Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Philippe VI de Valois. — Pierre Remy, trésorier. — Saint-Sépulcre. — Le pilori des Halles. — Les ménétriers. — L'école de santé. — Mahaut d'Artois et Robert d'Artois. — Nouveaux établissements publics. — Le supplice de Malestroit. — Les jouteurs. — Châtiment des blasphémateurs. — La peste noire. — L'Hôtel Dieu. — Cinq cents morts par jour. — Le convoi royal. — La guerre et les modes.

On pourrait croire que l'usage s'était introduit lorsqu'un prince s'emparait du pouvoir royal, de commencer à faire acte d'autorité en pendant le ministre des finances de son prédécesseur. Philippe le Bel avait donné l'exemple. Charles le Bel l'avait continué. Philippe VI, avant même d'être sacré, commanda l'arrestation de Pierre Remy, trésorier de Charles le Bel successeur de Gérard de la Guette, accusé d'avoir malversé dans les finances du royaume. « N'ayant pu se justifier du crime de péculat », un arrêt du parlement du 25 avril 1328, le condamna à être pendu et, on le conduisait au petit gibet de Montigny réservé au vulgaire, lorsque, mécontent peut-être de n'avoir pas les honneurs du gibet de Montfaucon, ou, plus probablement, cédant à des remords de conscience, Pierre Remy s'accusa tout à coup d'une foule de crimes qu'on ne lui reprochait pas, entre autres celui de haute trahison contre le roi et contre l'État.

Il devenait impossible devant cet aveu de le pendre comme un manant à Montigny, d'autant plus que des gens qui le soupçonnaient fort d'être un malhonnête homme, s'étaient amusés à écrire sur l'un des piliers du gibet de Montfaucon ces deux vers très apparents :

En ce gibet ici emmy
Sera pendu Pierre Remy.

Il tenait à justifier la prophétie. On le fit donc revenir sur ses pas, on l'attacha à la queue du chariot qui le menait et on se dirigea vers le gibet de Montfaucon où « il eut l'honneur d'être mis au haut bout, au dessus de tous les autres voleurs. »

« On faisait monter, dit l'historien Félibien, la confiscation de ses biens à douze cent mille livres qui étaient le fruit aussi bien que la preuve, de ses pilleries, mais cet exemple et plusieurs autres semblables ne rendirent pas plus modérés ceux qui manièrent depuis les finances, témoin Macé de Maches, trésorier changeur du trésor du roy exécuté comme Pierre Remy en 1331, Réné de Siran, maître des monnaies, traité de mesme en 1333 et quelques autres. » Il paraît que c'était une tradition. Rectifions toutefois en ce qui concerne Réné de Siran, qui se suicida dans sa prison, ce qui ne l'empêcha pas, à la vérité, d'être transporté et pendu ensuite à Montfaucon.

Philippe VI, sacré à Reims le 29 mai 1328, fit une entrée royale à Paris ; il s'arrêta d'abord à Saint-Denis et y fût reçu avec une grande pompe ; il vint, ensuite suivi de son cortège, à la léproserie de Saint-Lazare, se reposa suivant l'usage au Logis du roi et se présenta enfin à la porte Saint-Denis, où il fut reçu par le prévôt des marchands et les échevins qui, pour la cérémonie, avaient revêtu des robes mi-parties rouges et jaunes. Ils prirent place dans le cortège après le Parlement et avant la Chambre des Comptes, et l'église Notre-Dame, avec tout son clergé en habits de cérémonie reçut le nouveau souverain et sa suite ; de là il se rendit au palais où un festin des plus somptueux était préparé pour le recevoir. Il resta quelques jours dans la ville, occupé à rendre visite aux nombreuses églises et « à servir les pauvres de l'Hôtel Dieu de ses propres mains » avant de se disposer à la première campagne de Flandre.

Ce fut sous le commencement du règne de Philippe de Valois que furent créés les conseillers au Châtelet, au nombre de huit, puis de douze ; quelques autres améliorations importantes furent aussi apportées dans la façon de rendre la justice.

