Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LE CAFÉ DE SUEDE
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

Est-ce pour attirer les clients que le fondateur de cet établissement lui a donné le nom qu'il porte ? Un prince suédois en rupture d'étiquette a-t-il habité ses environs ou des Scandinaves en ont-ils fait un lieu de réunion ? Aucune de ces suppositions n'est juste, il est fort probable que ce café a reçu son titre sans raison. Du reste, un limonadier n'est pas obligé de connaître à fond l'histoire universelle. Les allées et venues des petits verres de son comptoir aux tables l'intéressent bien plus que les pérégrinations d'un empereur ou d'un roi. N'a-t-il point lui-même l'apparence d'un souverain. Il est vrai que son sceptre est une serviette, que son empire a pour bornes les murs qui séparent son café des boutiques voisines. Il envahit bien le trottoir, mais cet envahissement est légal, la préfecture de police lui a donné l'autorisation, la préfecture de la Seine le fait payer tant par mètre carré d'asphalte occupé par les tables.

Comme sujets, le patron a ses garçons, auxquels il commande en maître absolu, les consommateurs ne sont que des tributaires qu'il exploite habilement. Son intérêt est toujours en éveil, et le tromper paraît difficile. Mais fermons cette parenthèse sur le limonadier et parlons du sujet qui nous occupe.

Le café de Suède est doré, pimpant ; il a été et est encore le rendez-vous d'acteurs, de littérateurs qui aiment voir, l'hiver, à travers les glaces de la devanture, circuler les piétons enveloppés dans des vêtements épais, le col relevé, la tête enveloppée d'un immense cache-nez. L'été, le spectacle est plus gai. Le soleil brille, Les toilettes sont fraîches, la démarche est légère, les flâneurs sont nombreux. Cependant, malgré tous ces avantages, beaucoup des anciens habitués du café de Suède l'avaient abandonné ou ne le fréquentaient plus d'une façon aussi assidue. Quelques grecs y avaient établi le centre de leurs opérations véreuses, des descentes de police furent opérées. II y a quelque années encore, la population du premier étage était très mêlée, et on jouait le baccarat et le lansquenet : les marchands de diamants, s'y donnaient rendez-vous. Dans l'après-midi. quelques amateurs de billard se livrent à une orgie de carambolages. MM. de Labédollière . Richardet, Alfred Ixel, Sévilly, rédacteurs du National, jouaient leurs absinthes en une ou plusieurs parties de jacquet.

M. Antoine Gandon, l'auteur des Trente-deux duels de Jean Giton, mort depuis quelques années, a été un des habitués du café de Suède. Lambert Thiboust, quand il entrait, était toujours accompagné de M. Paul Aubert, surnommé Pomme-au-beurre. M. Teissier a également un Pylade, c'est M. Ernest Adam. On a donné à M. Verlé le sobriquet de Canuche, pourquoi Canuche ?

M. Alfred Touroude, havrais et auteur dramatique, qui se disait tout modestement le Shakespeare du XIXe siècle. fréquentait le Suède. Ce jeune auteur admirait ses pièces et parlait de son génie. M. Durécu, ancien directeur des Folies-Bergères et de beaucoup de théâtres de province ; Pons, l'excellent maître d'armes ; Henri Chabrillat, ex-rédacteur du Figaro. attaché pendant la guerre à la personne du général Chanzy. décoré pour sa belle conduite, et aujourd'hui directeur de l'Ambigu-Comique avec M. Cantin, son beau-père ; Vermersch, le sinistre rédacteur du Père Duchène ; Albert Glatigny, comédien et poète ; Lagrénay, qui joue avec un succès étourdissant les rois dans toutes les féeries. Hamburger, Alexandre père et fils, et beaucoup d'autres artistes, ont été ou sont encore les clients du café de Suède.

Tous les habitués du boulevard ont connu au moins de vue M. Glatigny, d'une taille que sa maigreur excessive faisait paraître fort longue. Il a raconté comment un jour, voyageant en Corse, un gendarme le prit pour Jud, l'arrêta et voulait à toute force le faire monter sur l'échafaud. Le Jud par erreur protesta, ne se laissa influencer ni par les flatteries, ni par les menaces, et fut mis en liberté. Pendant la guerre, son père, qui habitait la Normandie, fut presque la victime d'une erreur semblable, on le prenait pour un espion.

 


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