Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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AVENUE, PLACE ET RUE DE BRETEUIL
VIIème, XVème arrondissements de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1858. La rue de Breteuil, depuis lors élargie par la démolition des bâtiments immatriculés de ses numéros impairs, met présentement à jour un merveilleux côté de Saint-Martin-des-Champs, dont la restauration vient d'être faite au profit des Arts-et-Métiers, puis une vieille tour, qui doit rester des fortifications dont ce couvent s'était fait une ceinture sous le règne de Louis-le-Gros. La partie A a été cédée par l'Etat à la Ville de Paris (loi du 4 juin 1853). La cession du surplus a été autorisée par une loi du 19 mars 1838. La place formée par le croisement avec l'avenue Duquesne, au droit de la branche Nord de la place du Président Mithouard, a été dénommée place El Salvador par arrêté du 1er février 1965. Origine du nom : Louis Auguste le Tonnelier, baron de Breteuil (1723-1807), ministre de la maison du Roi et de Paris.

L'Union, l'Ami de la Religion et quelques autres journaux quotidiens nous ont fait l'honneur de donner en articles variétés ou d'édilité parisienne plus de la moitié des notices de ce recueil, alors qu'elles étaient inédites. Par mégarde un article trop court sur la rue de Breteuil avait été offert à deux de ces feuilles, qui eurent bien raison de le refuser.

M. de Riancey fit, d'ailleurs, cette objection : – Mais la rue de Breteuil, cher collaborateur, est une avenue ; vous induiriez nos lecteurs en erreur. – C'est une place, prenez-y garde ! se récria, de son côté, l'abbé Sisson.

Pourquoi méconnaître, en effet, cette imposante avenue de Breteuil, percée dès 1680, qui se développe derrière les Invalides, entré la place Vauban et l'extrémité de la rue de Sèvres ? Elle a passé gratuitement du Domaine de l'Etat dans celui de la Ville, sous le règne de Louis-Philippe. On compte quelques maisons sur ses deux rives ; des murailles à hauteur d'appui y bordent des marais plantureusement cultivés ; une faisanderie, diverses fabriques, un lavoir et un abattoir y fournissent d'utiles adresses à l'Annuaire de Firmin-Didot. Seulement l'herbe y croit au pied des arbres, rien de plus n'y est historique.

La place du même nom, tracée un siècle après l'allée, forme un cercle ; au centre nous retrouvons l'ancien puits de Grenelle, et c'est la première fois qu'un puits se transporte ; mais il n'y a pour nous que de l'eau à boire dans ce progrès de la science.

On a placé à l'époque de l'Empire, d'après la chronique officielle, sous l'invocation d'un Breteuil ledit boulevard, avec son couronnement. A ce compte, Napoléon Ier, qui ne laissait rien faire que par ses ordres, aurait été, en vérité, bien bon. Pourquoi dédier cette avenue militaire à un ancien ministre de Louis XVI, qui ne l'avait pas été de la guerre, et que le Consulat avait vu revenir pauvrement de l'émigration royaliste, pour expirer l'année 1807 ? Les aïeux de cet homme d'Etat n'étant sortis de l'obscurité que sous les auspices du cardinal Dubois, inutile d'en chercher un parmi les chevaliers de Saint-Louis de la première promotion, y prenant part avec Vauban.

Nul Breteuil n'a pu présider à l'ouverture d'une allée dans le rayonnement majestueux des grandes voies des Invalides, alors que Louis XIV ouvrait lui-même aux mutilés des champs de bataille ce palais, dont le dôme doré s'élevait, comme un autre soleil, bien au-dessus des arbres plantés autour : C'est dans les premiers temps du règne suivant, quand s'instituait l'école milittaire, que l'avenue a dû recevoir avec assez d'honneurs Breteuil, baron de Preuilly, ministre de la guerre, pour mériter l'adoption qui, avant ou après, nous parait déplacée.

Un autre membre de cette famille ministérielle, l'abbé Elisabeth-Théodore Le Tonnellier de Breteuil, prieur commendataire de Saint-Martin-des-Champs, chancelier du duc d'Orléans, garde-des-sceaux de ce prince et chef de son conseil, a servi de parrain à la rue de Breteuil, tracée vers le même temps que la. place, mais sur le territoire prioral du patron. Cette ruelle n'est pas droite ; elle n'en devait paraître que plus spirituelle au bossu, qui lui octroyait de bonne grâce le droit de partager son nom, tout en gagnant de la popularité à ce mariage de convenance.

Sous le n° 1 de cette rue, qui a été maçonné légèrement, règnent toujours des caveaux monastiques, également fermés à la diable, qui joignaient autrefois ceux de Saint-Nicolas-des-Champs. Le 2 et le 4 sont les contemporains du percement de la rue. Une bicoque de même origine, n° 5, a donné, souvent en marâtre une demi-hospitalité à un poète sans domicile. Charles Moreau, dit Hégésippé Moreau, lorsqu'il avait erré toute une nuit, trouvait là le matin ; sous la porte d'une chambre sans papier, la clef d'un maître d'étude, son ami. Ce dernier avait une maîtresse, circonstance qui l'empêchait seule de partager durant la nuit avec l'auteur du Myosotis un maigre lit qui, surtout en plein jour, avait l'air de demander grâce.

Néanmoins notre vagabond, notre pauvre homme de talent, quand sa contre-patrouille nocturne était finie, arrivait rompu de fatigue, houspillé par le froid, pâle, défait, crotté ou poudreux, mais la tête fraîche et regorgeant d'idées plus rarement acerbes que virginales, mélodieuses, colorées d'azur ; il prenait à son tour la position horizontale au coup de sept heures du matin, pour y faire le tour du cadran en sens inverse. Après avoir dîné d'un pareil somme, il soupait de bière et d'eau-de-vie, le plus souvent, dans quelque café d'étudiants.

Au chiffre 11 répond une autre cassine, dont les fenêtres sont à coulisses. Le 16 dépendait autrefois de Saint-Martin-des-Champs, et il ne fait plus que s'accoter au Conservatoire des Arts-et-Métiers, qui s'est substitué en 1796 au ci-devant monastère. Les religieux avaient jeté à cet endroit un pont pour passer de l'autre côté de la rue, et ce trait-d'union, qui ressemblait à la voûte au Maire, à l'arcade Colbert et à l'arcade Bretonvilliers, n'a disparu que sous le règne de Louis-Philippe. La maison à laquelle attenait l'un de ses deux piliers est tombée en même temps que l'arche ; le n° 8 en occupe la place et ne fait qu'un avec le 6.

 


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