait en 1838, chassée de la salle Favart par l'incendie, et jamais de plus grands talents n'ont été réunis ailleurs. Malgré cela, l'honneur de l'Odéon est, avant tout, d'avoir bien mérité de la littérature et de s'être prêté, plus souvent que tout autre théâtre ; depuis le Mariage de Figaro, aux tentatives qui veulent de l'audace. Les directeurs Harel, d'Épagny, Lireux ; Bocage, Altaroche et Alphonse Royer nes'y, sont pas plus enrichis qué M. de Larounat ; le Théâtre.Françaislui même n'a pas fait de meilleures'affaires lorsqu'il a êssayé de prendre peur annexé l'Odéon, entre deux clôtures imposées par l'insuffisance des recettes. Le public s'y montre moins facile à attirer, à contenter qu'ailleurs ; c'est, en revanche, le théâtre du mondeoù le succès a le plus de retentissement.

Paris n'en montre pas encore de plus beau Bordeaux seul est en possession d'un monument de ce genre qui l'emporte, et la construction en remonte à la même époque. D'autres salles, par exemple, contiennent en ce temps-ci un plus grand nombre de spectateurs, mais encore moins que les amphithéâtres romains. Quand le Théâtre-Français qui est devenu l'Odéon ouvrait ses portes au public, la salle se décomposait de cette manière :

L'édifice n'était pas entièrement isolé, il communiquait avec deux maisons au moyen de deux ponts jetés sur les rues latérales et sous lesquels on descendait de voiture à couvert. L'auteur de la Petite ville n'est assurément pas le seul directeur de ce théâtre qui, en demeurant à côté, n'ait pas même eu besoin de traverser la rue pour se rendre dans la salle ou sur la scène.

En l'une de ces deux rues, la rue Corneille, se jeta du cinquième étage sur le pavé le nommé Saucerotte le juillet 1796 ; un billet attaché à sa veste empêchait d'accuser personne de l'avoir jeté par la fenêtre. Cet homme passait pour le père de Mlle Raucourt, la tragédienne, et le fait est que, comédien de campagne, il était venu débuter à Paris sous le même nom qu'elle, avec beaucoup moins de succès mais, établi d'abord maître de poste, il avait fait faillite avant d'emmener l'une des quatre filles d'un pauvre chirurgien barbier, la petite Clairien, dite ensuite Saucerotte et Raucourt, dont le talent s'était révélé de bonne heure. Royaliste, elle avait subi un emprisonnement de six mois, puis elle s'était mise à la tête du théâtre Louvois, que le Directoire supprimait vers le temps où le désespoir mit fin aux jours de son prétendu père.

Le siège de ce gouvernement était précisément le Luxembourg, dont la République avait déjà fait, au nom de la Liberté, l'une de ses nombreuses maisons d'arrêt. Comme il avait fallu brûler des grains d'encens, pour chasser le mauvais air de geôle, à l'arrivée du délicat Barras et de trois de ses collègues, déjà le palais était reconnaissable.

La Révolution avait bien agrandi, le jardin et y avait tracé l'avenue de l'Observatoire ; mais à Monsieur, comte de Provence, étaient dues des allées dans le voisinage de la jolie maison que ce prince avait donnée à Ml1e de Balbi, sur le jardin et sur la rue de Madame. Avant lui, la reine douairière d'Espagne et la duchesse de Brunswick avaient été châtelaines au Luxembourg, et, avant elles deux, la duchesse de Berri. Quel mal ne dit-on pas de cette fille du régent ! Elle, épuisa, comme son père, la coupe du plaisir, mais si vite que quatre ans de mariage et cinq de viduité ne la menèrent pas au-delà de vingt-quatre ans de vie. Ce palais, qui avait fait retour à la Couronne pour que Louis XVI pût le donner à son frère, était antérieurement pour Louis XIV un présent de Mme Elisabeth d'Orléans du chesse de Guise et d'Alençon, sa belle-sœur. Quand Mademoiselle, duchesse de Montpensier, le tenait de son père, Gaston d'Orléans, c'était déjà un palais d'Orléans, au lieu du château royal de Luxembourg.