En même temps, fut confirmée par ce prince la fondation de l'église du Saint-Sépulcre qui fut édifiée dans la rue Saint-Denis par une confrérie de bourgeois qui avaient fait voeu de visiter la Terre sainte ; elle était destinée aux assemblées des confrères et à servir d'hôpital aux pèlerins ; cette nouvelle église fut le prétexte de grands différends entre le chapitre de Notre-Dame et celui de Saint-Merri et l'évêque de Paris fit défense d'y célébrer le service divin sous peine d'excommunication. Moyennant finances, tout s'arrangea, et, en 1333, le nombre des confrères se montait à mille, parmi lesquels figuraient des rois, des princes et des gens de toute condition. Le jour de la fête, qui était fixé au troisième dimanche après la Pentecôte, un grand festin les réunissait et la dépense se montait à plus de cent cinquante livres, somme considérable à cette époque.

En 1672, un édit du marquis de Louvois réunit cette maison hospitalière à l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem.

Hugues de Cruisi, président aux enquêtes, dont la conduite laissait beaucoup à désirer, fut pendu à l'hôtel de Nesles en 1328, et la même année, Guillaume, doyen de Bruges, « perturbateur du repos public » qui s'était, réfugié en Brabant, où il faisait ce qu'il pouvait pour exciter de nouveaux troubles contre le comte de Flandres, fut envoyé au roi par le duc de Brabant. Son procès fut fait à Paris et les juges le condamnèrent à être exposé au pilori, à y avoir les deux mains coupées et tournées avec lui devant ses yeux et enfin, à être pendu sur le lieu même du Pilori du roi.

Ce Pilori était situé aux Halles ; en 1295, était un puits appartenant à un bourgeois du nom de Lori et un gibet placé à côté en prit le nom. On construisit sur l'emplacement du puits Lori comblé, une tour de pierre octogone, dont l'étage supérieur était percé de grandes fenêtres sur toutes ses faces. Au milieu de cette tour était une roue en bois, tournant sur pivot et percée de trous par lesquels on faisait passer la tête et les bras de la personne condamnée. On l'exposait ainsi aux regards, aux quolibets et aux insultes de la foule pendant trois jours consécutifs de marché, durant l'espace de deux heures et, de demi-heure en demi-heure, on faisait tourner la roue, afin que le malheureux exposé put être vu de tous côtés. Il était permis de lui jeter de la boue et des ordures, mais non des pierres et autres objets de nature à le blesser. Souvent après l'exposition, le Le propriétaire du magasin plaça ces statues sur une terrasse

Un des nombreux piloris existant à Paris en 1500.
condamné était exécuté, soit qu'on lui tranchât la tête sur un billot, soit qu'on le pendit.

En 1516, la populace indignée de voir le bourreau Fleurant s'y reprendre à deux fois pour trancher la tête d'un condamné, renversa le pilori sur lui et l'étouffa sous les décombres, mais en 1542, le pilori des Halles fut reconstruit.

Parfois, le pilori constituait la seule peine prononcée ; tel était le cas pour les concussionnaires, les valets convaincus d'insolence envers leurs maîtres, les soldats insubordonnés, les mendiants ; mais le plus souvent, il n'était que l'accessoire d'une peine plus forte, telle que le coupage d'un membre, des oreilles, etc. Un écriteau relatait quelquefois le nom et le crime du condamné.

Le pilori fut aboli en 1789 et remplacé par le carcan, qui lui-même, fit place à l'exposition publique qui avait lieu sur la place du Palais de Justice et fut supprimée en 1848.

En 1329, Geoffroi du Plessis, fondateur du collège qui portait son nom, en établit un autre pour les religieux de Marmoutiers, dans quatre maisons qui lui appartenaient dans la rue Saint-Jacques. Ce collège prit le nom de Marmoutiers. Il était destiné aux écoliers pauvres que l'abbaye de Marmoutiers envoyait à paris pour y faire leurs études ; les jésuites l'achetèrent en 1637 pour agrandir le collège Louis-le-Grand.

