Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE LA BÛCHERIE
Vème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1858. Ouverte à la fin du XIIe siècle. Elle a porté le nom de rue de la Buscherie du Petit Pont ; elle aurait été appelée aussi rue de la Boucherie. Le décret du 19 août 1887 a déclassé la partie qui était comprise entre les rues Lagrange et Saint-Julien le Pauvre ; le square René Viviani a été créé à cet endroit. Origine du nom : Voisinage de l'ancien port aux Bûches.

Les Enseignes. - Les Bûchiers et leurs Successeurs dans la Rue. - Le Contentieux du Domaine utile de l'Abbaye. - Les Ecoles de Médecine.

La rue que voici prend sa source à la place Maubert, en face de la rue des Grands-Degrès ; au coin de la rue du Haut-Pavé, et suit un cours parrallèle à la Seine jusqu'au point où, grossie par l'affluent de la rue du Petit-Pont, elle débouche sur le quai. Au VIe siècle elle fut tirée d'un port aux Bûches, où commençait la rue du Foûarre, et sa prolongation ne fut possible, à partir du règne de Louis VIII, que par suite de la division du clos Mauvoisin, baillé à cens à la condition d'y bâtir. Or les façades qu'on y longe ont été plus d'une fois renouvelées, et comment, ne pas être dérouté par les numéros qui ont suécédé aux enseignes, points de repère du moyen-âge ?

Lorsque le Petit-Châtelet servait de limite a nette rue de la Bûcherie du côté du Petit-Pont, par-delà l'Hôtel-Dieu, il pendait à toutes ses portes de quoi les distinguer déjà l'une de l'autre : Ici un petit Saint-Jean, ou une Notre-Dame, là un Lion-ferré, l'Ecu-de-France, un Père-Noir, un Couperet, ou tout simplement une Scouvette, autrement dite une Vergette. Chaque maison avait son image par-devant, et souventes fois un chantier par-derrière, car la rue de la Bûcherie gardait encore au XVIe siècle ses marchands de bois, qui passèrent à la Râpée.

Il y en avait eu davantage sur la fin du siècle XIIIe, d'après cet extrait du registre de la Taille :

Jehan le Batailleur, bûchier. Pronele, de Reims. Mestre Rémy le charpentier. Jehan le charpentier. Guill' Laurent de bûche. Robert Auraz le bûchier. Adeleine fame du feu Thomas au bois. Hemon le Breton, fournier. Gefroi le Coistin, bûchier. Guill' Aunel, bûchier. Alain le Breton, concertant. Thomas de Breban, bûchier. Denise le Neveu. Denise le Breton, bûchier. Gautier Roussel, mesureur. Grégoire Jolis. Rogier Hardi, maçon. Le Glois, maçon. Guill' Le Gret, bûchier. Jehan Lescuyer, son gendre. Jehan le Breton, bûchier.

Au temps de François Ier, on trouvait aussi en cette rue deux jeux de paume, et en 1674 main-levée était donnée à Me Henri David d'une saisie pratiquée sur sa maison et jeu de la Bûcherie, où pendait un Saint-Louis, par le trésorier du Domaine utile de la congrégation de Sainte-Geneviève, seigneurie censitaire de la plupart des propriétés. Celles du voisinage avaient appartenu ou appartenaient :

à Ogier, boucher, Herpin, procureur au Châtelet, Chabert, sergent à cheval, L'Enseignault, teinturier, Chevrier, bonnetier, Guillaume de Voisins, écuyer, et Delamarre, doreur de livres ; au chapelain de la chapelle des Forgets, à l'abbé de Saint-Eloi, de Noyon, à la fabrique de Saint-Landry et au collège de la Marche.