La construction en avait été faite et le jardin planté pour Marie de Médicis, à la place de l’hôtel du duc de Piney-Luxembourg, aux dépendances duquel on avait ajouté en achetant la ferme du pressoir de l'Hôtel-Dieu et le clos Vigneray, qui appartenait aux chartreux, ainsi qu'un terrain détaché des fermes d'Antoine Arnaud, seigneur d'Andilly. Des peintures de Rubens et de Philippe de Champagne distinguent encore la Chambre de la reine, et la fontaine de Médicis est un chef-d'œuvre de la même génération. Ajouter à ce qui précède que l'hôtel de Luxembourg s'est appelé de Neuf et que Robert de Harlay de Souey en disposait au milieu du XVIe siècle, n'est-ce pas reprendre en sous-oeuvre jusqu'à la première pierre du palais affecté au sénat ?

Mais le cardinal de Richelieu inaugura le Petit-Luxembourg, avant le Palais-Royal, et y fut remplacé par la duchesse d'Aiguillon, sa nièce. Un prince de Bourbon-Condé laissa plus tard cette résidence à sa veuve, la princesse palatine Anne de Bavière. Celle-ci fit bâtir en face, à l'angle de la rue Gararicière, un hôtel sur le plan de Bois-franc pour les officiers de sa maison. Outre de belles écuries, il s'y trouvait une cuisine comme on n'en avait pas encore vu, avec la cheminée au milieu, et le service de la table était fait par une galerie souterraine, qui reliait l'office au palais. Mlle de Clermont, princesse de Bourbon-Condé, Marie-Anne de Savoie et puis le comte de Mercy-d'Argenteau ambassadeur de Joseph II, qui succédèrent à la princesse palatine disposèrent pareillement de l'annexe du Petit-Luxembourg.

Ce fut en 1793 le repaire de Marino, directeur de l'immense prison du Luxembourg, ancien peintre sur porcelaine ; membre de la Commune, qui fit aussi la police des spectacles. Ce geôlier n'eut-il pas jusqu'à 3, 000 prisonniers, dans ce qu'il appelait lui-même son magasin guillotine ? Oh ! que c'était un temps propice pour imputer tous les crimes de la terre aux anciens habitants du palais ! Ne rougissait-on pas pour la fille du régent, des moindres fautes de sa courte vie ? Toutefois Marino raffinait sur les roueries de l'ancien régime, en ce que la surprise jouait un rôle nouveau dans ses expéditions galantes. Il faisait arrêter dans les théâtres ou dans la rue des femmes honnêtes, la plupart du temps petites bourgeoises ; quelquefois la mère et la fille, en les accusant de s'être livrées clandestinement à la prostitution, et et elles en avaient tant de honte que la promesse de les tirer d'affaire rendait rarement nécessaire de recourir à la violence.

Le 10 décembre 1797, le Directoire fêtait au palais du Luxembourg le traité de Campo-Formio, et le héros de cette fête changea deux ans après la forme du gouvernement. Le premier consul s'installait de prime abord+ au Petit-Luxembourg, et cela fut ensuite l'hôtel de Joseph. Bonaparte, roi d'Espagne et des Indes. Plus tard on y garda le maréchal Ney, traduit devant la cour des Pairs, qui succédaient aux sénateurs, et puis la déchéance de Charles X fit détenir, et juger de même ses derniers ministres. Néanmoins le Petit est de plus longue date la résidence d'un des grands dignitaires dus Luxembourg. L'encoignure de la rue Garancière a été donnée en location à des particuliers et n'a que, depuis peu repris son service d'annexe du palais.

Le comte de Provence, tout en embellissant le j'ardin public, avait aliéné le terrain où s'était ultérieurement percée la rue de Madame. La place y avaient perdue les promeneurs, n'a-t elle pas été regagnée et au-delà par la démolition successive des maisons qui se trouvaient devant ? L'une d'elles était l'ancien monastère des dames du Calvaire. Ces bénédictines, établies à Poitiers en 1617 par le père Joseph, confesseur du cardinal de Richelieu, par Mme Antoinette d'Orléans-Longueville et par Marie de Médicis, n'avaient pas tardé à s'implanter plus radicalement dans l'enceinte même du Luxembourg. La chapelle de ce couvent a survécu, et des peintures de maître s'y révèlent sous le badigeon extérieur ; elle a fait partie au Petit-Luxembourg d'une prison, élevée à la place d'un bâtiment monastique et destinée aux prévenus de crimes d'État mis en jugement devant les pairs.