Ce fut cette année-là que les Cordeliers tinrent aux fêtes de la Pentecôte leur chapitre général à Paris, et ce fut dans leur église que fut enterré l'année suivante le prince Louis, fils du roi.

Dans cette même année 1329, furent aussi élevés à Paris, rue Saint-Martin, l'église et l'hôpital de Saint Julien des Ménétriers ; voici l'origine que lui donne un vieil historien : « L'an de grâce 1328, le mardi devant la Sainte-Croix, en septembre, il y avait en la rue Saint-Martin-des-Champs, deux compagnons ménestriers qui s'entr'aymoient parfaitement et estoient toujours ensemble. L'un estoit de Lombardie et s'appeloit Jacques Graze de Pistoie autrement dit Lappe ; l'autre estoit de Lorraine et avait nom Huet, le guette du palais du roi. Or advint que le dit jour après disner, ces deux compaignons estant assis sur le siège de la maison dudit Lappe et parlant de leur besongne, virent de l'autre part de la voye, une pauvre femme appelée Fleurie de Chartres, laquelle estoit en une petite charrette et n'en bougeoit jour et nuict, comme entre prinse d'une partie de ses membres et là vivoit des aumosnes des bonnes gens. Ces deux, esmeus de pitié, s'enquirent à qui appartenoit la place désiranis l'achepter et y bastir quelque petit hospital. Et après avoir entendu que c'estoit à l'abbesse de Montmartre, ils l'allèrent trouver et, pour le faire court, elle leur quitta le lieu à perpétuité à la charge de payer par chacun an cent sols de rente et huict livres d'amendement dedans six ans seulement. Et sur ce, leur fit expédier lettres en octobre, le dimanche devant la Sainct-benys 1330. »

Tel fut le commencement de l'hôpital qui reçut d'abord les noms de Saint-Julien et Saint-Genest ; plus tard ses fondateurs bâtirent l'église, alors que, réunis en confrérie dans la rue qui porta le nom de rue des Jongleurs (puis rue des Ménétriers, et fut enfla confondue dans la rue Rambuteau), les Ménétriers contribuèrent tous par des dons volontaires aux dépenses de cette double fondation.

« L'architecture de la petite église de Saint-Julien excitait la curiosité des artistes, disent MM. Lazare, dans leur Dictionnaire des Rues de Paris, sa façade pittoresque était d'une délicatesse remarquable. Elle consistait en une grande arcade accompagnée de quatre niches. La frise de l'arcade était remplie de petits anges qui jouaient de plusieurs instruments alors en usage, tels que l'orgue, la harpe, le violon, le rebec à trois cordes, la vielle, la mandoline, le psaltérion, la musette, le cor, le hautbois, la flûte de Pan, la flûte à bec, le luth et le tympanon ; dans la niche à gauche était la statue de saint Julien, à droite celle du martyr saint Genest, comédien à Rome sous le règne de Dioclétien. Ce saint protecteur des musiciens et des histrions, était coiffé d'une espèce de toque et couvert d'un simple manteau. II tenait à la main un violon. »

En 1771, l'archevêque de Paris ordonna aux prêtres de la doctrine chrétienne de célébrer le service divin dans la chapelle de Saint-Julien. Le 17 décembre 1789, une députation des confrères de Saint-Julien-des-Ménétriers se présenta à la barre de l'Assemblée nationale, et lui fit hommage de leur église. Ce curieux monument fut vendu le 25 février 1792 et démoli ensuite.

Quelques mots maintenant sur la corporation des Ménétriers, c'est-à-dire joueurs d'instruments. Les seuls jongleurs et ménétriers de la corporation de Paris dont nous avons déjà parlé, avaient le droit de faire entendre le bruit de leur musique aux fêtes et aux noces qui se célébraient dans la ville et d'y rester pendant toute leur durée. Les ménétriers étrangers ne devaient point s'y présenter ; s'ils s'en avisaient, ils étaient condamnés à l'amende.

