Monuments, édifices de Paris
Cette rubrique vous narre l'origine et l'histoire des monuments et édifices de Paris : comment ils ont évolué, comment ils ont acquis la notoriété qu'on leur connaît aujourd'hui. Pour mieux connaître le passé des monuments et édifices dont un grand nombre existe encore.
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LE PANTHÉON
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après nature, paru en 1890)

Le Panthéon est l'édifice le plus célèbre que le XVIIIe siècle ait légué à la ville de Paris, celui que les étrangers visitent le plus souvent, celui enfin qui domine la capitale à cause de sa situation prédominante au sommet de la montagne Sainte-Geneviève. Le dôme du Panthéon, de même qu'il s'élève au-dessus de tous les édifices de Paris, sa base étant à 59 mètres au-dessus du niveau de la mer, frappe avant toute chose le regard du visiteur. C'est ici que la partie peut être prise pour le tout, car le dôme, dans l'estime des Parisiens, c'est le Panthéon tout entier, et le Parisien n'a pas tort. Le dôme est une œuvre admirable et superbe, couronnement prodigieux d'un monument de la plus rare beauté.

La façade du Panthéon présente un porche en péristyle, imité du Panthéon d'Agrippa à Rome, long de 42 mètres et profond de 13°,50, formé, au-dessus d'un escalier de onze marches, par vingt-deux colonnes corinthiennes, ayant chacune 2 mètres de diamètre et 20 mètres de hauteur ; ces colonnes, pittoresquement groupées derrière les six qui ferment le péristyle du côté de la place, soutiennent un fronton triangulaire sculpté pas David d'Angers, représentant la Patrie,

Place du Panthéon

accompagnée de la Liberté et de l'Histoire, commentaire de l'inscription en lettres d'or fixée sur sa frise inférieure :
Aux grands hommes la Patrie reconnaissante.

Au-dessus du fronton, et au centre de la masse, à 57 mètres du pavé, commencent les assises du dôme, composé d'une galerie circulaire, accompagnée extérieurement de trente-deux colonnes corinthiennes, au-dessus desquelles se dresse la coupole du dôme, mesurant 28 mètres de diamètre, terminée par une lanterne, à 82 mètres du sol. Enfin, au-dessus de la lanterne s'élève, reposant sur un socle et une boule dorée, une croix de 4 mètres de haut, dont le bras horizontal mesure 2 mètres de longueur. La croix, le socle et la boule dorée pèsent ensemble 1,500 kilogrammes.

Si l'on fait extérieurement le tour de l'édifice, on reconnaît qu'il a la forme d'une masse presque carrée, 100 mètres de longueur, péristyle non compris, sur une largeur de 84°,50 ; ses murailles ne sont percées d'aucune ouverture et ne supportent aucun autre ornement que l'appareil régulier des pierres qui le composent, et une frise ornée de guirlandes. Cette nudité lui donne plutôt l'aspect d'un sépulcre que d'un temple, et l'on dirait que l'architecte Soufflot, chargé de construire un temple chrétien, avait pressenti qu'on y installerait une nécropole. Car, il est temps d'en 'avertir le lecteur avant de pénétrer avec lui dans l'intérieur de l'édifice, le Panthéon actuel n'est qu'une transformation de l'église Sainte-Geneviève, dont voici l'histoire succincte. Clovis, victorieux de l'armée des Visigoths, avait fondé, au sommet du mont Leucotitius, une basilique dédiée aux apôtres saint Pierre et saint Paul ; après sa mort, ce fut la reine Clotilde qui termina l'édifice ; elle y fit inhumer son époux et aussi Geneviève, la patronne de Paris, morte à une année de distance l'un de l'autre.

Cet édifice occupait le terrain sur lequel a été ouverte la rue Clovis et édifiée la façade du collège Henri IV. En 1757, la vieille église menaçait ruine, et les chanoines de Sainte-Geneviève n'étaient pas assez riches pour la reconstruire à leurs frais. Heureusement pour eux, le roi Louis XV, ayant été atteint à Metz d'une fièvre violente qui mit ses jours en danger, la douleur du peuple fut si expansive et si sincère qu'elle valut au monarque le surnom de Louis le Bien-Aimé ; cependant il guérit, et il attribua sa guérison à l'intercession de sainte Geneviève. En témoignage de sa reconnaissance, il décida la construction d'une nouvelle église qui fût digne de Paris et de sa patronne, et dont sa cassette particulière supporterait tous les frais. Le terrain déterminé pour ce grand œuvre par les lettres patentes du mois de mars 1757, et sur lequel on a tracé la place entière du Panthéon, entre l'abbaye de Sainte-Geneviève et la rue Saint-Jacques, fut prélevé sur les jardins et dépendances de l'abbaye.