Entre la rue Garncière et belle de Tournout une propriété était acquise en l'année 1705 par Cheuvry, capitaine ordinaire du duc d'Orléans. Possible que ce soit le n°34, Reflet de Beaufort sous Louis XVI.

En regard de l'entrée principale du jardin et au coin de la rue Molière (maintenant rue Rotrou), un autre immeuble se couronne de l'appartement qu'habitait Jules Janin au moment de son mariage. Un feuilleton des Débats en était la lettre de faire-part. Maison de verre que celle du sage !

Achat, en 1736, d'une maison au coin de la rue Férou par Jean-Noël Limojon de Saint-Didier les Archives nous en donnent le renseignement. D'anciens documents imprimés indiquent à cette hauteur de la rue de Vaugirard un amoureux pied-à-terre de Lauzun, où le maréchal de Richelieu donna aussi des rendez-vous à Mme Maupin et la combla de présents.

A cette extrémité de la rue Férou, l'origine commune des deux angles a été attestée par une arcade, mais la propriété s'est mise en deux avant la suppression du trait d'union qui semblait encore la faire une. On a dit la seconde moitié hôtel de la Trémoille dans le cours du XVIIIe siècle ; mais cela pouvait être à titre rétrospectif et s'appliquer de la sorte à la totalité. Là aussi, ou à deux pas, l'un des enfants de Mme de Montespan, légitimés de France par Louis XIV, a été mis en nourrice et surveillé par Mme de Maintenon il y en avait d'autres rue du Regard.

Entre la rue Férou et celle du Pot De Fer, aujourd'hui Bonaparte, est marqué sur le plan de 1714 l'hôtel d'Elbeuf, qui avait été Kerveneau ou Kérvessan, vendu en 1750 par Emmanuel-Maurice de Lorraine, duc d'Elbeuf, moyennant 86, 000 livres comptant et 7, 500 de rente, à Robillard, trésorier de troupes de la généralité de Rouen. Deux années plus tard, ce dernier cédait à Pierre-Charles de Villette, trésorier général de l'extraordinaire des guerres, qui, en se fixant rue de Beaune, a fait bail, près du Luxembourg à la famille de Rastignac. Le trésorier a laissé une grande fortune à son fils, le marquis de Villette, poète léger, qui fut grand ami de Voltaire, et dernièrement un arrêt a cassé le testament du petit-fils, dont la maison de ville, portant le n°56 en cette rue, vient d'être acquise par le séminaire Saint-Sulpice. M. Boulay de la Meurthe, vice-président de la République en 1849, habitait le 58 ancien hôtel Guistel.

Plusieurs maisons font suite qui ont appartenu aux filles du Précieux-Sang, bernardines établies primitivement rue du Pot-de-Fer, au coin de la rue Mézières, sous l'invocation de sainte Cécile. Pour désintéresser des créanciers, elles avaient abandonné leur couvent ; puis, après deux ans de fermeture, elles s'étaient réunies à loyer rue du Bac ; enfin les libéralités des architectes Gabriel et Hardouin-Mansart marquis de Laval et de Montault, de Pierre Sauger, de Mme de Bidiere et de la duchesse d'Aiguillon, la châtelaine du Petit-Luxembourg, avaient permis à ces religieuses d'acheter, rue de Vaugirard, les trois maisons des frères Bonigalle, en 1658, et de les faire restaurer. Leur ancien domaine est divisé par une rue percée en 1824.

L'église des Carmes dépendait d'un couvent fondé en 1631 par la reine mère Marie de Médicis, qui, les jours de grande fête s'y rendait, de son palais dans 1a chapelle de la Vierge. Les carmes déchaussés de la rue de Vaugirard, débitaient une eau de mélisse très salutaire, dont le secret n'a pas été perdu, s'il faut s'en rapporter à des prospectus et annonces qui se reproduisent incessamment. Ces religieux étaient, dans le milieu du dernier siècle, au nombre de 50, sans compter les novices, qui payaient 400 livres de pension annuelle et dont la dot, quand ils faisaient profession, n'avait rien que de volontaire. Les bénéfices réalisés sur l'eau de mélisse avaient permis de bâtir des hôtels, par spéculation, près du couvent. D'aucuns de croire, en conséquence, qu'on eût pu s'y passer de frères quêteurs et ne plus marcher pieds nus.

