Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE GUÉNÉGAUD
VIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1861. Monuments classés : au n° 2, l'Hôtel des Monnaies (classement limité à certaines parties dont les façades sur rue) ; aux n°s 27-29. restes de l'enceinte de Philippe-Auguste. Origine du nom : Longe l'ancien hôtel de Henri de Guénégaud (1609-1676), ministre et secrétaire d'Etat.

Henri de Guénégaud, ministre et secrétaire d'Etat, acheta de la princesse Marie de Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers, l'hôtel de Nevers, et il s'y établit, après y avoir fait de grandes réparations, en quittant le Marais. Le théâtre particulier de l'hôtel avait servi aux répétitions de Pomone, le premier des opéras français ; cet ouvrage, monté par l'abbé Perrin, qui avait écrit les paroles, par Lambert, auteur de la musique, beau-père de Lulli, et par le marquis de Sourdac, tous trois en possession du premier privilège, fut représenté en mars 1671 rue Mazarine, dans une salle de spectacle substituée à un jeu de paume, et qui suivit l'exemple de la rue située vis-à-vis en prenant le nom de Guénégaud.

Mais l'hôtel, en passant par voie d'échange entre les mains de la princesse de Conti, changea encore de dénomination, avant de faire place à l'hôtel des Monnaies, dont la première pierre fut posée par l'abbé Terray. Des représentations d'un autre genre étaient données vers le même temps à l'un des angles de la rue Guénégaud, vis-à-vis du château-Gaillard, petite tour en encorbellement sur la Seine. Le fameux Jean Brioché y exploitait son théâtre de marionnettes.

Peu d'années après l'ouverture du collège des Quatre-Nations, l'abbé de la Roque habitait l'une des maisons appartenant audit collège dans la rue Guénégaud : il y avait tous les jeudis chez cet ecclésiastique une conférence scientifique.

Au n° 12 demeurait M. de Blégny ; médecin du roi, « préposé à la recherche et vérification des nouvelles découvertes de la médecine, dit un livret du temps, et renommé pour les descentes, les maux vénériens et généralement les maladies extraordinaires. » Ce praticien tenait à Popincourt, dans la rue du même nom, une grande maison de santé, avec bibliothèque et jardin botanique. Oh ! alors M. de Blégny semblait marcher de pair avec Fagon, qui avait le Jardin-des-Plantes sous sa direction et qui était premier médecin du roi. Il figurait sur la liste des curieux, c'est-à-dire des amateurs d'objets d'art et de curiosité, et il faisait parler de sa bienfaisance, en homme qui savait déjà, tout comme les intrigants de nos jours, que c'est pour la publicité la meilleure forme à revêtir.

On s'aperçut trop tard que ce prince de la science cachait un charlatan, et plus il avait eu le talent de donner le change, plus le scandale de sa chute fut honteux. Que de gens se plaignirent alors d'avoir été les dupes de ce savant bienfaiteur de l'humanité ! Mais des victimes encore plus à plaindre se taisaient pour de bonnes raisons.

Un autre médecin du roi, nommé Daguin, avait eu en 1667 près du quai, dans la même rue, son domicile, qui n'était séparé du réservoir d'eaux à l'usage de M. de Guénégaud que par une maison tenant l'angle.

Quelle que fût la notoriété de ces confrères de M. Purgon, il restait après eux dans la rue Guénégaud un coin encore dépourvu de constructions. Une assez grande place à bâtir s'y adjugea en 1719, moyennant 24,000 livres, à Jacques Tassy, sur décret poursuivi à la requête des créanciers unis de M. de Plancy. Ce débiteur lui-même n'était-il pas le fils de Pierre de Plancy, apothicaire de la princesse Henriette de France, reine d'Angleterre ?

Dans un hôtel garni de la même rue, par un beau jour de juin 1762, descendit une Italienne, la dame Paganini, qui venait de chanter à Londres-l'opéra. Le mari de cette actrice était de la famille qu'un virtuose a rendue célèbre depuis lors, et il accompagnait sa femme, qui était belle, bien qu'elle eût atteint quarante ans. C'est la seule quarantaine, hélas ! que Mme Paganini, imposa à l'amour d'un seigneur espagnol, le comte de Cantilane, marquis de Castromonte, ambassadeur de Naples à Paris.

Combien de fois n'oublia-t-elle pas l'heure à laquelle son mari l'attendait aux Tuileries, une canne à la main, pour y faire avec elle un tour de promenade ! Les affaires ne souffraient en rien des audiences données à la belle par l'ambassadeur, paresseux chef d'emploi, auquel il se trouvait bien qu'on eût donné pour doublure un bon secrétaire, qui n'était autre que l'abbé Galiani, l'économiste et le littérateur. L'ambassadeur ne faisait rien sans son second. Le secrétaire, qui plus est, infligea la peine du talion au galant qui trompait M. Paganini. Mais ce dernier n'en eut que plus longtemps à croquer le marmot au jardin des Tuileries !

Plus tard encore l'illustre Condorcet occupait cinq où six pièces de l'entresol, à l'hôtel de la Monnaie, et le député Camus, ancien avocat du cierge, archiviste de la République, puis garde des Archives Nationales, un autre logement dans la rue, au n° 9 ou 17.

 


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