Le Châtelet rendit jusqu'à 36 sentences, à la requête également des religieux génovéfains, qui fermaient opposition sur des loyers pour sûreté des arrérages d'une rente, et celle-ci leur était due en raison de la fondation dans leur église d'une chapelle de Saint-Maurice. Si bien qu'en 1697 le trésorier de Sainte-Geneviève ne craignait pas de s'attaquer à Antoine Duboulay, un procureur au parlement, possédant deux maisons, l'une à l'image de Saint-Jean, et l'autre à l'Aigle-d'Or, qui ouvrait rue du Fouarre, et faute par Duboulay d'avoir produit ses titres de propriété, de s'être fait inscrire au terrier de l'abbaye et d'avoir acquitté le cens, ledit bien faisait retour au domaine de Sainte-Geneviève, dont il s'était détaché en l'année 1432 à titre d'accensement ; seulement Boulard, confrère de Duboulay, formait appel de la sentence.

Or tout nous aide à recoinnaître aujourd'hui, dans le n° 21, l'ancien immeuble du procureur au parlement, détenu par le citoyen Jacques lors de l'amortissement obligatoire des redevances ci-devant seigneuriales. Quant à l'humeur processive des seigneurs génovéfains à l'endroit de notre rue, les gains de cause la rendaient chronique ; sous Louis XV, ils saisissaient encore les revenus de propriétés échues à l'Hôtel-Dieu, qui enjambait la rue ultérieurement, en jetant un pont couvert d'une rive à l'autre.

Legoux, sujet de Charles VII et charpentier de la grande cognée, avait pris du même monastère à rente perpétuelle plusieurs maisons, rue de la Bûcherie, notamment un hôtel à double corps et à l'enseigne de Saint-Marc, adjacent à une autre de ses propriétés, et le rachat forcé de la redevance déterminée en 1450 y incombait, sous la Convention, aux citoyens Leclerc et Firmin. Le charpentier accapareur tenait aussi de l'abbaye, à croix de cens :

une masure à l'angle de la rue des Rats, aujourd'hui de l'Hôtel Colbert et c'étaient les débris d'une maison ayant appartenu antérieurement à Geoffroy-le-Tort, sergent. La rue de l'Hôtel-Colbert ouvre actuellement sur le quai, où la pioche lui a donné plus de largeur qu'au-delà de la rue de la Bûcherie, où elle commen­çait naguère.

une autre bicoque, située au coin de la place Maubert et que les religieux s'étaient fait adjuger aux criées du Châtelet.

une autre encore, contiguë à la précédente et ayant la même origine, maison qui touchait rue de la Bûcherie à l'hôtel de la Tête-Noire, possédé à cette époque-là par Mlle Labouchère. L'image de la Tête-Noire décorait la porte du 9, dont toute la ferrure d'escalier et de fenêtres ne semble remonter actuellement qu'à deux siècles ; quant aux masures, elles ont été refaites vers le même temps, j'en atteste le fronton du 7.

Un autre fronton, n° 11, est venu ennoblir l'encoignure de la rue des Rats antérieurement à 1714, époque où la rue de la Bûcherie alignait 54 maisons et 12 lanternes.

Vis-à-vis avance le 14, angle de l'ancienne ruelle des Petits-Degrès (la rue des Petits-Degrés n'avait plus de nom, elle fait maintenant partie de la rue du Fouarre, pour donner plus de largeur à cette extrémité nouvelle, on y a démoli vers 1864 une maison, qui avait servi de corps-de-garde) : Jaillot voit même dans cette dernière la ruelle qu'on avait commencé par affliger de la désignation repoussante de Trou-Punais.

Dans tous les cas, le bâtiment dont s'agit a été cédé par Nicole de-Vielfeullay, maître ès-arts, à Courtillier, marchand, en l'année 1429 : il arborait l'image de Saint-Pierre, il avait un chantier pour dépendance, et le tout confinait d'une part à la maison dite de Notre-Dame, pourvue également d'un chantier, de laquelle une vieille porte à clous nous indique tout au moins la place n° 16, et d'autre part aux degrés qui menaient de notre rue à la rivière. Douze ans plus tôt le même Vielfeullay, en échange de messes à dire après sa mort, pour le repos de son âme, avait constitué une rente au collège de Sorbonne, et une, autre de 20 livres parisis à l'abbaye de Sainte-Geneviève, outre le cens qu'il devait à celle-ci déjà, lesdites rentes reposant sur une maison rue de la Bûcherie, devant l'hôtel de la Couronne.

