Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DU FAUBOURG-SAINT-ANTOINE
XIe, XIIe arrondissements de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1859. Depuis lors les rues Crozatier, de Cîteaux et Roubo, ainsi que le passage Tocanier, sont sortis des flancs de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, et l'agrandissement de Paris a reporté la barrière au-delà du rond-point, qui est devenu la place du Trône. Commençant : rue de la Roquette, 2 et rue de Charenton, 1. Finissant : place de la Nation, 1. Historique : c'est une des plus anciennes voies de Paris. Elle s'est appelée chaussée Saint-Antoine, entre la place de la Bastille et la rue de Montreuil, et rue du chemin de Vincennes dans le surplus.
Origine du nom : principale rue du faubourg dépendant de l'abbaye de Saint-Antoine.

Ce qu’elle était en 1726. – Les Hospices d'Enfants. – Les Révolutions. – L'Abbaye. – Les Brasseries. – Santerre. – Les Dames-Blanches. – Les Petites-Maisons. – La Maison de Santé. – Le Général Malet. – Mlle de la Vallière Titon. – La Forge royale.

La Borne-d'Or, au Singe-Vert, à la Boule-d'Or, au Griffon, etc., sont des enseignes de marchands de meubles, véritables armoiries du faubourg Saint-Antoine actuel les mêmes images ont sans doute commencés par se rapporter aux immeubles. N'y a-t-on pas effectivement changé de commerce plus souvent que d'insignes ? En 1726 l'industrie du faubourg avait plutôt la bière que les meubles pour objet on y aurait compté plus de brasseurs que d'ébénistes. Mais pas une spécialité ne s'y accusait, à vrai dire.

La haute maison qui se découpe en fer à cheval sur la rue de Charenton, appartenait alors à M, de Beaufort, ayant un rôtisseur pour locataire au rez-de-chaussée. Puis venait un charron, suivi de près par un maître de pension, accoté d'autre part à un brasseur. Pensionnat et brasserie plus d'une fois étaient porte à porte, dans cette grande rue de faubourg, à l'entrée de laquelle, du côté droit, la bordure demeurait la même depuis un siècle presque pas de maisons ne s'y élevaient aussi haut que leur chef de file, mais chacune d'elles se réservait encore ou son chantier ou son jardin. Les constructions du côté gauche couvraient depuis moins longtemps le vaste chantier qu'elles s'étaient partagé. Et un dernier élan fut si bien pris, sur les deux rives de la rue, qu'en l'année 1739, entre la Bastille et le rond-point où s'arrête encore le faubourg, il ne se pressait guère moins d'habitations qu'à présent. Beaucoup sont demeurées telles quelles.

La chaussée Saint-Antoine, comme on disait encore au temps où le grand Condé y fit des prodiges de valeur, qui rappellent malheureusement les guerres civiles de la Fronde ; la chaussée Saint-Antoine est de longue date un champ fertile en séditions. Depuis qu'aux séditieux il répugne à jamais de rentrer en grâce, comme Condé, ce sont des révolutionnaires. Les bras nus de nombreux artisans, qu'un privilège local affranchissait de l'obligation de la maîtrise, ont été les premiers à jeter bas la Bastille, qui leur portait ombrage à l'Est ; mais une autre vieille citadelle, qui empêchait qu'on regrettât la première, s'est armée au Couchant plus formidablement, là où Louis IX s'était borné à rendre la justice sous un chêne. Le faubourg Saint-Antoine n'en est pas moins juge à son tour ; les flatteries de plus d'un plaideur l'érigent, depuis 89, en cour de cassation des rois, bien qu'il condamne encore plus sévèrement, mais un peu plus tard, ses flatteurs. La révolution de Juillet, dont la colonne s'élève dans le vide, a percé à coups de canons les murs de la cour de Bourgogne, au n° 74 ; l'artillerie y a vengé la mort de trois officiers, tués plus bas.

Cette cour de Bourgogne avait été un hospice de la Providence, fondé pour les enfants par l'ecclésiastique Barberé ; le nom du patron de l'enfance, que ne cesse pas de porter la rue Saint-Nicolas, qui débouche tout près, vient de cette institution, bien qu'elle ne subsistât déjà plus à la fin du règne de Louis XV.

