Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUES DES DEUX BOULES
VIème arrondissement de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1861. Du XIIe au XIIIe siècle, c'était la rue Mauconseil ou Maleparole ; du XIIIe au XVIe, rue Guillaume Porée ; en 1546, rue Guillaume Porée dite des Deux Boules. Origine du nom : Ancienne enseigne.

La Rue aux doubles Portes. – 1750. – Exécution d'un Escalier dérobé. – Une Lorette d'il y a cent Ans. – Le Jeu de Boules.

Numero Deus impare gaudet.

Aux numéros impairs, rue des Deux Boules, sont dues aussi nos préférences ; ils avaient pour propriétaires, au milieu du siècle précédent Mme de Montrevel, avec entrée rue Bertin Poirée ; Mme Pigeard ; le lapidaire Brideau ; la comtesse de Sillery ; le Grenier à sel et M. de Langey, après la maison duquel il en venait deux, sans porte sur la rue des Deux Boules.

L'autre côté de cette rue transparente est le derrière de la rue de Rivoli et, par conséquent, refait à neuf les deux propriétés avant-dernières y appartenaient à M. Hocquard de Cueilly en 1780. Les maisons séculaires du côté gauche ont de même sur la rue Jean- Lantier une façade de rechange. C'est donc la rue aux doubles portes ; nous la recommandons, comme telle, aux romanciers, aux auteurs dramatiques. Des deux parts dégagements pareils. Ici le commerce en profite ; le parti qu'on en tirait là, au dernier siècle, était des plus galants.

Voilà bien un maître escalier, où le fer contourné se joue, qui dessert par-devant la maison portant le chiffre 3 ! Par-derrière en rampait un autre, prenant jour par un œil-de-bœuf, qui louchait sur l'autre petite rue ; sa dernière marche paraissait résister, dans le dernier effort d'une pudeur compromise, à une porte, qui ne faisait que s'entre bailler à des heures mystérieuses et qui ne se contentait pas d'être bâtarde pour son propre compte. Fille entrait là, femme en sortait !

Il n'y a pas longtemps que les degrés de ce fripon d'escalier dérobé expient en quelque chose, pour leur part, des fautes qu'ils ont facilitées mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ? Un négociant, qui occupe le local, vient d'agrandir un magasin en supprimant, au rez-de-chaussée seulement, les marches glissantes et la rampe tortueuse du petit escalier, dont la cage reste ouverte à la hauteur de l'étage supérieur. Cette exécution ne fait-elle pas justice d'un complice, faute de tenir le principal coupable, qui se trouve ainsi pendu en effigie ? L'hôtel, maintenant voué au commerce, fut la petite maison du régent, qui n'en prenait pas moins ses coudées franches au sein de son propre palais.

Accouplons ce ressouvenir à un autre du même genre, et pourtant il s'agit cette fois d'une exploitation différente, en ce que les victimes n'en appartenaient plus au sexe réputé le plus faible. Le siège était précisément l'immeuble contigu à celui dont nous venons de parler, et l'époque, la guerre de Sept-Ans.

Un perruquier du roi nommé, Aubin, ayant eu le malheur de perdre, avec sa place, tout ce qu'il avait d'économies, fut mis à la porte par sa femme, qui avait, mieux gardé les siennes. Sa fille, pour l'éducation de laquelle, il n'avait pas regardé à la dépense, aurait dû lui rester plus fidèle dans la mauvaise, fortune mais elle ne se sentait déjà de vocation pour la fidélité d'aucune sorte. Cette jeune Aubin, en sortait du couvent, se forma bien vite aux contrastes chez la maîtresse du comte de Benthem, qui n'était autre que la Varenne, femme galante prenant des élèves ; peu de leçons au cachet suffirent à la postulante pour prendre son diplôme, sous la forme d'un bon signé par le commandeur de Guynes, et auquel, fit honneur un tapissier, dans un logement de la rue Grange-Batelière que meubla ce fournisseur.

Au bout de six, mois le comte de Montmorin, gouverneur de Fontainebleau, se montra curieux de jouer un tour à son ami, le commandeur, en amenant dans son gouvernement, la fille de l'ancien perruquier royal. Puis elle vint se loger au boulevard Poissonnière, en renouant avec la Varenne ; et ainsi fut achevée la ruine de M. de Kulau, chevalier de Malte œuvre déjà mise en bon train par la fille Deville, dite la Savoyarde. La Dlle Aubin n'en eut que plus de motifs pour porter au compté de M. de Jonville conseiller au parlement, plus d'un enfant qu'elle porta dans son sein, après une fille au comte de Montmorin. Un étranger de l'hôtel d'Entragues, exploité rue de Tournon, la prit néanmoins à ses gages ; puis ses pérégrinations de toute espèce l'amenèrent rue de Cléry ; près la porte Saint-Denis, avant qu'elle rabattît sur la rue des Deux Boules, où l'écheveau de ses amours eut une double issue pour dévidoir.

C'était une grande et jolie femme, avec des yeux admirablement voluptueux ; elle montrait de l'éducation, un esprit et des manières au-dessus de son état, ainsi que tant d'ex-élèves de Saint-Denis, qui ne vivent pas autrement qu'elle à notre époque. L'aménité de son caractère ne l'empêcha pas de faire saisir, par le ministère d'un huissier, les meubles de M. de Jonville, pour la sûreté des arrérages d'une rente de 600 livres, antérieurement constituée à la belle par ce magistrat, qu'avait perdu de vue un des déménagements de la locataire inconstante, dont les baux se cassaient toujours.

La petite voie qui nous occupe a gardé la longueur et la rectitude d'un feu de boules ; elle était plus étroite et encore moins passante avant le prolongement en parallèle, de la rue de Rivoli. Nous croyons que son nom lui vient de parties de boules en plein air, qu'y engageaient tantôt les clercs de procureurs et tantôt leurs patrons, dans leur prédilection pour ce genre de divertissements, et les procureurs étaient alors aussi nombreux dans la rue que les marchands de toiles et d'autres tissus dont elle est aujourd'hui remplie exclusivement. On l'avait appelée au XIIIe siècle rue Guillaume Porée et rue Malconseil. Un marchand de cire d'Espagne en gros y était établi à renseigne de l'Empereur, en 1694.

 


 

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