Le 13 n'a qu'un étage, mais on en a fait deux ; les femmes qui y séjournent se multiplient elles-mêmes, dans une proportion bien plus large, dont les galants pressés ont les frais à leur charge.

Au fond du 15, dont le précédent immeuble a dépendu de fondation, un lavoir fait entendre son roulement de caquets et son clapotis de coups de battoir ; on y entre par la rue du Fouarre. Il occupe une salle spacieuse, où de vieilles arcades n'ont que partiellement disparu, et pour charger des hottes de linge mouillé on s'y appuie à des piliers dont la plupart sont plus que séculaires. De la cour qui précède, le curieux voit s'élever la rotonde, terminée en coupole et soutenue par huit colonnes d'ordre dorique, qui fut l'amphithéâtre, dans l'ancienne métropole de la Faculté de médecine de Paris ; il y remarque aussi deux frontons, des sculptures de la Renaissance et deux inscriptions latines, auxquelles il manque seulement quelques lettres.

Les chartreux avaient vendu dès 1172 à la Nation de Picardie, d'où est sortie ladite Faculté, et qui faisait partie au paravant de celle des Arts, un terrain dans la rue du Fouarre ; mais il y a eu des écoles de Médecine sur l'un et l'autre des côtés de ladite rue. On qualifia collège celle qui s'ouvrait neuf ans après l'acquisition du terrain des chartreux, et une chapelle, puis une autre, ainsi qu'un jardin affecté à la botanique médicinale grandirent l'institution, en élargissant son domaine.

Les docteurs-régents y ajoutaient, en l'année 1617, une maison de la rue de la Bûcherie, à l'image du Cheval-Blanc, que les religieux de Sainte-Geneviève avaient baillée à cens dès 1430, et ils y faisaient élever l'amphithéâtre, restauré aux dépens de Le Masle, seigneur des Roches, chantre et chanoine de l'église de Paris en l'année 1678, et qu'on a rétabli encore en 1744.

Les assemblées de la Faculté avaient lieu régulièrement dans une salle du premier étage, que décoraient les portraits des doyens et qui allait de plain-pied avec une chapelle où tous les samedis se célébrait une grande messe. C'est aussi là qu'on procédait à toutes les élections ; que la robe et le bonnet se prenaient en grande cérémonie ; qu'on reconnaissait les professeurs, et que les examens se passaient à l'issue de l'office religieux du samedi.

Les cours étaient faits principalement dans les bâtiments contigus au sanctuaire doctoral où se prenaient les grades, avant leur translation rue Saint-Jean-de-Beauvais, dans l'ancienne école de Droit. Toutefois il y avait des jours où l'amphithéâtre régentait, et ce fut même avec autant de suite que de succès de 1781 à 1785.

Quelques années plus tard, qu'arrive-t-il ? Les baux à rente perpétuelle que les ci-devant religieux ont consentis sont réduits à l'état de pure et simple emphytéose ; le sol de l'ancien Cheval-Blanc et les constructions y élevées pour les écoles de Médecine passent aux Hospices, lesquels permettent, sous l'Empire, qu'on y enseigne encore l'anatomie. Cette administration se défait du n° 15 au commencement de la Restauration ; Mme Boutry, femme d'un ancien notaire, dispose dudit immeuble depuis 1849.

C'est sans doute à l'autre coin de la rue du Fouarre que Mignot, receveur des tailles, a laissé, au milieu du règne de Louis XIV, une maison à Mignot, trésorier-principal de l'extraordinaire des guerres, et à d'autres héritiers du même nom, parmi lesquels sans doute figurait le fameux patissier-traiteur, impatiente victime de Boileau. Une douzaine d'années plus tard, c'est-à-dire en 1694, Mignot, bouclier de la feue reine, était propriétaire en cette rue, et Bédé, écuyer, sieur de Longcourt, l'était aussi, mais du chef de sa femme, entre la maison dudit boucher et les écoles de Médecine.


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