Sous la minorité du même roi, un maître de pension exerçait son empire entre la Providence et ladite rue. Un instituteur également occupait le second coin de la rue Traversière, où se retrouve en effet un arrière-corps de bâtiment ancien, dont le loyer était alors perçu par Hallé, membre du grand-conseil.

Plus anciennement encore, puisque c'était en l'an 1690, un décret frappait, à l'angle de la même rue, une grande maison dont le corps de logis formant encoignure s'était mis, en particulier, sous le patronage de saint Nicolas. En ce temps-là marquait dans l'autre rue, la grande, un traiteur à la double enseigne de la Boule-Blanche et du Jardinet.

Etienne d'Aligre, chancelier de France, créa en 1669 l'hospice des Enfants-Trouvés, aujourd'hui hôpital Eugénie, entre les rues Traversière et de Cotte. A cet établissement se rattachaient de fondation un certain nombre d'immeubles contigus ; qui ne doivent à la désagrégation aucun renouvellement de construction. L'emphytéose produit cet opiniâtre statu quo.

Quantité de numéros pairs de la rue du Faubourg-Saint-Antoine feront prochainement retour à l'administration de l'Assistance publique, et il n'en manque pas qui proviennent de l'abbaye royale de Saint-Antoine, convertie en grand hôpital par un décret conventionnel. La place du fossé qui avait entouré le monastère était déjà marquée sur le plan de Turgot, il y a six-vingts ans, par une sorte de guirlande immobilière dont il reste de tels festons. Le couvent de Saint-Antoine-des-Champs, fondé en l'année 1198 par Foulques de Neuilly et Pierre de Roussy, pour des pécheresses repenties, fut érigé bientôt en abbaye, richement doté à l'occasion de la naissance de saint Louis, puis renouvelé entièrement. L'abbesse, fût-elle du sang des rois, tenait par-dessus tout au titre de dame du faubourg Saint-Antoine, et 50 rues au XVIIe siècle, étaient plus ou moins de son fief.

Ces dames de l'abbaye recevaient des demoiselles, pour faire leur éducation, mais elles n'avaient de logement que pour un petit nombre, 21. Les jeunes pensionnaires n'en étaient-elles pas plus facilement soignées et surveillées ? Si vous demandiez de quel bois on les chauffait, nous répondrions qu'à l'entrée de chacune d'elles, au couvent, ses parents donnaient une voie de bois, outre le lit et le trousseau. La maison se chargeait de faire blanchir le gros linge ; mais le fin était l'objet d’un compte, qui ne rentrait pas dans le prix ordinaire de la pension, 400 livres.

Au n° 170 an marchand de vin sert à boire où veillait l'un des deux portiers du monastère. Autre comptoir d'étain, chargé de brocs et de verres, au n°186, ancienne église des religieuses. La décoration n'en était pas médiocre, et deux filles de Charles V y avaient leurs tombes.

En revanche, rien de moins claustral que l'origine du 156, qui ne s'en cache pas. Un grand cabaretier de l'ancien régime n'y a-t-il pas apposé sa griffe avec une durable élégance, en employant le fer pour encre, un beau balcon pour parchemin ? Lisez donc : A la Grappe, Degois. Nous ne croyons pas davantage que le190 appartînt à l'abbaye sous Louis, XIV : Lantonne y fabriquai et débitait de la bière. Cette maison, regorgeant de la crème de l'orge et du houblon, avait pris une Rose-Blanche pour emblème ; elle n'a cessé d'être une brasserie qu'il y a un an, lors d'une grande réparation.

A Bassy, maître de pension appartenaient en 1720 trois bâtiments, groupés un peu plus haut, à Panneau, directeur des Aides, une maison à trois portes, dont une sur la rue de Reuilly.

Sous l'invocation de l'Hortensia s'est placée une autre brasserie, qui elle-même suit de près la seconde encoignure de ladite rue. M. Caffin y a restitué un immeuble plusieurs fois séculaire à son ancienne destination, après un intervalle assez considérable, et il y a reçu Mgr. Sibour, lors de sa visité pastorale aux principaux centres d'industrie, dans le quartier au seuil duquel venait d'être frappé mortellement l'archevêque de Paris, son prédécesseur. Un brasseur s'était établi sous le même toit dès l'année 1620 ; l'un de ses successeurs s'appelait Noyelle, un siècle plus tard ; puis le fameux Santerre s'y installait, tout au commencement de la Révolution.