Les ménétriers étaient gouvernés, on le sait par un roi ou prévôt de Saint-Julien, qui était autorisé à bannir de Paris pendant un an et un jour les ménétriers parisiens, qui ne faisant pas partie de la corporation, et n'ayant point juré d'observer ses règlements, tentaient d'exercer leur profession dans cette ville. Mais lorsqu'ils ne faisaient que passer par Paris, il étaient hébergés à l'hôpital fondé pour les recevoir.

Le titre de roi des ménétriers fut supprimé en 1773 ; il avait été porté sous Louis XIII par le fameux violoniste Constantin, qui s'intitula aussi roi des violons.

Malgré les diverses ordonnances rendues par les rois depuis Louis le Gros, il faut croire que les pourceaux continuaient à vaguer librement par les rues, car en 1331, un nouvel édit donna aux sergents le droit de tuer ceux qu'ils rencontreraient errants, d'en garder la tête et de porter le corps à l'Hôtel-Dieu.

Au mois de février 1332, furent fondés deux nouveaux collèges, celui d'Arras et celui de Bourgogne. Celui d'Arras situé rue des Murs (depuis rue d'Arras) au coin de la rue Clopin, eut pour fondateur Nicolas Le Cauderlier, abbé de Saint-Vaast d'Arras, en faveur de quelques pauvres écoliers de sa ville ; à l'origine, il avait occupé une maison de la rue Chartière, près le clos Buneau. Il fut réuni au collège Louis-le-Grand en 1763.

Quant à celui de Bourgogne, beaucoup plus important, ce fut la reine Jeanne de Bourgogne qui, en mourant, chargea ses exécuteurs testamentaires de l'établir. Elle avait ordonné que son hôtel de Nesles fût vendu et que le prix en fût employé à la fondation d'un collège destiné à l'entretien de vingt pauvres écoliers de Bourgogne. En février 1632, ceux-ci achetèrent une maison sise rue des Cordeliers (rue de l'Ecole de Médecine) et qu'on appela la maison des écoliers de madame Jehanne de Bourgogne ; ils y ajoutèrent une chapelle, et, selon l'intention de la fondatrice, y firent enseigner la philosophie ; les écoliers recevaient trois sous par semaine. Cette somme étant devenue insuffisante au XVIe siècle, le parlement la fixa à cinq sous, et, en 1688, elle fut élevée à trois livres dix sous.

En 1763, il fut réuni à l'Université. Le 7 décembre 1768, un arrêt du Conseil d'État du roi décida qu'il serait élevé sur son emplacement un amphithéâtre d'anatomie et que l'École de chirurgie y serait établie. La première pierre des bâtiments fut posée en 1774. Le 12 frimaire an XIII, un décret de la Convention créa l'École de santé et lui donna les bâtiments de la ci-devante Académie de chirurgie et ceux du ci-devant couvent des Cordeliers. C'est aujourd'hui l'École de médecine.

Ce fut en 1331 que Philippe de Valois confirma les statuts de la corporation des médecins. Dans les premiers temps de la monarchie, tous ceux qui exerçaient la médecine étaient clercs, et, comme tels, forcés de garder le célibat. Une ordonnance de 1131 défendit aux moines d'étudier la médecine, et dans le concile tenu à Tours en 1163, le pape Alexandre III déclara que : « seraient excommuniés tous les religieux qui prendraient des leçons de droit et de médecine, leurs études devant se borner aux matières religieuses ».

La Faculté faisait partie de l'Université, mais, jusqu'en 1427, elle n'eut pas de maison d'école. Les grandes assemblées des bacheliers licenciés et régents se tenaient sous le nom de scliolares, au bénitier de Notre-Dame. Les leçons journalières étaient faites par les bacheliers dans la rue du Fouarre, près la place Maubert. Les actes ou examens étaient tenus chez les maîtres ; ceux-ci étaient choisis chaque année par la grande assemblée, le premier samedi après la Toussaint. On les nommait docteurs régents.

