La rue Vavin était avant 1831, un passage avec une double rangée de tilleuls. A la date que nous signalons, le propriétaire du passage fit abattre les arbres, bâtir des maisons et le passage devint une rue à laquelle il donna son nom : Vavin. Chose étonnante, ce nom est resté à cette voie, il a survécu aux changements de gouvernements, de ministères, de préfets de la Seine et autres réformateurs qui croient avoir rendu un grand service à la société lorsqu'ils ont changé les plaques bleues fixées aux immeubles formant l'encoignure des rues.

La brasserie Mayer est un centre de réunions autant politiques qu'artistiques. Toutes les opinions s'y heurtent, chacun a en poche un moyen infaillible de sauver la France ; malheureusement on ne permet pas d'appliquer ces remèdes multiples qui très probablement tueraient le sujet. Pas de luxe à la brasserie Mayer ; l'ameublement est des plus simples ; aux murs sont des estampes représentant des sujets patriotiques : c'est la cathédrale de Strasbourg élevant sa flèche vers le ciel ; c'est la cité alsacienne détruite par le bombardement ; trois femmes fièrement vêtues de costumes qui forment les couleurs nationales de la France ; un Gambrinus sculpté par Rollard.

On entre d'abord dans une première salle ; là, les clients sont calmes, ce sont des philosophes rêveurs ; on y voit surtout Auguste Lenthéric, de la Gazette de France, fumant sa pipe, sirotant un bock. La pièce du fond est plus animée ; c'est Lix, le dessinateur du Monde illustré, le sculpteur Delaplanche, son confrère Falguière, l'auteur de la statue de dom Calmet, que la ville de Sénones a fait élever au célèbre bénédictin en 1873 ; les peintres Henner, Georges Duchêne, Jules Vallès, Barodet ont fréquenté la brasserie.