Notre notice sur la rue Censier, du quartier Mouffetard, rappelle qu'une autre brasserie Santerre servit de berceau à cet agitateur, qui de la sorte embrassait à la fois les deux faubourgs les plus populeux de Paris doublé cratère où la lave bouillonnait du même volcan révolutionnaire ! Mais Alexandre, commandant du bataillon des Gobelins, était sur la rive gauche plus influent que Santerre ; ils se réunirent sur la rive droite le matin du 20 juin 1792, et la grande journée qu'ils avaient concertée avec le boucher Legendre, l'abbé de Lareynie, le libraire Poinsot et d'autres, commença faubourg Saint-Antoine. Là aussi venait Philippe-Egalité ; la pièce où eurent lieu les entrevues, du prince, et du brasseur est le salon de M. Caffin. Une estampille en marbre noir est encore incrustée dans un bâtiment de la cour, avec ces mots en lettres d'or : Santerre, marchand brasseur. Inscription qui a survécu à la translation de la brasserie, faite par Santerre fils, rue Notre-Dane-des-Champs, dans un ci-devant hôtel Montmorency !

N° 220. Une communauté religieuse, dont les membres étaient voués au blanc, en jouissait au siècle dernier, ainsi que d'une propriété adjacente. Les chanoinesses de Notre-Dame-de-la-Victoire, établies rue Picpus, eurent-elles aussi cette maison dans la grande rue du Faubourg, trop près pour une succursale, mais déjà loin pour un pavillon ? La chapelle en était dite du Répit et dédiée à saint Hubert.

Ordinairement les chanoines ne s'astreignent pas plus à la vie collective qu'à la clôture ; elles se groupent, de préférence, autour des mêmes chapelles, en diverses maisons qui, tout en sentant le cloître, gardent sur le monde des portes entre ouvertes. Un peu de mystère, il est vrai, va si bien à tout ce qui regarde leur sexe que les femmes qui ont le moins de vocation religieuse prennent encore le voile pour s'en aller au bain, comme à la messe, pour se marier surtout. L'incognito n'est-il pas d'uniforme pour celles-là qui entrent en religion ? S'il restait une supérieure ou la moindre nonne, au Répit, quel honnête homme pousserait l'indiscrétion jusqu à demander et son âge et son nom ? On se contenterait de fredonner en passant :

Prenez garde ! prenez garde !
La dame Blanche vous regarde !

Mais comment ne pas s'arrêter devant un charmant profil, attribué à la fondatrice de ce pieux refuge, quand on a mis les pieds dans le parloir, transformé sans vergogne en une loge de portier, où, le relief de cette jolie figure sort d'un trumeau ? Ah ! ce n'est, pas, la frayeur que cette dame blanche inspire. La piété ? Moins encore. Le chaste baiser du parloir bien qu'il ne soit jamais monté si haut, a parfois dû se dénaturer et laisser une empreinte étrange, sous l'influence de cette apparition donnant des distractions au frère qui disait adieu à sa soeur. Que si les traits de Mlle Fréard de Chantelou s'y reproduisent la place de ce gracieux portrait était chez les filles de la Trinité, transférées du faubourg Saisit-Jacques dans celui-ci en 1713 par ladite bienfaitrice.

Aussi bien le faubourg Saint-Antoine avait plus que jamais besoin de pénitentes, pour le sanctifier, depuis que les grands seigneurs y attiraient des pécheresses, bien éloignées encore du repentir, dans leurs petites-maisons. Celle-ci n'ont jamais été aussi nombreuses que le feraient croire les fictions du théâtre ; il y en avait pourtant dans plusieurs des rues du quartier, et la plus large, ancienne voie romaine, n'en était pas exempte. Le 236 aurait tort de prétendre à une origine moins badine. Le vice élégant s'y cachait ; celui qui ne l'est pas a ses grandes entrées dans beaucoup plus de, maisons depuis le renversement de l'ancien régime.