Les registres étaient tenus par les doyens, sous le titre de Commentarii. Le plus ancien est de 1324. En outre, la Faculté avait réuni les préceptes de l'École de Salerne.

En 1465, son plus riche joyau était un manuscrit latin qu'elle ne prêta au roi Louis XI que sous la garantie de douze marcs de vaisselle d'argent et un billet de mille écus d'or qu'un riche bourgeois, du nom de Malingre, souscrivit comme caution du roi.

Le jour de la Saint-Michel 1332, une fête chevaleresque fut offerte aux Parisiens. Le roi, après avoir marié Jean, son fils aîné, à Bonne, fille du roi de Bohême, l'arma chevalier. « Un grand nombre de princes et de seigneurs se rendirent à Paris pour assister à la cérémonie qui fut des plus pompeuses, et pour rendre la fête plus solennelle, le roy fit espouser ce mesme jour sa fille, la princesse Isabelle, au duc de Brabant. » Le vendredi suivant, toute la cour se rendit dans la chapelle du palais, et là, Philippe déclara qu'il avait dessein de faire le voyage de Terre-Sainte, et qu'il était résolu de confier le gouvernement de son royaume à son fis, le nouveau chevalier, et l'assistance fut invitée à lui porter serment de fidélité, ce qui fut fait. Mais le roi ne partit pas.

Quelques jours plus tard, la foule courait voir pendre deux meurtriers, Hannot et Pierre de Léans, dit de Villiers, qui avaient assassiné, en pleine église, la demoiselle Peronne d'Estreville.

Mais une affaire plus grave occupa l'attention des Parisiens. En 1329, la comtesse de Mahaut, souveraine du comté d'Artois, mourut empoisonnée à Paris, le 27 octobre, alors que Robert d'Artois faisait tous ses efforts pour obtenir la possession de ce comté en son lieu et place ; ce fut la reine Jeanne, veuve de Philippe le Long, qui fut désignée par le roi pour succéder à la comtesse de Mahaut ; mais, au moment où elle allait prendre possession de son comté, c'est-à-dire un mois plus tard, elle mourut également, empoisonnée par un de ses officiers de bouche, qui lui présenta de l'hypocras qu'elle but.

Sur ces entrefaites, Robert d'Artois avait produit des lettres signées et scellées de son aïeul Robert Ier, par lesquelles celui-ci lui faisait don de son comté ; mais ces lettres furent reconnues fausses. Un arrêt bannit Robert du royaume et ordonna la confiscation de ses biens, et on poursuivit les faussaires : une demoiselle Jeanne de Divion, son clerc, Perrot de Sanis, sa fille de chambre, Jeannette des Chaînes, et Pierre Tesson, notaire.

Ce procès fit un bruit terrible ; un jacobin, appelé comme témoin, fut menacé d'être mis à la question par l'évêque de Paris, parce qu'il refusait de révéler ce qu'il prétendait avoir su en confession.

Les docteurs en théologie s'assemblèrent et jugèrent que le jacobin devait parler, ce qu'il fit et ce qui lui valut d'être condamné à demeurer en prison jusqu'à la lin de ses jours.

La Divion fut condamnée à être brûlée vive, ce qui eut lieu sur la place du Marché-aux-Pourceaux, en présence du prévôt de Paris et d'une grande multitude de peuple.

Jeannette des Chaînes, après s'être cachée en divers endroits, finit par être arrêtée ; elle avoua avoir scellé les prétendues lettres ; elle fut arrêtée, menée à Chinon, et ses enfants furent conduits à Nemours. Un arrêt du parlement, de 1334, lui réserva le même sort qu'à sa maîtresse, et elle fut brûlée vive au Marché aux Pourceaux de la ville, au mois de mai.