Le centre de la place fut réservé pour la nouvelle église, confiée aux talents de Jean-Germain Soufflot, que la construction de l'Hôtel-Dieu et du grand théâtre de Lyon avaient mis au premier rang des architectes de ce temps-là. Ces explications étaient nécessaires pour faire comprendre que l'édifice où nous allons pénétrer fut d'origine une église, et que son caractère primitif subsiste, malgré les révolutions qui, en France, n'atteignent pas moins les pierres que les personnes et les institutions. Ajoutons que la partie souterraine de la nouvelle église Sainte-Geneviève était construite dès 1763, que Louis XV posa la première pierre de l'église supérieure le 6 septembre 1764, et que l'édifice était à peu près achevé lorsque sa destination fut changée, avant qu'il n'eût été consacré.

Une loi de l'Assemblée constituante du 4 août 1791 décida qu'il prendrait le nom de Panthéon et recevrait les cendres des grands hommes. En conséquence, on y transféra successivement les restes de Mirabeau, de Voltaire, de Marat, de Le Pelletier, de Saint-Fargeau et de Jean-Jacques Rousseau. Un décret de Napoléon Ier, de février 1806, rendit l'édifice au culte, sous l'invocation de sainte Geneviève, patronne de Paris, tout en lui maintenant le caractère de nécropole nationale, en faveur des grands dignitaires de l'Empire et de la couronne, des sénateurs, des grands officiers de la Légion d'honneur et des citoyens qui auraient rendu d'éminents services à la patrie. Un peu plus de quarante personnes reçurent cet honneur, entre autres le cardinal Caprara, le maréchal Lannes et le ministre Portalis.

Napoléon Ier, qu'on rte soupçonnera pas de plagier l'Angleterre, venait de créer, par son décret de 1806, un Westminster français.

Sous Louis XVIII, l'église Sainte-Geneviève, rendue purement et simplement au culte catholique, fut remise à l'archevêque de Paris, qui l'inaugura le 2 janvier 1822. Elle redevint officiellement le Panthéon par un décret du 26 août 1830, qui, pour prévenir les inhumations précipitées et les exhumations non moins rapides, pour éviter enfin aux grands hommes du jour le triste destin de Marat dont les restes passèrent brusquement du Panthéon à l'égout de la rue Montorgueil, statua que les honneurs du Panthéon ne seraient accordés aux dits grands hommes que dix ans après leur mort.

Ce ne fut pas la dernière incarnation du Panthéon. Un décret rendu par le Prince-Président, quatre jours après le coup d'État du 2 décembre 1851, y rétablit encore une fois le culte de sainte Geneviève, et un second décret du 22 mars 1852, concerté avec Mgr Sibour, archevêque de Paris, créa six chapelains et un doyen pour assurer le service religieux.

Les choses restèrent en cet état jusqu'au 25 mai 1885. Ce jour-là mourut Victor Hugo. Le lendemain, un décret présidentiel signé Grévy, effaçant encore une fois le nom de sainte Geneviève, rétablissait le Panthéon et ordonnait que le cercueil de Victor Hugo y serait déposé. Le poète avait-il prévu ce suprême honneur pour sa propre personne, lorsqu'il écrivait, dans son Ode aux morts de Juillet, cette strophe grandiose :

C'est pour ces morts, dont l'ombre est ici bienvenue,
Que le haut Panthéon élève dans la nue,
Au-dessus de Paris, la ville aux mille tours,
La reine de nos Tyrs et de nos Babyloncs,
Cette couronne de colonnes
Que le soleil levant redore tous les jours !

L'intérieur du Panthéon reflète les variations de sa destinée depuis 1791 jusqu'à ce jour. Église catholique, ou manquent l'autel et le sanctuaire, temple grec et païen rempli des témoignages multipliés de la légende chrétienne et nationale,

École de Droit et Bibliothèque Sainte-Geneviève
l'âme y éprouve le sentiment d'un vide énorme et d'une maison déserte, malgré l'affluence habituelle des visiteurs.

Le plan de l'édifice est une croix grecque irrégulière, dont les bras transversaux sont trop courts pour une croix grecque et trop larges pour une croix latine. Cette disposition produit quatre nefs inégales entre elles, celle de l'entrée et celle du fond étaient plus vastes que les deux nefs latérales.