Saint-Hilaire, lieutenant général d'artillerie, fit la débauche au 303 n'était-ce pas le bout du monde pour un Parisien ? De cet officier on se rappelle qu'étant jeune il a vu, sur le champ de bataille, le bras de son père emporté du même coup de canon qui tuait Turenne. En relevant le blessé, son fils fondait en larmes et ne voyait que lui, mais le père s'écriait : – Mon fils, ce n'est pas moi qu'il faut pleurer, c'est le grand homme enlevé à la France.

La petite maison d'autrefois n'expie-t-elle pas assez les folies agréables dont elle a été le théâtre ? Maintenant les verrous et les grilles, forgés pour protéger ses galanteries, enferment de véritables fous il y en a 90, traités par le docteur Brierre de Boismont. Le riant asile n'a pas même attendu la fin du règne de Louis XV pour passer maison de santé. Les croisées ne s'en ouvraient qu'avec précaution, au temps où l'indiscrétion était à craindre du dehors ; on les dirait rivées sur elles-mêmes depuis que des secrets ne sont pas tout ce qui s'y garde. Là le médecin ne ressemble guère au bûcheron de comédie, que les coups de bâton forcent à donner des consultations et à prescrire des remèdes ; mais ses malades le sont tous malgré eux.

Le bruit et le mouvement qui se produisent à cette extrémité de Paris leur donneraient, d'ailleurs, à chaque instant, des excitations dangereuses, s'ils en recevaient l'impression directe. En février 1848, on a brûlé un trône tout près de la maison, au rond point de la barrière du Trône, avec une fureur et des cris auxquels se sont livrés tout de suite, par écho, les pensionnaires des deux sexes. Il a bien fallu enfermer les plus enragés dans leur chambre, avec la camisole de force, et les 30 domestiques n'étaient pas trop pour retenir les autres malheureux dans leurs promenoirs ordinaires. L'apparence d'une solitude morne n'en régnait pas moins, comme toujours, sur les façades, et du moment qu'on n'y mettait pas le feu, portes et fenêtres demeuraient closes. Quelle froideur de tombe, pour un spectacle qui donnait le délire au faubourg !

Les républicains qui le donnaient se sentaient en un si beau jour que ce n'eût pas été le cas d'évoquer un souvenir néfaste pour le parti victorieux. Un des leurs, après quatre ans de prison, avait été transféré dans la maison de santé voisine, sous le premier empire. Le général Malet, car c'était lui, profita de la campagne de Russie, qui retenait au loin Napoléon, pour ourdir une conspiration nouvelle avec des royalistes, avant de tenter une première évasion. Mais, repris dans la rue par le médecin chef de l'établissement, qui craignait d'avoir à répondre corps pour corps de son prisonnier, il fut forcé de retarder l'exécution de ses projets. Sa réintégration dans une geôle était décidée quand la connivence de l'abbé Lafou lui facilita la fuite, dans la nuit du 23 au 24 octobre1842. La mort de l'autocrate fut annoncée dans les casernes, en toute hâte, par Malet, puis l'armée délivra les généraux Guidai et Lahorie, qui étaient à la Force. La conspiration n'en eut pas moins pour dénouement, comme chacun sait, une fusillade en plaine de Grenelle.

Une tradition plus ancienne fait attribuer, dans la même rue, la construction du 267 à un ministre de Louis XIII. La maison d'à côté et un jardin, discret, par ses ombrages, étaient incorporés alors à ce petit hôtel de campagne. L'herbe tendre s'y inclina, avant la cour de Louis X1V, devant un amour inspiré à Mlle de la Vallière et qui devait faire tout le bonheur, tout le malheur de la vie de cette fille d'honneur de Madame Henriette de France, reine d'Angleterre. Tout était sacrifice pour elle à une passion, qui élevait encore son idole, et l'idole commençait par être un roi, dans l'éclat de la jeunesse ; mais lorsque cette maison la vit, trop avancée déjà pour reculer dans une voie aussi aventureuse, l'amant cachait encore, sous de tendres dissimulations, l'orgueil du maître, qui ne se révéla qu'à Fontainebleau. Mlle de la Vallière pleurait déjà ; mais quelle est donc la femme qui se donne tout entière sans une larme ? L'année suivante, quelle, série de fêtes superbes, ouvertement données en son honneur ! L'une d'elles a laissé son nom à la place du Carrousel. Comme l'avenir en ce temps-là cachait complaisamment à tous les regards, si ce n'est à ceux de la maîtresse royale, son long voile de pénitence ! L'amour, en somme, ne vaut que, ce qu'il coûte.