Plusieurs autres faux témoins furent condamnés en même temps qu'elle, les uns à faire amende honorable, c'est-à-dire à faire en place publique, à haute et intelligible voix, en présence de la foule assemblée, aveu de son crime. Le condamné était conduit à cette place, qui généralement était le parvis Notre-Dame, par le bourreau, tête et pieds nus, en chemise, la corde au cou, portant un cierge de cire jaune à la main et un double écriteau fixé sur la poitrine et sur le dos, sur lequel se trouvait mentionné le crime expié. Les autres, au nombre de huit, furent condamnés au pilori et à d'autres peines, et le notaire fut condamné à la prison perpétuelle.

Le procès de Robert d'Artois fut un malheur public, car il est lié intimement aux tristes événements politiques qui survinrent. Robert d'Artois se retira à la cour d'Angleterre et combina avec le roi Edouard la guerre terrible que celui-ci fit à la France. Mais avant d'arriver à ce triste épisode de l'histoire, achevons de mentionner les établissements d'utilité publique qui furent fondés à Paris.

Ce fut d'abord en 1334, le collège des Lombards pour onze pauvres écoliers d'Italie. André Chini, Florentin, en fut le fondateur. Il était situé rue des Carmes, dans une maison lui appartenant. Les bâtiments tombaient en ruines, lorsque deux prêtres irlandais les firent reconstruire en faveur de prêtres et écoliers de leur nation ; le testament de Patrice Maginn, du 3 juillet 1683, s'exprime de la sorte : « Conjointement avec le sieur Malachie Kelli, j'ai obtenu des lettres patentes du roi, du mois d'août 1671 et mars 1681, pour rebâtir et rétablir le collège des Lombards, afin d'y donner retraite à ceux de notre pays qui étudieraient en l'Université et se rendraient capables d'aller porter la foi dans le dit pays. » Cette maison, devenue à la fois collège et séminaire, fut réunie au séminaire des Irlandais qui existe encore.

Par acte du 8 juillet 1333, Jean, évêque de Murray, qui avait placé quatre boursiers écossais au collège du cardinal Lemoine, érigea le collège dit des Ecossais, dans une maison de la rue des Amandiers (rue Laplace). Plus tard, l'ambassadeur d'Ecosse, Jacques de Béthun, forma une communauté de prêtres écossais, forcés par les événements politiques à se réfugier en France. Le 29 août 1639, l'archevêque de Paris transporta cette communauté au collège des Ecossais, et, en 1662, Robert Barclay, qui en était le principal, acheta un emplacement sur les fossés Saint-Victor et y fit bâtir une maison qui unit la double destination de séminaire et de collège. Dans une des chapelles se trouvait une urne en bronze doré, contenant la cervelle de Jacques II, roi d'Angleterre.

Ce collège et celui des Irlandais furent supprimés en 1792. Par arrêtés de l'an IX, de l'an XI et de l'an XII, ces maisons furent établies rue des Irlandais et placées, comme séminaires, sous la surveillance de l'Université, par décision gouvernementale du 11 décembre 1808. Le collège de Tours, rue Serpente, date aussi de 1334 ; il fut fondé par Étienne de Bourgueil, archevêque de Tours, pour un principal et six écoliers qui recevaient trois sous par semaine pour leur nourriture. En 1450, cette somme fut élevée à sept sous, puis à vingt. Il fut réuni à l'Université en 1763. Les bâtiments devinrent propriétés nationales en 1790 et furent vendus le 21 août 1793.

Le collège de Lisieux, rue Jean-de-Beauvais, fut fondé en 1336, par Guy d'Harcourt, évêque de Lisieux, qui laissa par testament mille livres parisis pour l'enseignement et la nourriture de vingt-quatre pauvres écoliers de son diocèse ; ce collège occupa d'abord une maison de la rue des Prêtres, mais, grâce aux libéralités de la famille d'Estouteville, il fut construit de nouveaux bâtiments plus grands, rue Saint-Étienne-des-Grès (rue Cujas). Il fut enfin transféré rue Jean-de-Beauvais dans le local du collège de Dormans, lorsque les écoliers de celui-ci furent incorporés au collège Louis-le-Grand.