Au point d'intersection des quatre nefs s'élève le dôme, soutenu par quatre piliers quadrangulaires, qui forment quatre pans coupés, ornés de pilastres. Ces piliers séparent quatre arcs et quatre pendentifs, surmontés d'un entablement, au-dessus duquel s'élève une colonnade semblable à la colonnade extérieure. L'entablement de cette colonnade supporte les trois coupoles concentriques qui forment le dôme proprement dit. La première, sculptée de caissons à rosaces, mesure 28°,14 de diamètre et présente au centre une ouverture de 10 mètres, par laquelle on aperçoit une seconde coupole, éclairée par des croisées cintrées et enveloppée elle-même par une troisième coupole ovoïde, qui porte directement la lanterne et la croix.

Le sommet intérieur de cette coupole a été décoré par le baron Gros d'une fresque représentant l'apothéose de sainte Geneviève, dont les figures colossales ont 5 mètres de proportion ; vues du pavé de l'édifice, elle ne paraît pas dépasser les dimensions d'un tableau de genre. On peut la voir de près par un balcon d'une extrême légèreté qui fait intérieurement le tour de la coupole centrale. Les trois coupoles superposées sont en pierre, et on en estime le poids à onze mille tonnes, onze millions de kilogrammes. Cette masse énorme, portée par des colonnes dont Soufflot avait exagéré l'élégance par une coquetterie d'architecte, produisit un tassement qui fit craindre un instant pour la solidité de l'édifice ; mais les fondations étaient intactes, et quelques travaux de consolidation dans les soutiens du dôme suffirent à Rondelet, le successeur et le collaborateur de Soufflot, pour rassurer la postérité sur la conservation d'un monument qui a maintenant plus d'un siècle d'existence.

La décoration intérieure du Panthéon a été l'objet de divers plans, successivement adoptés et abandonnés. L'état actuel procède d'un programme général, tracé en 1879 par M. de Chennevières. A l'extrémité de la nef orientale ou abside, un tableau de M. Hébert représente le Christ montrant à l'Ange de la France les grandes destinées du peuple dont il lui confie la garde. Dans la nef d'entrée, à droite, M. Puvis de Chavannes a retracé, en plusieurs tableaux et entre-colonnements, la jeunesse et la vie pastorale de sainte Geneviève. Parallèlement à cette œuvre maîtresse, M. Delaunay a peint deux épisodes de la victoire remportée par sainte Geneviève sur le terrible Attila. La nef du fond à droite représente les derniers moments de sainte Geneviève et ses funérailles, par M. J.-P. Laurens. Dans les bras de la croix, la bataille de Tolbiac, par M. J. Blanc ; le couronnement de Charlemagne, par M. H. Lévy ; les grandes œuvres de saint Louis, suite de panneaux, par Cabanel ; à droite devait se placer la vie de Jeanne d'Arc, par Paul Baudry ; mais l'artiste est môrt avant d'avoir accompli sa tâche.

La chapelle de la sainte Vierge est décorée par les panneaux de M. Th. Maillot, représentant une procession de la châsse de sainte Geneviève au XVe siècle, et par d'intéressantes compositions de M. Fernand Humbert, consacrées aux grandes femmes chrétiennes de la France : sainte Blandine, sainte Radegonde, Jeanne Hachette, l'héroïne de Beauvais, et Mme Legras, fondatrice des Filles de la Charité.

D'autres compositions dans les panneaux, les trumeaux et les impostes, un grand nombre de statues, dues à de célèbres sculpteurs de ce temps-ci, MM. Perraud, Cavelier, Maindron, Chapu, Cabet, Becquet, Frémiet et Guillaume, concourent à l'ornementation générale, encore éloignée de son achèvement.

On descend dans la nef souterraine ou crypte, vulgairement désignée sous le nom de caveaux du Panthéon, par une porte qui s'ouvre au fond et à gauche de l'abside, et on en ressort par une autre porte qui s'ouvre à l'entrée du temple, à droite. On rencontre d'abord à droite, c'est-à-dire du côté faisant face à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, dans une sorte de cellule, nous dirions une chapelle, si l'on y apercevait un symbole quelconque de religion chrétienne, deux monuments funèbres : à gauche, celui de Victor Hugo, recouvert sous les couronnes et les fleurs que la famille du grand poète a choisies pour être conservées parmi celles qui chargèrent son cercueil, et en face celui de Jean-Jacques Rousseau, profondément délaissé, et auquel le cortège des visiteurs n'accorde même pas un souvenir distrait.