Le roi laissa vendre cet hôtel, dont s'arrangea le baron de Quenebeck. Puis Torchet y créa une brasserie royale, postérieurement dite du Dauphin. Une veuve Bridaine, qui exploitait déjà le fonds de commerce, acquit l'immeuble en 1740 des enfants mêmes de Torchet. A M-Bridaine succéda sa fille, Mme Pérignon, et celle-ci fut la mère de Pérignon, notaire de l'empereur Napoléon Ier. L'auteur de la présente notice était reçu à Eaubonne, il y a peu d'années, par la veuve de ce notaire, ainsi que par sa fille, là maréchale Dode de la Brunerie, l'une et l'autre excellentes personnes. Lorsque avait éclaté la grande révolution, la brasserie du haut du faubourg appartenait non plus aux Pérignon, mais aux Villot. Ceux-ci étaient les frères, et les sœurs de l'une des dignitaires de l'abbaye voisine, dont la princesse de Lamballe se trouvait la dernière abbesse. La religieuse se réfugia dans la maison de sa famille, dont presque tous les membres furent incarcérés le 9 thermidor les sauva. MM. Dresch aujourd'hui ont la brasserie et l'immeuble.

Sur les quatre balcons qui décorent leur premier étage, il y en a deux où le soleil s'étoile dans le fer tordu on se rappelle que le soleil était l'emblème du grand roi. Les deux autres balcons portaient ses armes, qu'on en a arrachées en 1792, ainsi que d'autres insignes réprouvés. Toutes les serrures de l'intérieur étaient restées fleurdelisées ; seulement le temps a fini par en avoir raison.

Entre cette propriété et le groupe de boutiques isolées qui fut une grande boucherie et qui sépare notre voie du commencement de la rue de Montreuil, la brasserie Letrogneux occupait en 1720 deux maisons, chiffrées alors 29 et 30, qui avaient, comme celle Torchet, leur sortie sur la rue de Montreuil. La même boisson ne fermentait pas encore au 273 actuel, qui toutefois en produit depuis plus de cent ans. Par exemple, il s'en débitait déjà plus bas dans une seconde maison Noyelle, qui donnait par-derrière sur la place Saint-Marguerite. L'affluence des brasseries sur l'une et l'autre lignes tenait sans doute à l'exemption locale des droits d'entrée ; il fallut plus d'un siècle au bureau des commis pour monter, par étapes, de l'entrée d'u faubourg à la barrière du Trône.

Du temps de Letrogneux l'intendant de M. Le Peletier habitait, une maison plus bas encore, aboutissant à la rue Saint-Bernard, et M. Durville, secrétaire du roi, avait la quatrième de notre rue, même côté. On y voyait aussi des fermiers et des maîtres de pension vers le même temps. Mais le nom, de Titon, qui s'y rattache pour plus d'un héritage à des titres de propriété, pourrait nous faire voir à tort des lieux de rendez-vous galants dans des maisons de revenu. Il est vrai que la Folie-Titon n'était pas loin, et que Titon du Tillet, maître d'hôtel de la reine, pouvait avoir des petites maisons de rechange, pour en prêter à ses amis ; mais un autre Piton habitait les mêmes parages. Cet homonyme, parent ou non, tenait tout près de la Bastille, un grand magasin d'armes, qu’on visitait même par curiosité, et dont l'assortiment ne laissait à l'acheteur que l'embarras du choix. Nous croyons, en outre, qu'il possédait, au milieu du faubourg, à gauche, la ci-devant forge royale, dont l'existence remontait à l'époque où les rois habitaient le palais des Tournelles, et dont le nom s'est conservé à une impasse, qu'encaissent de vieilles constructions.



 

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