Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE TURBIGO
Ier, IIe, IIIe arrondissements de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite eu 1864. Monument classé : Eglise Saint-Nicolas des Champs. Origine. du nom : Victoire remportée le 2 juin 1859 sur les Autrichiens.

Cette voie, née à peine, n'a encore pour histoire qu'un nom de guerre glorieusement attaché à une campagne récente, et sous de tels auspices elle ira loin, appelée à relier en ligne transversale les Halles au boulevard du Prince-Eugène. Nais déjà elle englobe deux rues, dont les maisons viennent de tomber dru, sans qu'on en ait dit un seul mot. Deux de celles-ci, échappées, par miracle à cet abatis imprévu, regardent passer l'alignement nouveau qui les relègue dans un angle rentrant.

La première de ces maisons, naguère 10, rue du Grand-Hurleur, répond pour le moment au chiffre 37 dans la rue neuve.

La propriété contiguë, qui doit à une moindre élévation et à deux mansardes d'avant Mansart sa physionomie beaucoup plus pittoresque, dépend depuis plusieurs siècles de l'auberge du Chariot-d'Or ; dont la façade sur la rue Gaenéta a changé depuis peu d'aspect et d'alignement. Des rouliers, comme par le passé descendent au Chariot-d'Or ; mais aucun des autres voyageurs n'y est plus amené par le coche dont le bureau et les écuries se trouvaient dans l'hôtellerie même. Le public a également fait son deuil, d'un passage libre à travers les cours du Chariot-d'Or.

Un sieur Garguille, qui n'était pas le farceur Gautier-Garguille, notabilité des temps héroïques de notre théâtre, mais qui n'en bouffonna pas moins contre l'église, comme les parpaillots du XIXe siècle, ce Garguille-là demeurait au XVe dans une rue de Huleu, dite également du Pet, qui n'est pas autre que celle du Grand-Hurleur. Il s'amenda, après avoir donné scandaleusement dans le libertinage, et entra dans la confrérie du Saint-Esprit, fondée à l'hôpital de ce nom. Une fois reçu dans cette compagnie, on donnait ordinairement à tous les confrères un repas de corps. Garguille fit bien les choses, et qui sait, je vous prie, si ce ne fut pas au Chariot-d'Or ? Mais il se plut ensuite à se dire membre de la confrérie aux Goulus, sobriquet qui resta à cette compagnie.

Des 37 maisons que comptait, à la fin du XVIe siècle, ladite rue du Grand-Hurleur, il y en avait une appartenant à l'église Saint-Jacques-de-l'Hôpital, et qui touchait à la rue Saint-Martin, du côté opposé à celui de l'auberge. Puis venaient trois ou quatre maisons à Grenier, greffier des consignations une autre ensuite à un payeur de rentes, frère de ce greffier.

Dans la rue du Petit-Hurleur, sur la même ligne, à l'angle de la rue Bourg-l'Abbé, l'archevêque de Paris, comme propriétaire, était suivi par le sieur de Santeuil, qui n'avait pas moins de quatre maisons. Vis-à-vis, c'est-à-dire à droite en allant de la rue Bourg-l'Abbé (la place de la défunte rue Bourg-l'Abbé reste indiquée par le passage de ce nom, qui y donnait du côté de la rue de Palestro) à la rue Saint-Denis, Aubry disposait de deux propriétés ; la veuve Gautier, de deux autres ; Santeuil, déjà nommé, des deux dernières.

Les rues du Grand et du Petit-Hurleur avaient porté d'autres dénominations, moins difficiles peut-être à expliquer, mais qui ne méritent pas plus de regrets. Le pseudonyme de rue Sallée fut appliqué à la plus petite, qui tenait à la rue Saint-Denis : le plan de Lacaille en fait foi. Il est probable que la salle, chef-lieu de la juridiction de l'abbé e Saint-Martin-des-Champs, avait été dans cette voie publique, dite en conséquence rue Sallée, et qui se trouvait, du reste, au beau milieu de l'ancien bourg de l'Abbé.

L'autre rue, sur le plan de Gomboust, se nomme exclusivement du Pet. La préfecture de la Seine a décemment fait, de n'en pas réveiller le souvenir, dans son remaniement des inscriptions municipales, et toutefois cette dénomination pouvait avoir une origine en odeur de saine morale. Dans son Instruction et ses filles, le chevalier de la Tour a raconté ceci :

« Geoffroi de Langres avoit coutume de s'informer, quand il estoit en campagne, à qui appartenoient les chasteaux qu'il voyoit ; et quand on lui montroit le chasteau d'une dame de mauvaise réputation, il se seroit destourné d'une demi-heure pour y aller : foisoit un pet à la porte et escrivoit dessus avec de la craye ; ung pet, ung pet. »

Ce Geoffroi de Langres exprimait son mépris autrement que bien des moralistes. Un autre Geoffroi était porté à prendre, d'après Ronsard, la même chose tout différemment, afin de se montrer courtisan à tout prix :

Si l'Empereur foisoit un pet.
Geoffroi diroit qu'il sent la rose,
Et le sénat aspireroit
A l'honneur de prouver la chose…

Avant de porter celui de ses surnoms qui est le moins de bonne compagnie, la rue de Huleu fut connue, voire même en l'année 1253.



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