Sur le flanc opposé du monument, c'est-à-dire du côté de la rue de l'Estrapade, s'ouvre une cellule triple ; celle du milieu est vide, en s'y plaçant on aperçoit à droite le tombeau de Soufflot, l'architecte du monument, à gauche celui de Voltaire, accompagné d'une statue monumentale de Houdon, très inférieure à l'effigie du même écrivain par le même sculpteur, qui orne le foyer public de la Comédie Française. Au centre de l'édifice se rencontrent les tombes des grands personnages ecclésiastiques, militaires et maritimes, qui ont reçu les honneurs du Panthéon, entre autres celui de Lagrange, le célèbre mathématicien.

Les derniers hôtes du Panthéon depuis Victor Hugo sont le grand Carnot, le représentant du peuple Baudin, tué sur une barricade en 1851, le général Marceau et le grenadier La Tour d'Auvergne. Une de ces voûtes souterraines du Panthéon, qui ne paraissent pas moins cyclopéennes que les monuments éginétiques et égyptiens, est remarquable par un écho d'une sonorité extraordinaire, qui transforme en canonnade un triple roulement de tambour.

On monte jusqu'au sommet du dôme par un escalier de 425 marches, dont la première est au niveau de la galerie supérieure des tours Notre-Dame. Le panorama, vu du balcon circulaire qui tourne autour de la petite coupole, est un des plus beaux points de vue de Paris. La place en forme de quadrilatère irrégulier, au centre de laquelle s'élève le Panthéon, porte aujourd'hui deux noms : devant le monument et sur ses deux faces latérales, c'est la place du Panthéon ; au fond et par derrière, c'est la place Sainte-Geneviève. Considérons-les comme n'en faisant qu'une, et passons en revue les édifices qui l'entourent des

Le Panthéon
côtés ouest, nord et sud, le côté oriental étant couvert de constructions privées sans intérêt.

En débouchant par la rue Soufflot, on trouve à gauche la façade de l'École de droit, à laquelle fait pendant sur la droite la mairie du Ve arrondissement ; continuant à gauche, on rencontre le vaste et bel édifice de la bibliothèque Sainte-Geneviève, avec retour sur le côté impair de la rue des Sept-Voies ; de l'autre côté de celle-ci, l'administration de la Bibliothèque ; puis, après avoir passé devant quelques masures, le débouché de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève ; puis, en retour et tournée vers l'occident, la façade de l'église Saint-Étienne du Mont. Séparés de celle-ci par la rue Clovis, s'étendent ensuite jusqu'à la rencontre de la rue de l'Estrapade, hors du périmètre de la place, les bâtiments et les jardins du lycée Henri IV, édifié sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de Sainte-Geneviève.

A l'angle nord-ouest de la place, entre la rue Soufflot et la rue Cujas (ancienne rue Saint-Étienne-des-Grès, c'est-à-dire rue des Grecs), Soufflot construisit pour l'École de droit un édifice de belle apparence, dont la façade concave est ornée de quatre colonnes ioniques, qui soutiennent un fronton triangulaire portant dans son tympan les armes de France. La Faculté de droit y fut installée le 24 novembre 1772. Elle comprend vingt-deux chaires. A la Faculté de droit est annexée une bibliothèque importante, où les étudiants sont admis.

La façade septentrionale de la place est occupée par la Bibliothèque Sainte-Geneviève, l'une des plus considérables de Paris, et la seule qui soit ouverte le soir aux travailleurs. Bâtie en vertu d'une loi du 2 juillet 1844, sur l'emplacement de l'ancien collège Montaigu, successivement prison et hôpital militaire, qui tombait en ruines, la Bibliothèque Sainte-Geneviève occupe un parallélogramme d'environ 85 mètres de façade sur 21 mètres de profondeur. Elle est bâtie en briques et pierre de taille, avec planchers, voûtes et combles en fer. On y pénètre par un grand vestibule où l'on remarque des bustes de personnages célèbres et des panneaux peints par le paysagiste Desgoffes. L'escalier a été décoré par M. Balze, avec des copies de peintures appartenant au Vatican de Rome, entre autres l'École d'Athènes de Raphaël. Au rez-de-chaussée se trouvent les salles de dépôt et le département des manuscrits et gravures. Le premier étage est occupé par une salle qui a la dimension même de l'édifice. Elle peut recevoir quatre cents lecteurs autour des tables. Elle est éclairée pendant le jour par quarante et une grandes fenêtres et le soir par cent trente-cinq becs de gaz.

 


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