En 1791 on enferma dans l'ancien monastère des Carmes les prêtres qui refusaient de prêter le serment constitutionnel on y ajouta ensuite des laïques. Mme de Beauharnais était sortie de cette prison, par bonheur, peu de jours avant les massacres de Septembre, Maillard et sa bande y égorgèrent deux cents prêtres. La tache de ces horreurs n'étant ineffaçable que dans l'histoire, la comtesse de Soyecourt en est venue à bout sur les lieux mêmes ; elle y a ramené dès 1706 des carmélites, auxquelles succèdent des dominicains. D'autre part, l'ancien territoire conventuel, qui s'étendait jusqu'à la rue du Regard, a vu créer près de la rue d'Assas une institution déjà, célèbre, qui forme des élèves pour les écoles Polytechnique, Saint Cyr et Forestière, sous la direction de savants ecclésiastiques. Le supérieur et fondateur de l'école des Carmes vient d'être nommé évêque de Marseille.

Les filles de Sainte-Thécle, qui se contentèrent d'abord d'une maison appartenant aux carmes, dans notre rue succédèrent vers l'an 1700, à des filles de la Mort, établies par Mony, prêtre de Saint-Sulpice, au second coin de la rue Notre-Dame-des-Champs. Ces dames donnaient asile aux femmes de chambre sans place. Elles vendirent, au bout de vingt ans, leurs deux corps de logis et leur jardin à Languet de Gergy, curé de Saint-Sulpice, pour l'orphelinat de sa paroisse. A très peu de distance de cet établissement, le marquis de Gouvernet avait un beau jardin, présentant la réunion de toutes les variétés de fleurs, qu'on allait voir comme une merveille à une époque dont fit partie l'année 1742.

Un peu plus haut encore, mais plus tard, pension de Madame en d'autres termes maison l'éducation pour les demoiselles sous le patronage de Madame, comtesse de Provence. Des carmélites y ont été placées à une époque moins éloignée, avant de passer avenue de Saxe, et Mme de Soyecourt, carmélite elle-même, y a rétabli une chapelle. Aujourd'hui une société de patronage recueille dans cette maison, dirigée par des sœurs, les jeunes filles détenues, au moment de leur libération.

Du côté des numéros pairs, l'hôtel de Bauffremont ne venait pas beaucoup avant l'hôtel de Clermont-Périgny. Le fermier général Bouret de Vézelay avait eu celui-ci pour petite maison de faubourg. La légation américaine y siégeait en 1816 ; ce fut ensuite la pension Vincent, dont les élèves suivaient les cours du collège Saint-Louis, puis l'hôtel d'une autre ambassade et présentement une pension de demoiselles. A M. de Clermont-Périgny faisait face M. de Jaucourt ou de Soyécourt, dont l'hôtel n'est pas moins facile à reconnaître.

Au premier angle de la rue de Bagneux, la communauté des religieuses de Notre-Dame-des-Prés fut supprimée en 1741, n'ayant duré qu'un demi siècle. Un des cimetières de Saint-Sulpice occupait la seconde encoignure, et la terme de l'hospice des Incurables en était séparée alors par la barrière. La rue de Vaugirard prenait à cet endroit le nom de Grande-rue-de-Vaugirard.

On y qualifiait hospice de santé, quelques années avant la Révolution, le 150, présentement habité par des franciscains. Là Colombier, médecin, dont la spécialité est rappelée de nos jours par celle de Ricord, recevait les femmes atteintes de la lèpre des temps modernes, et les traitait, fussent-elles enceintes, ainsi que les enfants, fussent-ils nouveaux-nés, qu'affligeait héréditairement le même mal. Une autre maison, dite hôtel de santé, était située moins près de la précitée que d'un hôtel, Dubois de Lamotte, qui se rapprochait plus encore de l'hôtel Périgny.

Le conseiller d'État Foucault avait réuni, au commencement du XVIIe siècle, une belle bibliothèque, avec un cabinet de médailles et d'antiquités, dans son hôtel de campagne, au-delà des barrières de la rue de Vaugirard.

 


 

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