Les bâtiments servirent de caserne après la Révolution de 1789, et, en 1815, on installa dans l'église du collège l'École d'enseignement élémentaire, d'après la méthode de Lancaster.

En 1337, nous voyons la fondation du collège d'Autun, par Pierre Bertrand, évêque d'Autun, rue Saint André des Arts, en faveur de quinze écoliers. En 1764, il fut réuni au collège Louis le Grand. En 1530, le 21 avril, un prêtre du nom de Pierre Poncet assassina, dans ce collège, le curé de Méru et son valet ; il fut arrêté, dégradé et brûlé vif, après avoir eu le poing coupé. Les bâtiments, devenus propriété de l'État, ont été vendus le 28 mars 1807. En 1339, fondation du collège de Hubant ou de l'Ave-Maria, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, par Jean de Hubant, président de la chambre des Enquêtes, en faveur de six étudiants qui devaient être originaires de Hubant en Nivernais. Réuni au collège Louis le Grand, en 1767, les bâtiments furent vendus comme propriété de l'Etat, le 7 septembre 1810.

Le collège de Chanac, de Pompadour ou de Saint-Michel fut fondé vers la même époque par l'archevêque de Paris, Guillaume de Chanac, qui donna pour cela sa maison de la rue de Bièvre et déclara, par son testament, daté de 1348, qu'il entendait qu'il fût affecté à douze écoliers du Limousin. Ce collège fut réuni en 1763 à l'Université.

Le collège de Cambrai fut fondé en 1348 (place Cambrai), par Hugues de Pomare, Guy d'Anssonne, évêque de Cambrai et Hugues d'Arcy, évêque de Laon ; ce fut pour cela qu'on le trouve parfois désigné sous le nom de collège des Trois-Évêques. Après la mort de ses fondateurs, toutes les bourses furent données par le chancelier de l'Université de Paris. En 1610, il fut en partie démoli, puis rebâti sous le nom de Collège royal. En 1612, le principal, le chapelain et les boursiers reçurent une indemnité de vingt mille livres, afin de pouvoir se loger ailleurs. Ils demeurèrent dans la partie des bâtiments non démolie ; 1680, le roi y fonda une chaire de droit français, mais en 1774, le Collège royal, devenu Collège de France, absorba tout le local qu'il occupait.

Aussi, en 1348, fut bâtie rue Saint-Jacques, au coin de la rue des Noyers, l'église Saint-Yves, par les Bretons étudiant à Paris. Les procureurs et les avocats, qui avaient adopté saint Yves pour patron, établirent une confrérie dans cette petite église, qui était d'une construction élégante ; sur le portail, se voyaient les statues de Jean VI, duc de Bourgogne, et de Jeanne de France, sa femme. Devenue propriété nationale après 1789, elle fut vendue le 6 mai 1793 et démolie en 1796.

Terminons cette longue énumération par trois autres collèges : celui d'Aubusson, fondé près de la rue Saint-André-des-Arts, mais qui n'eut pas une longue existence ; le collège Mignon, fondé en 1343 par Jean Mignon, pour douze écoliers de sa famille ; réformé en 1539, il fut donné en 1584 à l'abbé de Grandmant. Rebâti en 1747, il devint propriété nationale en 1790, servit en 1820 de dépôt aux archives et fut vendu par l'Etat, le 12 octobre 1824. Il était situé dans une rue qu'on appela d'abord rue des Petits-Champs, puis rue de la Semelle et enfin rue Mignon. Les bâtiments sont aujourd'hui occupés par une imprimerie. Et le collège de maître Clément, fondé en 1349 par Robert Clément et qui ne jouissait que de dix-huit livres : c'était insuffisant pour qu'il pût fonctionner. Il fut réuni au collège de maître Gervais, aussitôt que celui-ci fut fondé, en 1370.

 


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